Une tribune pour les luttes

Lutte contre le gaz de schiste à In Salah en Algérie : solidarité !

Article mis en ligne le jeudi 5 mars 2015

Depuis la veille du nouvel an 2015, contre des puits expérimentaux pour l’extraction du gaz de schiste, une mobilisation de très grande ampleur s’est mise en place à In Salah, gagnant les villes alentours : occupations, manifestations dans les villes et sur les sites de forage, arrêt des machines de forage, barrages des routes pour empêcher les convois etc … bref tous les moyens désobéissance civile sont utile à la lutte ! Mais si jusque là les actions étaient non-violentes, elles ont pris une autre tournure depuis samedi dernier. En effet, selon des sources, les extractions de gaz de schiste serait imminentes et pour empêcher cela, les manifestantEs ont du s’affronter au dispositif anti-émeute de la police et de l’armée mis en place par le gouvernement.

Le gaz de schiste c’est quoi ?

Le gaz de schiste est un gaz contenu sous la terre dans une couche d’argile compacte et imperméable. Considéré comme une alternative économique aux gazs conventionnels, il permettrait d’augmenter les apports en gazs énergétiques mondiaux à moindres coûts.

Or le gaz de schiste ne peut s’extraire qu’au prix d’une pollution sans précédant : son extraction pollue les nappes phréatiques et libère dans l’air du méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus concentré et polluant que le CO2. De plus, un forage nécessite 20 millions de litres d’eau soit environ la consommation quotidienne de 100 000 habitantEs. Dans la région désertique d’In Salah, acheminer autant d’eau alors que la population a un accès parfois difficile à l’eau potable est une aberration.

Dénoncé dans le documentaire « Gazland » en 2010, une des images choc du docu montre un habitant situé près d’un forage qui réussit à enflammer l’eau du robinet ! Tout simplement car le méthane, relâché lors de l’extraction du gaz de schiste est hautement inflammable …

Bien évidemment les gouvernements et multinationales mettent en avant les milliers d’emplois crées par ce qu’ils appellent « la révolution du gaz de schiste » alors que la facture écologique pour la nature, pour les animaux et les êtres humains est extrêmement dangereuse mais totalement passée sous silence.

L’extraction du gaz de schiste en Algérie

L’Algérie serait la 4ème ressource mondiale en gaz de schiste, autant dire une aubaine financière pour l’état et les multinationales, mais une catastrophe pour les habitantEs et les terres, surtout dans un pays où l’eau potable est rare.

Alors que le gouvernement français refuse pour le moment l’extraction de gaz de schiste en fRance à cause des conséquences de l’environnement, l’été dernier, après un séjour en Algérie, Laurent Fabius a salué l’initiative algérienne d’extraction du gaz. Entre colonialisme et intérêt économique, Laurent Fabius n’a peur de rien : en effet, une des entreprises présentes sur le site pour l’extraction du gaz n’est autre que la multinationale française Total !

La principale entreprise pétrolière du site est SONATRACH (dont le logo a été dessiné par Siné), 1ère entreprise publique d’Algérie, 1ère entreprise pétrolière d’Afrique et 12ème au niveau mondial. En 2014 elle est la première à se lancer dans l’extraction du gaz de schiste car le gouvernement autorise enfin l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels (tiens, au même moment que le passage de Fabius …). A elle seule elle réalise 30% du PIB de l’Algérie et a engrengé en 2009 un chiffre d’affaire de 77 milliards de dollars.
Mais ce n’est pas tout, depuis 2010, elle se trouve au cœur de plusieurs scandales financiers (les affaires SONATRACH 1, 2, 3 et 4) qui ont amenés les hauts dirigeants de l’entreprise à partir et à la démission du ministre de l’Energie, Chakib Khelil. En effet, une vaste affaire de corruption a été révélée dans la presse : des pots-de-vin ont été donnés pour obtenir de gros contrats avec des entreprises. Chakib Khelil aurait notamment négocié 7 contrats à hauteur de 8 milliards d’euros pour des pots-de-vin allant jusqu’à 197 millions de dollars. Ses comptes ont été saisis ainsi que ceux de son neveu Farid Bedjaoui. Aujourd’hui Chakib Khelil, sa famille et Farid Bedjaoui sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

Mais si la SONATRACH et TOTAL sont les entreprises habilitées à l’extraction, on trouve aussi sur le site HALLIBURTON, une multinationale américaine, deuxième fournisseur mondial de services à l’industrie du pétrole et du gaz. Présente dans 70 pays avec ses centaines de filiales, succursales et autres sociétés, elle se développe particulièrement dans le gaz de schiste. Entre 1995 et 2000 son PDG ne fut autre que Dick Cheney, vice-président américain sous le gouvernement Bush. Il fut notamment accusé de favoriser l’entreprise dans des contrats en profitant de sa situation politique. Le président actuel, David J. Lesar, est mis en cause avec l’entreprise lors de la guerre en Irak ; accusé d’être profiteur de guerre, il aurait profité de l’occupation américaine sur le sol Irakien pour développer l’extraction pétrolière pour un salaire de 42,000,000,00 dollars ….

Main dans la main, gouvernement et multinationales n’ont que faire des dégâts écologiques du gaz de schiste, la seule issue possible est le profit qui leur arrivera dans les poches.

La résistance écologique algérienne

A environ 30km d’In Salah, dans la wilaya de Tamanrasset, au centre du Sahara algérien, le site d’extraction du gaz de schiste, est soumis depuis plus de 60 jours à une résistance sans faille.

Le 1er janvier 2015 est établi un sit-in sous forme d’occupation sur l’esplanade du siège de la daira d’In Salah, rebaptisée « place de la résistance ». Tous les jours depuis cette date, ce sont environ 1 000 personnes qui occupent cette place, le jour comme la nuit avec pour mot d’ordre : « Arrêt des forages ! ». Des milliers de repas y sont servis tous les jours pour les occupantEs. La résistance ne faiblit pas malgré les conditions physiques difficiles (plusieurs camarades ont été hospitalisés) et lorsqu’il a été proposé d’occuper la place par roulement pour permettre plus de repos, cela a été unanimement refusé ! L’occupation reste et restera entière.

Le 15 janvier, contre ce « projet de la honte », une grande manifestation anti-gaz de schiste est organisée. Elle rassemble plus de 4000 personnes, parfois venues des villes voisines comme Tamanrasset et Aoulef. En référence au printemps arabe, les manifestantEs scandent le slogan « le peuple veut l’arrêt du projet ». Une marche vers le site de forage est organisée. Dans les autres villes, des manifestations sont aussi présentes ; à Ouargla, la capitale du pétrole, à Tamanrasset où la ville est « entièrement paralysée » par les manifestantEs.

Le 24 janvier une autre manifestation de grande ampleur est organisée. A partir du début février, la tension monte d’un cran et les forces anti-émeute sont déployées sur le site. Le 5 février ce sont 5 000 personnes qui marchent sur le site de forage et qui font stopper les machines pour la 3ème fois, empêchant toute production et tout forage.

A partir du 9 février, la manifestation est grossi par des des lycéens et étudiants mais aussi par des femmes, venues en nombre sur le site pour faire stopper le projet et mettre à l’arrêt les machines. Elles organiseront aussi la grande marche du 16 février.

A partir du 11 février, les manifestantEs ferment les routes et « empêchent tout véhicule transportant matériel ou équipement soupçonné d’être destiné à la fracturation hydraulique de gagner sa destination finale ». Les entreprises utilisent alors des hélicoptères pour acheminer le matériel. Une délégation avertit les responsables des firmes étrangères que tout début d’extraction du gaz de schiste les obligeraient à assumer les « conséquences éventuelles » …

En face le gouvernement s’encrasse dans un discours mensonger et sans aucun renoncement officiel au projet.

Le 1er mars, alors que les extractions doivent commencer, les forces anti-émeute sont renforcées sur le site et des émeutes éclatent. Les manifestantEs forcent le barrage anti-émeute. Plusieurs blessés sont évacués. Place de la Résistance, les manifestantEs mettent le feu à la daira d’In Salah. Pour beaucoup, le gouvernement n’a fait que ce qu’il sait si bien faire depuis des années : réprimer.

La résistance écologique du peuple algérien est exemplaire. Les ennemis, le gouvernement et les multinationales, piliers du capitalisme ne feront pas plier la détermination et le combat de nos camarades. Quels que soient les moyens nécessaires à la lutte, nous affirmons notre entière solidarité !

Solidarité avec la lutte anti gaz de schiste d’In Salah !

Pour une écologie sociale et radicale !

Sources :

http://insalahsunpower.blogspot.fr/

http://stopgazdeschiste.org/2015/01/10/algerie-non-au-gaz-de-schiste-solidarite-avec-les-habitants-din-salah/

http://www.algerie-focus.com/blog/2015/01/manifestations-anti-gaz-du-schiste-dans-le-grand-sud-le-peuple-veut-larret-du-projet/

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