Une tribune pour les luttes

Offensive s’arrête

Article mis en ligne le jeudi 11 décembre 2014

L’Offensive Libertaire et Sociale, tout comme sa revue Offensive, est née il y a une dizaine d’années.

Le groupe politique affirmait vouloir appartenir à une galaxie libertaire, « apportant sa contribution au mouvement révolutionnaire », et ne pas être une énième organisation menant à « la » vérité révolutionnaire. L’OLS se vivait en coopération avec d’autres groupes, organisations, collectifs dans l’idée de participer, aussi modestement soit-il, à la transformation de la société. L’organisation OLS n’a jamais voulu être une marque qu’on apposerait en bas de tracts et autres pétitions, mais une manière de s’organiser de façon visible et affirmée, avec un mode de fonctionnement clair et ouvert à toutes et tous.

Reflet de nos engagements, la revue Offensive avait surtout l’ambition « de contribuer au renouvellement de la critique libertaire », pour interroger des clichés de nos milieux révolutionnaires, questionner le « sens commun » des milieux radicaux, prendre le contrepoint d’évidences un peu trop évidentes... Grain de sable pour faire penser, outil à faire réfléchir, écho de luttes et d’alternatives, Offensive souhaitait interpeller au-delà du petit milieu, pour s’ouvrir à d’autres. Et ce, grâce à une exigence de qualité sur le fond comme sur la forme.

Nous ne sommes pas les mieux placé-e-s pour tirer le bilan de tout ça, et nous nous garderons bien de dresser un tableau élogieux de notre parcours, de nos plus belles idées et réalisations. Nos productions écrites restent les témoignages de notre travail.

En revanche, nous constatons aujourd’hui, à l’heure où Offensive ferme boutique, que les militantes et militants qui sont investi-e-s ou se sont investi-e-s dans l’OLS ressortent avec des convictions, des engagements... Loin de tuer nos envies révolutionnaires – comme peut opérer parfois la lourdeur des organisations – l’OLS a ouvert nos appétits ; même si ces envies de changement nous mènent aujourd’hui dans des directions différentes et parfois discordantes.

C’est aussi ce constat qui a conduit à éteindre notre projet. Là où nous étions plus à tâtons au début des années 2000, prêt-e-s à explorer mille sentiers nouveaux, à engager le débat sans relâche, les avis des un-e-s et les opinions des autres se sont affirmés, et donc les contradictions se sont faites plus tranchantes dans le même temps. Aujourd’hui, la lassitude a gagné, la dynamique de notre groupe et le désir de faire ensemble ne rencontrent plus nos aspirations personnelles. Cela a contribué à affaiblir la revue, à la rendre moins mordante, moins en décalage, et donc à rendre nos apports plus pauvres.

Malgré des retours favorables, des abonné-e-s en nombre ainsi que des lecteur-rice-s toujours assidu-e-s, nous avions décidé il y a un peu plus d’un an de faire une pause. Un désaccord profond sur le contenu d’un dossier sur la violence avait révélé d’autres oppositions. Nous en avons ici relevé quelques-unes :
• Autour de la critique de la société industrielle : Comment faire pour que la critique anti-technologique ne verse pas dans une mythification du passé ? Peut-on alimenter les valeurs que nous souhaitons défendre en s’appuyant sur le passé ? Nommer le mouvement anti-industriel de réactionnaire est-il un moyen de le disqualifier pour esquiver les questions qu’il soulève ? L’émergence des nouvelles technologies appauvrit-elle les luttes, les engagements au profit d’un militantisme du zapping, plus éphémère ?
Sur le féminisme : Le féminisme peut-il faire l’impasse sur la déconstruction du genre ? Peut-on lutter contre les dominations sans déconstruction ? L’idée de déconstruction conduit-elle inévitablement à nier toute idée de nature ? Les luttes pour la libération sexuelle ne contribuent-elles pas à véhiculer des valeurs qui sont celles du néolibéralisme ?
À propos de la famille : La famille peut-elle être une réponse au délitement des liens sociaux et des solidarités et un espace de résistance au capitalisme ? Ou ne reste-t-elle qu’une institution patriarcale qui socialise aux normes dominantes ?
Sur l’autorité : La position d’expert, de spécialiste doit-elle être systématiquement l’objet de méfiance ? Est-il indispensable que des militants développent des savoir-faire et des connaissances spécifiques pour nourrir les luttes ? Peut-on faire autorité sans être autoritaire ?
À propos de la violence : La violence des oppresseur-se-s peut-elle être utilisée à son tour par les opprimé-e-s pour s’émanciper ? Peut-on se contenter de la non-violence ? Toute violence sert-elle inévitablement le système capitaliste et l’Etat ? Est-ce que la violence des dominé-e-s exercée contre celle des dominant-e-s peut être l’objet de critique ?
Autour de l’identité et de l’universalisme : La multiplication des identités ne brouille-t-elle pas la perception qu’on a des rapports de domination ? Cette atomisation des identités ne risque-t-elle pas de participer de la déstructuration du tissu social, des solidarités ? Les luttes sociétales (comme le féminisme, l’antiracisme…), que l’on dit plus facilement récupérables par le pouvoir, doivent-elles pour autant passer au second plan ? Situer d’où on parle est-il primordial pour lutter et penser ensemble ? Peut-on lutter ensemble sans partager certaines valeurs communes ?

Cette fois-ci, nous n’avons pas réussi à construire du commun à partir de ces questions, à tourner et à retourner ces désaccords en réflexion pertinente comme vous avez pu le lire parfois dans Offensive. Nos pratiques et nos modes d’action communs ont aussi pâti de ces oppositions. Et l’arrêt momentané de publication n’a pas conduit à produire de nouvelles envies, mais a, au contraire, agrandi les fissures qui étaient peu à peu apparues dans notre collectif. Certains et certaines se sont même mis-e-s en retrait ou retiré-e-s de l’élaboration collective.

Nous décidons donc d’arrêter l’aventure, avant que l’aventure ne nous arrête. Ce clap de fin est celui de l’OLS et non pas de nos désirs révolutionnaires et libertaires pour une société « fondée sur la solidarité, l’égalité sociale et la liberté ». En 2014 encore, tout comme en 2003, il nous apparaît nécessaire de s’organiser pour résister. « La lutte continue » pour nous, comme pour tant d’autres.

Offensive Libertaire et Sociale, décembre 2014


Se procurer les anciens numéros
Si de nombreux numéros d’Offensive sont épuisés, d’autres restent disponibles, notamment à partir du n° 18. Les numéros de notre revue, et en particulier les dossiers centraux, ont été l’occasion de réflexion sur des thématiques militantes. N’étant pas abordé sur l’angle de l’actualité, leur lecture peut encore nourrir des réflexions aujourd’hui.
Si vous souhaitez vous les procurer gratuitement, envoyer un email (ols chez no-log.org) ou un courrier (OLS, c/o Mille Bâbords, 61 rue Consolat 13 001 Marseille) à l’attention d’offensive avant le 31 décembre 2014. Vous pouvez aussi vous rendre à la librairie Quilombo à Paris (23 rue voltaire) où est entreposée une partie de nos stocks.
Pour les bibliothèques, librairies alternatives, lieux militants, nous tenons à disposition de nombreux numéros en plusieurs exemplaires. Si vous pensez que cela peut enrichir votre fonds, nous sommes disposés à vous en fournir.


Lire le billet : http://www.millebabords.org/IMG/pdf/offensivesarrete.pdf

Offensive Libertaire et Sociale
c/o Mille Bâbords, 61 rue Consolat 13 001 Marseille
ols chez no-log.org | http://offensive.samizdat.net

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