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Tant qu’il y aura de l’argent...

Relance en Espagne deuxième partie : La réorientation

Article mis en ligne le mardi 1er avril 2014

RAPPEL DU PREMIER EPISODE : a retrouver sur Tant qu’il

Comme on l’a vu précédemment, ça ne va pas fort dans la péninsule ibérique. Chômage à 26%, PME en berne, consommation au niveau de l’Ethiopie avant l’invention du feu, salaires dignes d’un travailleur Nike en CM1 du Pakistan et des banques qui vont de sauvetage en sauvetage… Pourtant, tout va aller pour le mieux, selon les experts. Alors, pourquoi tant d’optimisme ? Voyons ce que nous disent un peu les messagers du patronat.
La réorientation

C’est le grand discours du moment : maintenant que les réformes sont passées, que les patrons ont fait des tapis de peaux avec leurs prolos, on peut retourner à l’époque où l’Espagne était compétitive. C’est une stratégie qui avait marché, après tout, après la guerre civile. Et c’est aussi avec ce brillant remède que les Pinochet and Co ont remis l’Amérique du Sud sur les rails de l’activité, dans les années 70.

Décortiquer les analyses de certains « experts » employés par de grandes banques d’affaires peut permettre de mieux comprendre ce qui risque rapidement d’arriver à la population ibérique. Ainsi selon l’expert de Natixis Patrick Arthus :

« Avec l’avantage de coût salarial par rapport à l’Allemagne, la France, l’Italie, mais aussi […] la moindre qualification de la population active, le rôle futur de l’Espagne semble devoir être le centre de production milieu de gamme pour les entreprises européennes et le marché européen. L’Espagne jouerait pour l’Europe à peu près le même rôle que la Chine pour le monde depuis la fin des années 1990. »

Vendre tout à l’exportation, maintenir les salaires au plus bas.

Du coup, des entreprises reviennent, pour profiter de cette main d’œuvre pas chère. Et comme après la guerre civile, ce sont les Ricains qui s’enthousiasment le plus : « les investisseurs semblent avoir rayé le pays de leur liste noire. « Viva España », clamait récemment Morgan Stanley… », rappellent les experts de Natixis.

Ces derniers ajoutent :

« Désormais, les ventes à l’extérieur couvrent plus de 30% du PIB. Un mouvement qui s’accompagne d’une compétitivité accrue, les salaires ayant chuté ».

On a même droit à un exemple :

« Certains fabricants, comme General Motors, sont en train de déménager leur production de la Corée du Sud vers l’Espagne. Je pense notamment à l’Opel Mokka, qui sera produite à Saragosse pour profiter des coûts moindres, en Espagne, de la logistique et de la production, qui compensent largement le coût horaire moindre d’un travailleur coréen. ».

Bien sur cette analyse « d’expert » est largement partagée par la classe politique du pays :

« Nous sommes en train de passer du BTP à un modèle basé sur la compétitivité et l’exportation », a expliqué le ministre des Affaires étrangères1.

Celui-ci ajoute dans une interview que : « la grande révolution, c’est le nombre de PME, dans tous les secteurs, qui se sont joints à cette nouvelle dynamique [de l’export, ndlr.] ». Plutôt marrant quand on voit que 47 000 PME ont été détruites ! On sent qu’elles n’ont pas trop eu le choix !

Toujours en verve il rajoute même :

« Il est certain aussi que des secteurs industriels, comme l’automobile, se repositionnent par rapport au nouveau marché du travail. » Là aussi la déclaration est comique quand on voit que l’Espagne vend deux fois moins de caisses qu’avant la crise ! (Plus de détails dans la première partie de cet article). L’Espagne veut donc devenir l’atelier de l’Europe.

Le problème, c’est que pour vendre, il faut qu’il y ait des acheteurs. Or, dans la crise qu’on connaît, rien ne nous dit qui va consommer tous ces produits. L’idée serait de refaire le coup des années 70, c’est-à-dire endetter les principaux pays consommateurs pour qu’ils puissent relancer les exportations des autres, en priant pour que tout ça ne s’effondre pas encore plus vite.

Encore faudrait-il que ce soit possible aujourd’hui, et on peut clairement en douter. Par exemple, la France, premier acheteur de l’Espagne2, est parti pour subir elle aussi la morosité des cures d’austérité. Alors à qui vendre ? Surtout que selon les analystes les plus optimistes, principalement ceux des banques espagnoles3, il faudrait une croissance de 2,5% chaque année en Espagne, pour qu’elle rejoigne les chiffres d’avant la crise… d’ici 10 ans ! Entretemps, nul doute que la population ne va pas se tourner les pouces.

L’autre problème, c’est que contrairement au passé, l’Espagne a aujourd’hui, énormément de concurrents. Forcément, à crise mondiale, conséquences mondiales…

Pour comprendre ça, il suffit de se pencher sur le « coût » horaire moyen du travail par pays : celui de l’Espagne est celui qui baisse le plus en Europe4. Le gouvernement s’arrache pour rattraper le tiers-monde en compétitivité5. Il tourne aujourd’hui autour de 20€ et des poussières par heure contre à peu près 35 en France et en Allemagne. Le problème, c’est qu’un pays comme l’Ukraine a une main d’œuvre qui coûte huit fois moins cher6. Pour la Chine c’est six fois…

Alors autant le dire, avec une telle concurrence le retour au plein emploi même en généralisant du travail presque gratuit, c’est mort.

La suite de l’article sur Tantqu’il

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