Une tribune pour les luttes

Entretien réalisé par Cases Rebelles

Mobilisons-nous pour Amadou Koumé le 10 Octobre à Paris !

Article mis en ligne le lundi 5 octobre 2015

Dans la nuit du 5 au 6 mars 2015 Amadou KOUMÉ, saint-quentinois de 33 ans, est mort entre les mains de la police à Paris. Depuis, ses proches, sa famille, luttent pour obtenir vérité et justice sur un décès brutal que la police leur avait initialement présenté comme consécutif à un malaise. Le Samedi 10 Octobre à Paris, à 14h, une marche partira de Gare du Nord. Il est impératif que nous soyons nombreux-ses pour Amadou, sa famille, ses proches, pour obtenir la vérité et justice. Jessica, la compagne d’Amadou, est revenue avec nous sur les faits qui ont suivis cette mort plus que suspecte [1], et sur les éléments d’informations disponibles actuellement.

Lire l’article sur le site de Cases Rebelles

« C’est un policier qui s’est rendu le 6 Mars chez son frère Aliou où Amadou logeait la semaine à Paris et qui donc lui a annoncé le décès d’Amadou. Il lui a dit qu’il était décédé, pas plus d’infos que ça. Il lui a posé trois questions. Avait-il des antécédents psychiatriques ? Était-il alcoolique ? Était il drogué ? Il a répondu négativement puisque c’était négatif. Ensuite le petit frère a appelé la grande sœur Haby, elle a eu un temps de réaction à se demander « C’est vrai ? C’est pas vrai ? ». On lui a dit qu’elle pouvait rappeler à un numéro à partir de 8h30, chose qu’elle a faite. Non seulement elle n’est pas parvenue à joindre les personnes, mais personne ne lui disait rien donc à un moment elle s’est énervée et elle a dit « Vous parlez bien d’Amadou Koumé ? Est-ce qu’il est mort ? Qu’est-ce-qu’il s’est passé ? On peut pas simplement me dire si il est mort ?« . Et là une dame lui a dit : « Oui il a fait un malaise. Oui il est décédé.« 

Ensuite, elle a eu un coup de fil disant qu’on pouvait se rendre à l’institut médico-légal donc c’est moi qui me suis rendue le Samedi 7 à l’Institut médico-légal et là en effet j’ai retrouvé Amadou mort ; sous un drap blanc on voyait que le visage qui était couvert de coups. Ensuite l’Institut médico-légal m’a donné un numéro de téléphone : c’était le commissariat du 12ème, donc je pense l’iGPN. Et y avait personne : il fallait rappeler le Lundi. Le lundi, les parents d’Amadou se sont rendus au commissariat avec la famille. On a voulu recevoir que ses parents sous prétexte qu’il n’y avait que deux chaises dans le bureau donc ils ont insisté pour qu’une amie de la famille rentre en qualité d’interprète : c’est quand même passé, elle est rentrée. Mais ils sont revenus avec peu d’infos, à mon goût. Moi je suis allée le lendemain au commissariat du 20ème où j’ai exigé plus d’informations. On m’a reçue dans un couloir… On m’a même pas reçue dans un bureau, rien du tout. On m’a refusé le droit de porter plainte. On m’a dit : « Il est mort, il mort quoi. » En gros… c’est tout. Je voulais porter plainte pour homicide et on a refusé. De là, on a saisi l’avocat et on a fait ce qu’il y avait à faire.

Aujourd’hui, si on avait pas fait appel à la médiatisation – au Parisien en l’occurrence qui a révélé la mort d’Amadou – on ne saurait rien de plus. Parce que déjà on n’a pas eu l’autopsie… Malgré les demandes qui ont été faites ; deux courriers recommandés, une demande déposée par l’avocate au Parquet, on n’avait pas l’autopsie. On a eu l’autopsie un mois et demi après… Et je comprends pourquoi : elle est accablante cette autopsie. Elle est glaciale, c’est horrible. En la lisant, on peut ressentir tout ce qu’il a vécu. Aujourd’hui clairement on n’a que ça. On n’a ça parce qu’on s’est battu avec les médias sinon on n’aurait rien du tout. J’ai juste appris là hier, parce qu’on a relancé la médiatisation, que l’enquête a été rendue par l’iGPN au procureur mais nous, on a toujours aucun retour. Malgré deux plaintes déposées, une au procureur, une au doyen des juges d’instruction avec constitution de partie civile, on a toujours réponse de rien. Personne ne nous appelle depuis 6 mois : on n’a aucune nouvelle. À la base on serait restés encore sur « Amadou a fait un malaise«  ; sur ce qu’ils nous ont dit.

Aujourd’hui, on n’a aucun interlocuteur. On a sollicité Madame Taubira qui nous a répondu qu’elle ne pouvait rien faire, qu’elle ne pouvait pas interagir dans l’affaire. Que ce n’était pas à elle de dire au procureur de saisir une instruction donc voilà c’était limite « Débrouillez vous… ». On n’a eu aucun soutien psychologique, rien du tout. Jamais personne ne s’est inquiété de savoir comment on allait, comment on vivait ça.

La Marche du 10 Octobre partira de la Gare du Nord. On passera le boulevard de Denain en passant devant le lieu où tout s’est joué, devant le bar et ensuite on ira devant le commissariat – si c’est possible bien sur, si on ne nous le refuse pas. Devant le commissariat pour rendre hommage à Amadou et demander des réponses. Surtout parce que ça fait 6 mois et on n’a toujours aucune instruction d’ouverte, rien du tout. Il faut faire voir qu’on est là, qu’on est mobilisés et qu’on lâchera pas ça c’est clair, c’est sûr, c’est certain. Nous il nous faut des réponses, c’est pas possible. On ne peut pas tuer un humain et se contenter de donner si peu de réponses, même si c’est la police ; il faut un coupable.

Au niveau des soutiens, Amadou a une grande famille donc ça va. Moi j’ai beaucoup de soutien de la part des collectifs notamment du collectif Urgence notre police assassine et je rencontre aussi beaucoup de collectifs où je trouve beaucoup de soutien. Et c’est vrai qu’au niveau de St Quentin ils sont mobilisés… Après c’est difficile… il faut vraiment y être confronté pour comprendre ce que c’est de soutenir une personne dans cet état.

Il faut vraiment montrer la mobilisation lors de la Marche, être nombreux afin qu’il y ait un réel rapport de forces entre nous et l’État. Il faut qu’ils prennent en compte toutes ces violences policières parce que c’est pas pris en compte et c’est toujours le même processus : les familles sont mises de côté et tout se passe dans leurs cercles, et ils se rendent pas compte de la douleur des familles.

C’est important qu’il y ait beaucoup de monde derrière nous, pour qu’ils se disent que ça se mobilise de plus en plus, en masse, pour les violences policières et c’est comme ça qu’on y arrivera. Parce qu’aujourd’hui les violences policières ne sont pas reconnues. Quand vous parlez à un procureur de violences policières il ne veut pas en entendre parler ; pour lui ça n’existe pas, ça n’existe pas. Donc c’est à nous de nous mobiliser, de montrer que oui on en est les victimes, on en est les victimes collatérales. Moi ça va me poursuivre toute ma vie. J’ai un enfant de 5 ans aussi : il va devoir vivre avec ça.

On a besoin d’une mobilisation pour rendre leur dignité à nos morts et que justice soit faite surtout. Ce n’est pas parce que ce sont des policiers qu’il faut enterrer l’affaire : il faut un coupable. On ne peut pas vivre comme ça ; c’est pas possible ».

Merci beaucoup à Jessica. On envoie tout notre soutien à la famille d’Amadou.

Entretien réalisé le 18 Septembre par Cases Rebelles. Merci à Ferguson In Paris pour la connexion.
Les photos de la Marche du 30 Mai à Saint-Quentin pour Amadou Koumé sont du Collectif OEIL (Our Eye Is Life).
La page de la Marche Amadou KOUMÉ : cliquer ici.

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Notes

[1« Selon le rapport d’autopsie [...], le décès du jeune homme résulte d’un « œdème pulmonaire survenu dans un contexte d’asphyxie et de traumatismes facial et cervical ». Les médecins légistes font également état de plusieurs hématomes sur le visage, dans le cou et au niveau du dos ». Libération, 10 mai 2015

[2« Selon le rapport d’autopsie [...], le décès du jeune homme résulte d’un « œdème pulmonaire survenu dans un contexte d’asphyxie et de traumatismes facial et cervical ». Les médecins légistes font également état de plusieurs hématomes sur le visage, dans le cou et au niveau du dos ». Libération, 10 mai 2015

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