Une tribune pour les luttes

L’ETAT DU DOSSIER BORDILLES EN L’AN V DU XXIème SIECLE

GAUDINERATEUR : ON NE SE LAISSERA PAS EMBOUCANER.

Note d’information du 29 juin 05 par Joël MARTINE, Représentant de l’association ATTAC-Marseille dans le collectif RECYCLONS13

Article mis en ligne le jeudi 30 juin 2005

Le but de cette note, à diffuser sans modération, est de donner les grandes lignes du dossier de l’incinérateur marseillais : l’histoire de l’action, le débat de fond, la situation actuelle. Les informations les plus récentes sont bien sûr à la fin.
En cette année 2005 sont apparues de nombreuses protestations contre la politique de la municipalité Gaudin, qui soulèvent toutes les mêmes questions : que font les élus avec notre environnement et notre santé ? Comment sont gérées les finances de la municipalité et de la communauté urbaine ? Quelle démocratie, quelle concertation des citoyens ? Quels choix de développement économique ? Comment les citoyens peuvent-ils agir à la fois personnellement, dans leurs associations, et avec leurs élus ?

La lutte contre le projet d’incinérateur a mis en évidence clairement tous ces problèmes.

Les raisons du refus.

Au début des années 90 la municipalité avait le projet de faire un incinérateur de déchets ménagers dans les quartiers Est, et un dans les quartiers Nord. Contre ces projets s’était formé le collectif Danger Incinération Déchets, surtout actif dans les quartiers Est, qui ensuite s’est intégré à la Coordination Santé Environnement qui regroupe des associations, des syndicats, des CIQ, surtout sur les quartiers Nord. Ces structures existent toujours, elles participent depuis 2002 au collectif départemental Recyclons 13 (recyclons13-abonnement chez yahoogroupes.fr). Ces collectifs permettent une synergie entre des associations très diverses par leur implantation, leur culture, leurs compétences.

Les déchets, c’est à la fois un problème de santé, de financement, de développement économique, enfin de démocratie.

L’incinération produit des dioxines, qui sont cancérigènes et ne se détruisent pas dans la nature. L’incinération rejette du plomb et autres métaux lourds, des acides, etc.
On nous dit que les filtres permettent de diminuer ces rejets. C’est en grande partie trompeur. D’abord les filtres sont souvent en panne (voir exemples récents à la fin de ce texte). D’autre part les dioxines, comme les autres polluants organiques persistants, sont toxiques même à très petites doses. Et même si les fumées sont filtrées, les énormes quantités de fumée produites par l’incinération des 450 000 tonnes d’ordures prévues par MPM comporteraient des quantités de dioxine comparables (disons la moitié) à celles qui ont conduit à la fermeture de petits incinérateurs comme celui de Gilly-sur-Isère. Enfin il n’y a pas que les fumées, il y a les mâchefers (les résidus solides) ... qu’on utilisera comme sous-couche de routes !!! Bref, les polluants se retrouveront partout : dans l’atmosphère et dans nos poumons, mais aussi dans les sols et les eaux de ruissellement, donc finalement dans les poissons qu’on mange ... Tout cela alors qu’il existe des techniques autres que l’incinération !

Sur le plan économique, les incinérateurs, qui sont des installations énormes, coûtent très cher, et les contrats d’exploitation lient les collectivités locales sur plus de vingt ans aux grands groupes industriels qui maîtrisent la technologie de l’incinération. A l’opposé, le recyclage est plus souple, et crée beaucoup plus d’emplois, notamment dans des entreprises de dimension locale. Il existe à Marseille notamment des entreprises d’insertion, qui sont prêtes à s’intégrer dans des filières de tri, récupération, recyclage.

Enfin le tri, avec la mise en place progressive d’une collecte sélective, avec l’implantation d’unités locales de traitement des déchets (méthanisation et compostage des déchets organiques, récupération, stockage des déchets ultimes), nécessite une bonne concertation avec la population. Il faut donc que les élus locaux jouent le jeu de la démocratie participative. C’est peut-être la raison pour laquelle des élus qui ont l’habitude d’un rapport paternaliste et clientélaire avec leurs électeurs préfèrent l’incinération : ne vous occupez de rien, on ramasse tout, on brûle tout, on ne discute pas !

Enfin l’incinération ne fait qu’encourager l’augmentation des déchets : gaspillage de matériaux, emballages excessifs. Il faut au contraire inciter les industries à fabriquer des produits plus propres et plus durables. La réduction des déchets à la source est l’une des conditions d’une économie soutenable.

L’incinérateur marseillais : une vieille histoire entre l’obstination des élus et la protestation des citoyens.

En 1998, devant l’opposition des Marseillais la Municipalité abandonne le projet d’incinérateur sur les quartiers Est. A l’époque, le Conseil Général à majorité socialiste travaille aussi sur des projets incluant l’incinération. Il en est de même pour plusieurs municipalités communistes. La mobilisation des citoyens dans les quartiers Nord finit par convaincre un certain nombre d’élus de gauche de la nocivité de l’incinération, et les élus verts font connaître les expériences espagnoles de tri-recyclage-compostage.
En 1999 les candidatures à l’appel d’offre font apparaître que le projet a été discuté non publiquement entre la communauté urbaine de Marseille et le Groupe des Eaux de Marseille (qui appartient moitié-moitié aux deux leaders de l’incinération en France : Suez et Vivendi, aujourd’hui Véolia). La décision est reportée, notamment pour cause d’élection. Les associations continuent de faire de l’information (voir site http://incinerateur.non.free.fr et plusieurs documents vidéo disponibles auprès du réseau Ecoforum : http://www.ecoforum-paca.org ).

En 2002 le projet d’incinérateur dans les quartiers nord est abandonné.
C’est seulement le 28 mars 2003 que le Conseil de la Communauté Urbaine Marseille-Provence-Métropole en discute : il vote le principe d’une délégation de service public (DSP) pour la construction et l’exploitation à Fos-sur-Mer d’un incinérateur de 300 000 tonnes/an, avec tranche additionnelle de 150 000 tonnes/an.
Dès le printemps 2003 la population de l’ouest de l’étang de Berre et ses élus se mobilisent en masse : opérations ville morte à Fos et à Port-Saint-Louis-du-Rhône, manifestations, protestations d’associations aussi diverses que les producteurs de foin de la Crau, et WWF qui a en charge la protection de la faune en Camargue, etc.

Vers un traitement des déchets sans incinération à l’échelle départementale ?

En mai 2003, Jean-Noël Guérini, président socialiste du Conseil Général, se prononce contre l’incinération en reprenant l’ensemble des arguments des associations. Le Conseil Général met en chantier un nouveau Plan Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers, avec une commission de concertation qui sera mise en place début 2004.

Sans en tenir compte, le conseil de la communauté urbaine MPM confirme par un vote du 20 décembre 2003 le choix d’un incinérateur à Fos.

De novembre 2004 à janvier 2005 le Conseil Général organise dans 16 villes des Bouches-du-Rhône des réunions publiques de débat permettant un échange entre les élus, les spécialistes techniques, et les simples citoyens. Toutes les opinions peuvent s’exprimer. Et pourtant les élus de la majorité de la communauté urbaine de Marseille ne viennent pas défendre leur projet dans ces réunions, ce qui est perçu comme un mépris de la population des Bouches-du-Rhône, sachant que Marseille-Provence-Métropole est le plus gros « producteur de bordilles » du département.

Le 13 mai 2005 le conseil de la communauté Marseille-Provence-Métropole autorise son président à signer le contrat de délégation de service public entre MPM et l’entreprise Valorga, du groupe espagnol Urbaser. Aujourd’hui ce contrat n’est toujours pas signé. Pourquoi ? On se perd en conjectures ... On se demande aussi pourquoi, contrairement à toute attente, ce n’est pas Suez qui a été choisie. Peut-être Gaudin a-t-il voulu se laver du soupçon de « rouler pour Suez » ... On peut imaginer aussi qu’Urbaser fera peut-être une filiale commune avec Suez pour l’exploitation de l’incinérateur. Mais surtout il faut savoir que Valorga est très performante dans le domaine du tri et de la méthanisation ; d’ailleurs la délégation de service public que lui propose MPM comporte une part de tri et de méthanisation. En choisissant Valorga, peut-être Gaudin se ménage-t-il la possibilité d’une solution de repli qui lui permettrait de sauver la face au cas où il serait obligé de reconnaître qu’il a eu tort d’opter pour l’incinération. Car Gaudin, à la fois maire d’une grande ville et l’un des responsables nationaux de l’UMP, est probablement soumis à des pressions contradictoires, entre les puissants lobbies français de l’incinération (Suez et Véolia sont des leaders mondiaux dans le domaine des déchets et de l’eau), et la prise de conscience grandissante des électeurs.

Depuis 2004 il y a une course de vitesse : si le Plan Départemental sans incinération est acté (après enquête d’utilité publique et approbation par le Préfet) AVANT que la construction de l’incinérateur de MPM ne le soit, alors c’est le Plan Départemental qui s’imposera. Dans le cas contraire le département sera mis devant le fait accompli et son Plan devra intégrer l’incinérateur ... qu’on mettra un peu plus de temps à faire échouer !

Les dirigeants marseillais veulent-ils entrer dans l’Histoire comme des cancres de l’environnement ?

Depuis mai 2005, le nouveau Plan Départemental est prêt : l’enquête d’utilité publique aura lieu à l’automne. Les communes d’Aix, Gardanne, Martigues, etc., ont déjà opté pour des solutions sans incinération ; petit à petit les différentes communautés de communes du département mettent au point leurs solutions locales s’intégrant dans le plan départemental. La Communauté Urbaine de Marseille est maintenant la seule à s’obstiner dans le choix de l’incinération ...
Rappelons que dans les Alpes-Maritimes, le Conseil Général (de droite) a pris position pour sortir de l’incinération dans un délai de 15 ans. Cette décision devrait avoir valeur d’exemple pour Marseille, puisque le 06 comporte de fortes concentrations urbaines, où les problèmes de gestion des déchets sont à une échelle comparable avec Marseille-Provence-Métropole.

Informations récentes sur la pollution par les incinérateurs modernes

D’août 2004 à janvier 2005, l’incinérateur d’ordures ménagères de la communauté de communes de Gien (Loiret) a rejeté des quantités de dioxines de 2.000 à 6.800 fois supérieures à la norme fixée par la législation, ce du fait d’une mauvaise maîtrise de la technologie. Et l’entreprise n’a pas arrêté l’incinération, elle a attendu que de nouvelles mesures confirment le dysfonctionnement.
Un cas semblable s’est produit à Mulhouse en 2004 : le dispositif servant à « piéger » les dioxines à la sortie d’un four d’incinération est resté en panne pendant plusieurs mois. Et l’entreprise n’a pas arrêté le four, laissant les dioxines se déverser dans l’atmosphère !
Dans les deux cas il s’agit d’incinérateurs modernes, mis en service en 1999. Même dans ces conditions, le danger pour la santé publique reste réel, et les entreprises peuvent se débrouiller pour échapper au contrôle des municipalités qui leur confient une délégation de service public.

Juin 2005 : MPM devant le Tribunal Administratif

L’association FARE-Sud, qui est membre du collectif Recyclons 13, a déposé en juin 2004 une requête en référé devant le Tribunal Administratif pour demander l’annulation de la délibération du conseil de Marseille-Provence-Métropole autorisant le principe d’une délégation de service public pour la construction et l’exploitation d’un incinérateur sur la zone industrialo portuaire de Fos. FARE-Sud invoque plusieurs irrégularités, dont le fait que le vote du 20 décembre 2003 du Conseil de la Communauté portait sur un projet de 180 millions d’Euros, alors que le coût officiellement estimé par MPM est passé en septembre 2004 à 299 millions d’Euros, et se révèle être, aujourd’hui, de 368 millions d’euros dans le projet de contrat avec Valorga (tout cela hors taxes). Cet écart montre le court-circuitage de l’expertise démocratique : sur une affaire aux enjeux financiers considérables, les conseillers communautaires ont voté sans avoir accès à des chiffres fiables. Et ce d’autant plus que l’expertise administrative a également été court-circuitée : jamais, jusqu’en avril 2005, la CU MPM ne transmit au Trésorier-Payeur général des Bouches-du-Rhône les documents qui lui étaient nécessaires pour qu’il donne un avis sur la DSP projetée, malgré trois lettres de rappel.

Le référé est passé en audience publique du Tribunal Administratif hier mardi 28 juin 2005, et le Commissaire du Gouvernement, a demandé l’annulation de la délibération du 20 décembre 2003. La décision ayant été mise en délibéré, les juges trancheront dans le courant du mois de juillet. S’ils suivent l’avis du Commissaire du Gouvernement, MPM devra refaire la procédure, ce qui ferait rebondir le débat sur le fond.

D’une façon comme d’une autre les associations ne manqueront pas d’occasions pour relancer la pression de l’opinion publique.

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