Une tribune pour les luttes

Élans protestataires et maintien de l’ordre en Espagne

Tant qu’il y aura de l’argent...

Article mis en ligne le vendredi 18 avril 2014

Face à un bouillonnement populaire et à une population qui voit chaque jour l’insuffisance des solidarités héritées du mouvement « indignados », l’Etat ne chôme pas. C’est que la « relance » ne va pas donner à bouffer à tous ces pauvres qui ont toujours moins de thunes. Elle ne va pas loger tous ces gens qui voient les grues détruire des logements vides.

Alors, depuis la dernière grande journée de grève (14 novembre 2012), des outils de maintien de l’ordre sans précédent ont été mis en place.
Armement légal…

La loi citoyenne de sécurité (loi Fernandez), passée il y a quelques mois, est sans doute la plus criminalisante d’Europe. Le prétexte ? Les manifestations « Rodea el Parlamento » qui ont un peu plus dégénéré que d’habitude. On a même parlé de techniques « basques » dans les médias.

- Les « menaces ou insultes envers un policier », ou le fait de « disposer des éléments qui empêchent la libre circulation des véhicules et des personnes » sont passibles d’amendes de 30 000€. Atteindre à leur honneur coûte moins cher : c’est seulement 10 000€ le « ACAB » (All Cops are Bastards) sur un mur.

- L’occupation d’une banque, action fréquente des syndicats oppositionnels, est passible de 3 à 6 mois de prison.

- Pour les manifestations « sans préavis, devant des institutions de l’état, comme le Congrès, le Sénat ou les hauts tribunaux » : 30 000 €, et jusqu’à un an de prison si c’est près d’un bâtiment d’Etat ; un appel à manifester sur twitter ou facebook pour une manif non déposée : pareil. Autant le dire, les politicards espagnols sentent leur scalp un peu trop convoité par des hordes de chômeurs vindicatifs : en témoignent les interdictions qui accompagnent les « escraches ». Les « escraches », c’est la nouvelle limite de la non-violence manifestante : elle consiste à faire des rassemblements devant les domiciles des élus. Forcément, c’est souvent à deux doigts de dégénérer,

Bref, on ne va pas tous les faire, vous les avez ici. Evidemment tout ça ne sera pas systématiquement appliqué, mais donne à la flicaille un grand bol d’air législatif. Merci qui ?
Justice payante ou expéditive

Avec la loi Fernandez (qui pourrait cependant être jugée inconstitutionnelle), un autre volet de la répression se profile : celui de la taxe judiciaire . Les mesures annoncées plus haut sont des épouvantails, chargées de rappeler au manifestant ce qu’il risque en faisant appel au tribunal. Car c’est là la grande nouvelle, désormais il y aura mieux que la comparution immédiate « made in France » : l’Espagne met en place les « peines administratives ». Ces peines seraient appliquées sans même passer par une cour et permettraient par exemple, de sanctionner d’une peine ferme ou de 30 000€ le manifestant refusant de décliner son identité, ou ayant filmé un policier en train de casser du prolo . Même les fachos de Reporters sans Frontières, où le nouveau maire FN de Béziers à fait ses premières armes, ont fait par de leur indignation .

Si, vous souhaitez porter l’affaire en justice, il faudra payer la « taxe judiciaire ». Cette taxe existe déjà dans presque tous les pays du monde certes, mais rien à voir avec la version espagnole 2.0. Ainsi, récuser une amende de moins de 100€ coûtera 200€ de frais de justice . Comble de l’ironie, si vous vous faites virer de manière abusive, il faudra payer 500€ d’office pour le contester (1200€ en dernière instance). Et bien entendu, cette réforme touche en particulier les femmes qui devront débourser une blinde pour porter plaintes contre des violences domestiques ou pour un divorce. Mais nous en parlerons plus largement bientôt (promis).

Tout le monde y aura droit et au même tarif, riches ou pauvres, selon le vieil adage démocrate de « l’égalité des droits ». Une nouvelle preuve, si c’était nécessaire, que la démocratie, c’est encore et toujours la guerre contre les prolos. Tous, sauf les victimes du « terrorisme » : en majorité des familles de politicards ou de flics. Dans un pays où ces derniers n’hésitent pas à relier à ETA les rassemblements de blocage du parlement ou encore d’ « ennemi » quand les étudiants valenciens se mobilisent , l’expression « justice à charge » prend tout son sens. Le mot de terrorisme est appelé à réunir toutes les formes de mobilisation contre le patronat et son Etat.

La suite sur le site de Tant qu’il y aura de l’argent...

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