Une tribune pour les luttes

Quelle pertinence a encore le projet de Mille Bâbords en 2015 ?

Réflexions de l’équipe de Mille Bâbords concernant la pertinence du projet de MB, sa mise en œuvre actuelle et les perspectives à débattre lors de l’AG du 11 avril 2015

Depuis quelques mois voire maintenant presque quelques années, l’équipe de Mille Bâbords se sent épuisée et concrètement réduite ; elle se pose la question du sens de son action. Nous vous proposons d’aborder quelques points qui mettent en évidence ces interrogations. Rappelons avant cela que nous prenons en considération l’état désastreux des forces militantes qui existe aujourd’hui dans un contexte d’offensive capitaliste important.

Le projet initial de Mille Bâbords est caractérisé par la confrontation d’idées définies comme étant de gauche par sa charte. L’action vise une mise à disposition d’outils au service du mouvement social. Ces outils devaient être appropriés par les acteurs-trices des luttes. Or aujourd’hui une équipe produit ou offre des "services" à ces acteurs-trices sans qu’illes s’impliquent dans le fonctionnement de l’association. Le fait que les associations et collectifs membres ou non de MB ne l’ont pas créée peut être une des explications de leur non-investissement dans le fonctionnement interne. Celui-ci comprend, notamment, les permanences, l’entretien du local, la publication sur le site des articles et des annonces dans l’agenda. Nous comprenons bien aussi que la plupart (adhérentes) souhaitent que MB existe, continue d’exister, mais qu’aucune n’a la motivation ni le temps de s’investir dans MB car leur investissement se réalise dans leur propre organisation. Elles ont, elles aussi, un problème de force militante. De notre côté, cette équipe qui est devenue « spécifique à MB », s’est peu renouvelée, certains départs ont amputé le travail d’une part importante. L’investissement à long terme est peu pratiqué aujourd’hui. Nous notons aussi notre responsabilité quant à une lacune de communication à l’extérieur de notre part sur nos actions, nos difficultés.

La confrontation d’idées a pourtant eu lieu autour de conférences-débats qui attirent de nombreux participantEs de différentes tendances de gauche. Lors de nos discussions a pu émerger l’idée que l’importance des discussions et réflexions théoriques n’a plus de prise. Que le débat que nous proposons n’est plus en phase avec les formes actuelles du « militantisme ». Cette autre façon de militer, serait plus ancrée dans l’action quotidienne et le mode de vie, pas dans l’analyse théorique. Leurs militants se retrouvent souvent sur des alternatives à des pratiques écologiques ou de décroissance, pas forcément dans des luttes d’opposition frontales "anticapitalistes". Rivalité également avec des pratiques et des nouvelles habitudes de réseaux induites par le fonctionnement global de la communication numérique peu propice au temps de la réflexion. Il est alors important de se poser une question fondamentale :

Mille Bâbords répond-elle toujours à un des besoins réels du mouvement social ? Les outils proposés sont-ils adaptés ?

La réponse à ces questions déterminera la pertinence de son projet actuel non mis en œuvre jusque-là dans son aspect collaboratif. Cela concerne notamment :

Le local
Un bilan positif peut être fait des permanences physiques et téléphoniques qui permettent de réorienter les personnes vers les associations et organisations qui peuvent répondre à leur demande (sans papiers, chômeurEs…).
Nous domicilions 11 associations.
Au contraire nous pensons qu’en ce qui concerne les conférences, projections, etc. beaucoup de (nouveaux) lieux « moins austères » et plus conviviaux – bar, musique –, voire plus « accueillants et confortables » (Équitable Café, Casa Consolat, Dar Lamifa, Vidéodrome, Solidaires…) existent. Les associations et organisations ont donc de moins en moins besoin de la salle de MB pour leurs soirées.

Le site
Le bilan est très variable : il est lu (toujours autour de 3 000 visites par jour avec pointe à 5 ou 6 000 quand ont lieu des événements exceptionnels). Quelle est son utilité première ? Les communiqués envoyés par les associations et organisations locales, les quelques luttes dont on nous parle, et quelques publications plus théoriques. Peut-être a-t-il une utilité pour certaines associations qui y tiennent et envoient régulièrement leurs infos pour publication. Mais nous ne sommes pas leur seul « vecteur ».

L’agenda
Nous avons plus de 2 500 abonnéEs à « Cette semaine » et il est repris sur d’autres sites (Radio Galère, Démosphère…). Mais à part faciliter en un même endroit les différents rendez-vous des différentes tendances, quelle utilité politique ? D’autres sites existent (Démosphère, Mia et un nouveau site d’infos de lutte à Marseille, par exemple) et couvrent à eux tous le champ de MB.
Le point positif est que les annonces de rendez-vous de toutes les tendances se côtoient, c’est-à-dire que les uns et les autres finissent par accepter de paraître côte à côte.

La médiathèque
Essentiellement et de fait la bibliothèque. Ces dernières années, la commission médiathèque avait développé une importante activité ; un service de presse qui a considérablement augmenté le nombre de volumes, la publication d’un bulletin bibliographique, la mise en place d’un logiciel qui permet la mise en ligne du catalogue et la gestion des prêts, mais aussi l’organisation de rencontres-débats qui ont eu un succès de participation. Mais le départ de personnes très investies a mis en sommeil la commission faute d’un relais nécessaire à la rotation des tâches et conséquemment à la continuité de l’activité. L’appel à un fonctionnement collectif qui n’a que très peu été entendu et le constat d’une « appropriation privative » de plus de 180 volumes en un an ont sûrement contribué à réduire l’enthousiasme de la petite équipe.

D’un point de vue financier, sauf s’il y avait un arrêt du versement annuel de la subvention du CG, les finances s’équilibrent d’une année sur l’autre, malgré les imprévus (AFP) où les adhérentEs ont toujours répondu à nos appels.
Mais les revenus sont tout juste suffisants pour le fonctionnement minimal de MB : loyer, électricité, eau, site. Ils ne permettent pas à l’association de développer des projets qui nécessitent un budget (frais de transport, etc.), même si elle avait un projet propre.
D’un autre côté, du temps où la médiathèque était dynamique, le peu d’argent n’a pas empêché les conférences-débats de la commission, on ne peut pas dire que ce soit le manque d’argent qui soit le premier handicap.

En conclusion, et au vu de ces éléments, l’équipe de membres actifs de Mille Bâbords propose à ses associations et collectifs adhérents, adhérentEs individuelLEs et sympathisantEs de se questionner ensemble sur les propositions suivantes pour décider dans quelques mois lors d’une AG extraordinaire l’avenir ou non de MB :
1. Dans le cas où il serait déterminé que le projet de MB répond toujours à des besoins réels du mouvement social : Il est proposé de reprendre le projet initial prévoyant un fonctionnement collectif et collaboratif des acteurs du mouvement social intéressés et visant à la mutualisation des outils de diffusion d’information, de réunion et de débat d’idées. Ainsi l’ensemble des tâches ayant trait au fonctionnement de l’association serait pris en charge par ses acteurs et actrices.
2. Dans le cas où il serait déterminé que le projet de MB ne répond plus à des besoins réels du mouvement social :
- Soit il sera envisagé de transmettre les outils à disposition (local/site/médiathèque…) à un collectif porteur d’un projet alternatif pour MB, s’il en existe un.
- Soit il sera envisagé de prévoir la dissolution de l’association.

Dans l’espoir de vous voir nombreux-ses pour discuter des perspectives pour Mille Bâbords.

Le 5 avril 2015,
L’équipe de membres actifs de Mille Bâbords.

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