Une tribune pour les luttes

Collectif contre les expulsions et les reconduites à la frontière

Sans-papiers : bilan d’un an d’audiences au TGI (juge des libertés et de la détention)

Observations recueillies lors de vingt et une audiences, du 4 avril 2004 au 20 mars 2005, au tribunal de grande instance de Marseille.

Article mis en ligne le samedi 6 août 2005

INTRODUCTION

1- Pourquoi avoir assisté aux audiences du TGI ?

Car nous constatons des difficultés pour tous les militants sur ce terrain de pouvoir établir les preuves des atteintes aux droits de l’homme lors des contrôles, des gardes
à vue, dans le déroulement des procédures de la part de la police (bilan CODAC, Commission citoyen, police, justice,etc).

Ces dérives, dénoncées par des avocats commis d’office au TGI sont
éventuellement prises en compte par les juges de la détention et des
libertés dont il faut rppeler que la décision concerne non pas le fond du
dossier mais la décision soit de la prolongation de la rétention, d’une
assignation à résidence si l’étranger présente les garanties (passeport,
logement où il serait hébergé), ou bien de la libération si la procédure est
annulée.

2- Nous constatons que ces dérives policières se sont multipliées ces
deux dernières années :

- voir chiffres commission déontologie,
- voir rapport 2003 commission nationale de déontologie de la sécurité, commission CPJ pour qui "60% des personnes interpellées sont étrangères, avec ou sans papiers,
40% françaises, à quelques exceptions près toutes issues de l’immigration".

3- Nous allons écrire au procureur de la république pour dénoncer cette
situation d’aggravation des atteintes aux droits de la part de la police.

***

BILAN DES OBSERVATIONS AU TGI

Observations recueillies lors de vingt et une audiences, du 4 avril 2004 au 20 mars 2005, au tribunal de grande instance de Marseille.

Cent quatorze personnes ont été présentées devant le juge des libertés et de la détention lors de ces audiences au TGI, l’observatrice a été interdite d’audience une seule fois, le 21 août .

***

POLICE - LES INTERPELLATIONS

Le bilan des illégalités concernant les interpellations lors des contrôles d’identité révèle que les causes de ces interpellations sont souvent vagues, mal définies. Les étrangers interpellés lors de contrôles routiers se plaignent de n’avoir pas été en infraction lors de leur interpellation, contrairement aux dires de la police dans le procès verbal.

Il est fait souvent référence aux réquisitions du procureur de la République sans que les documents le prouvant ne soient joints aux dossiers des gardés à vue.

De nombreuses interpellations ont lieu alors que les étrangers s’étaient rendus aux convocations de la police pour d’autres motifs : prélèvements ADN, mariage ou à l’occasion d’une plainte à enregistrer par la police.

Dans un autre contexte, lors des interpellations de Roms, la brutalité des contrôles et interpellations a été soulignée par les associations.

Les interpellations sont localisées dans des lieux à "risque" généralement les gares, places, le quartier centre ville, le marché aux puces) mais aussi lors des contrôles routiers, dans des établissements scolaires. Nous notons la multiplication des lieux d’interpellations : mairie, préfectures, tribunal administratif, etc .

***

LES GARDES A VUE ET LES PROCEDURES JUDICIAIRES

Les règles de procédure ne sont pas respectées, souvent l’avocat relève plusieurs illégalités dans un même dossier (nombreux manquements au bon déroulement de la procédure concernant les relations avec le parquet (réquisitions), la présence d’un interprète, les précisions sur la levée d’écrous, etc.

Les droits à la défense ne sont pas respectés : les avocats ne sont pas contactés par la police à la 1ère heure de la GAV.

La conclusion de la commission citoyen, police, justice précisait que "les conditions de gardes à vue sont dérogatoires au droit commun : pressions, vexations, humiliations, intimidations, menaces."

Un autre rapport d’Amnisty International qui vient d’être pubilié précise aussi les mauvais traitements pour les gardés à vue.

Enfin le syndicat de la magistrature, quant à lui, note que les plaintes concernant le comportement des policiers ont augmenté de 18,5% en 2004.

***

LES JUGES, LES AVOCATS

Le travail des avocats relevant ces illégalités de la police n’est pas pris en compte dans toutes ses conséquences par les juges qui reconnaissent des illégalités mais n’annulent pas pour autant la procédure ou ne libèrent pas les sans-papiers, les assignant à résidence ou les renvoyant à Arenc.

Au fur et à mesure du déroulement des audiences, les avocats dénoncent de plus en plus systématiquement ces atteintes au droit.

Lors des trois dernières audiences, une avocate défendant les APRF de la
préfecture était présente.

***

LES SANS-PAPIERS

Très majoritairement, il s’agit de jeunes (moyenne de 30 ans), mahrébins, souvent célibataires et travaillant illégalement quelquefois depuis quelques années en France.

La très grande majorité des interpellés sont des passants ou des personnes en véhicule. Peu d’interdiction du territoire français, peu de casiers judiciaires lourds.

Les rares femmes retenues sont majoritairement des tziganes. (21 femmes et
93 hommes).

Les étrangers ne comprennent pas l’enjeu de l’audience, ils ne sont pas réellement informés de leur droits.

Lorsque les garanties sont données, les sp sont souvent assignés à résidence
mais ces garanties ne peuvent être trouvées dans le temps imparti par la
procédure.

***

LE DEROULEMENT DES AUDIENCES AU TGI

- 20/3/05
Trois illégalités ont été relevées par les avocats sur les trois affaires programmées à cette audience.
La première concerne l’interpellation d’un Algérien par les policiers alors qu’il venait porter plainte contre son patron, la juge le renvoie à Arenc.
Les deux autres illégalités seront prises en compte par la juge qui les libère. Elles
concernent la rédaction de l’arrêté de reconduite à la frontière qui ne mentionne pas le nom de l’agent notifiant, la deuxième l’avis tardif donné au procureur de la république par la police, selon l’article 63 du code de procédure pénale.

- 12/3/05
Une seule affaire, l’étranger est assigné à résidence parce que son hébergeant offre les garanties nécessaires, mais pas d’illégalité soulevée par l’avocat.

- 6/3/05
La présence d’une avocate défendant les décisions du préfet a lieu à partir de cette audience.
Dix étrangers sont présentés devant le juge de la détention et des libertés.
Deux sont libérés pour irrégularité dans la procédure, la première concernant les conditions d’interpellation et le fait que la demande d’avocat à la fin de la première heure de garde-à-vue n’ait pas été respectée, la deuxième concernant le fait que le dossier de l’intéressé ne comporte pas la réquisition du procureur.

- 15/1/05
Une seule assignation à résidence sur quatre affaires parce que
l’avocat a relevé l’illégalité d’une procédure, un document manquait au
dossier.

- 9/1/05
Quatre affaires.
Deux illégalités relevées, celle qui va permettre l’assignation à résidence pour une Marocaine d’environ vingt ans sur le point de se marier avec un Français. Elle a été arrêtée au commissariat pour défaut de papier, pensant se rendre à une convocation
concernant son mariage.
La deuxième illégalité concerne l’absence d’interprête lors d’une garde-à-vue.

- 28/8/04
Cinq illégalités ont été relevées par les avocats dont quatre rejetées par le juge qui ne prendra en compte que la dernière constatant l’absence de l’interprète, le Kurde sera libéré.

- 21/8/04
Interdiction d’assister à l’audience.

- 14/8/04
Sur les six affaires, quatre illégalités sont relevées, trois étrangers sont renvoyés à Arenc et deux assignés à résidence.

- 7/8/04
Sur cinq affaires deux illégalités relevées, quatre renvois à Arenc, un assigné à résidence.

- 26/7/04
Treize affaires, deux illégalités, aucune ne sera retenue par la juge. Six renvois à Arenc et sept assignations à résidence parce que les étrangers présentaient les garanties nécessaires.

- 9/7/04
Neuf affaires, trois illégalités, dans l’interpellation et la garde-à-vue, six renvois à Arenc et trois assignations à résidence..

- 30/6/04
Treize Congolais concernés par cette audience à laquelle j’assistais (une autre audience simultanée avait lieu dans une autre salle pour les quatre autres demandeurs d’asile), avaient été ramenés à Marseille par la Marine nationale. Cette illégalité, qui constatait leur entrée dans le port de Marseille escortés par la Marine nationale, n’a pas été prise en compte par le juge. Par ailleurs, Ils n’avaient pu faire leur demande
d’asile dans des conditions normales, la communication téléphonique avec le
ministère de l’intérieur ayant été parasitée par un brouillage, ils ont donc tous été transportés à Roissy puis expulsés, seule une Congolaise a pu en réchapper et vit actuellement en Europe.

- 27/6/04
Six affaires, deux illégalités, une concernant un contrôle, l’autre la constatation du manque d’interprete pour une Roumaine qui avait effectué plusieurs allers-retours prison-Arenc sans pouvoir comprendre le français, l’avocat relève l’absence une fois de plus de l’interprète, la juge annule la procédure et libère l’étrangère, un étranger sera assigné à résidence, les quatre autres retournent à Arenc.

- 20/6/04
Deux affaires suivies, une illégalité qui n’empèche pas l’étranger de retourner à Arenc.

- 12/6/04
Tois affaires, pas d’illégalités relevées par les avocats.

- 6/6/04
Cinq affaires. Le juge très agressif renvoie même à Arenc un Bosniaque qui a témoigné au tribunal international des crimes contre l’humanité dans son pays.

- 23/5/04
Quatre affaires, pas d’illégalités précisées par les avocats, quatre expulsions.

- 16/5/04
Neuf affaires, pas d’illégalités précisées, six retours à Arenc, trois assignations à résidence..

- 17/4/04
Neuf affaires, aucune illégalité relevée par les avocats, trois sont assignés à résidence et six renvoyés à Arenc en vue de leur expulsion.

- 4/4/04
Six affaires, deux illégalités, trois assignations à résidence, trois expulsions.
Les illégalités ont eu lieu au moment du contrôle : frontière non signé, pas de document indiquant la fin de la procédure dans un dossier,etc.)

***

Indications sur les personnes interpellées et retenues au centre de rétention d’Arenc.

NATIONALITES

Marocains : 17
Tunisiens : 5
Algériens : 33
Kurdes : 20
Congolais : 13
Guinéen : 1
Russes : 2
Albanais : 1
Palestinien : 1
Sierraléonais : 2
Capverdien : 1
Roumains : 5
Croates : 3
Bosniaques : 2
Philippin : 1
Egyptien : 1

La nationalité de certains a été mal entendue.

TOTAL : 16 nationalités précisées lors des audiences.

AGE Moyenne : 30 ans.

SEXE : 21 femmes, 93 hommes.

Etrangers ayant une interdiction du territoire ou un avis d’expulsion : 20.

COLLECTIF CONTRE LES EXPULSIONS
ET LES RECONDUITES A LA FRONTIERE

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Répression c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 1265