Une tribune pour les luttes

LA NOUVEAU CODE PENAL EN TURQUIE

Article mis en ligne le vendredi 24 juin 2005

TURQUIE : INQUIÉTUDES CONCERNANT LE NOUVEAU CODE PÉNAL

Une nouvelle version du Code pénal turc (CPT), en ce moment débattue au Parlement, contient de nombreuses restrictions au droit à la liberté d’expression, qui pourraient être utilisées pour emprisonner des personnes pour l’expression de leurs opinions. En outre, la nouvelle version du CPT ne met pas fin aux discriminations sur base de l’orientation sexuelle, et maintient des systèmes d’impunité pour les auteurs d’actes de torture.

Contexte

En tentant de s’aligner sur les critères d’adhésion à l’Union européenne, le Gouvernement turc a présenté le nouveau code pénal comme moins restrictif et plus favorable à la protection des droits humains en Turquie. Certes, le nouveau Code pénal introduit beaucoup de changements positifs - par exemple, il accroît les peines pour les auteurs d’actes de torture - mais il contient encore de nombreuses restrictions aux droits fondamentaux.

Certaines dispositions, que les autorités ont déjà utilisées par le passé en violation des normes internationales relatives à la liberté d’expression, ont été conservées. Par exemple, l’article 159 de l’ancien Code pénal, qui qualifiait d’infraction le fait « d’insulter ou de dénigrer » diverses institutions publiques, et dont Amnesty International avait demandé l’abrogation à plusieurs reprises, réapparaît à l’article 301 du nouveau Code pénal, dans un chapitre intitulé « Crimes contre les symboles de la souveraineté de l’État et contre l’honneur de ses organes » (articles 299 à 301). Amnesty International craint que ce chapitre ne soit utilisé pour poursuivre des personnes pour la seule expression légitime de leurs désaccords et opinions.

Par ailleurs, certains nouveaux articles semblent introduire de nouvelles restrictions aux droits fondamentaux. Par exemple, l’article 305 du nouveau Code pénal qualifie d’infraction les « actes contraires à l’intérêt fondamental de la nation ». L’explication écrite qui accompagnait le projet de Code pénal lors de son examen par le Parlement citait, à titre d’exemple, des actes tels que « la propagande en faveur du retrait des soldats turcs de Chypre ou d’un règlement de ce problème au détriment de la Turquie [...] ou le fait de prétendre, contrairement à la vérité historique, que les Arméniens ont été victimes d’un génocide après la Première Guerre mondiale ». Amnesty International considère que toute condamnation pénale pour de tels propos - sauf en cas de volonté ou de probabilité de déclencher des violences dans un délai imminent - constituerait une violation flagrante des normes internationales relatives à la liberté d’expression.

Le nouveau code pénal devait entrer en vigueur le 1er avril 2005. Cependant, face aux nombreuses critiques émises par des journalistes turcs, selon lesquelles le CPT pourrait être utilisé afin de restreindre leurs activités, voire de les emprisonner, le Gouvernement a accepté de reporter l’entrée en vigueur au 1er juin 2005, pour se donner le temps de réviser le texte. Ainsi, le 3 mai dernier, le parti au pouvoir (l’AKP, Parti pour la Justice et le Développement) a soumis ses amendements au CPT. Certains changements mineurs y ont été apportés - comme la suppression de l’aggravation des peines lorsqu’un délit a été commis par voie de presse -, mais la plupart des articles les plus restrictifs sont demeurés inchangés. Par ailleurs, il semble que le parti gouvernemental tente d’introduire de nouvelles restrictions : ainsi, le projet d’amendement vise à soumettre l’Article 305 à révision afin de permettre explicitement la mise en examen d’ « étrangers » au même titre que les ressortissants turcs.

Amnesty International est aussi préoccupée par des aspects du Code pénal portant sur d’autres domaines que la liberté d’expression. Par exemple, l’article 122 du nouveau Code pénal, qui interdit la discrimination pour des raisons « de langue, de race, de couleur, de genre, d’opinion politique, de croyance philosophique, de religion, de confession, etc. », a été amendé au dernier moment afin que l’« orientation sexuelle » n’y figure pas. Amnesty International déplore donc le fait que la discrimination fondée sur la sexualité ne soit pas considérée comme une infraction dans la nouvelle législation.

En outre, l’organisation s’inquiète du maintien d’un délai de prescription pour les affaires de torture. En effet, même si le nouveau Code pénal allonge ce délai (de 7 et demi à 10 ans), les procès d’auteurs présumés de torture sont souvent reportés délibérément jusqu’à ce que les poursuites soient abandonnées pour cause de prescription, ce qui contribue à créer un climat d’impunité. Étant donné que cette situation se produit souvent et que la torture est une norme impérative du droit international général, Amnesty International considère qu’il ne devrait pas exister de prescription pour ce crime.

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