Une tribune pour les luttes

Combat syndicaliste n°429

La position du syndicaliste couché

Du syndicalisme d’accompagnement d’aujourd’hui. Retour d’expériences.

Article mis en ligne le lundi 1er janvier 2018

Via ses grandes centrales, le syndicalisme contemporain s’est institutionnalisé. Élément-clé de l’ordre établi, c’est un partenariat avec l’État et le patronat, une cogestion loyale qui parle et décide en place et au nom des salarié.e.s. Ses élu.e.s font la promo de leurs enseignes qui servent désormais de sinécure à des pros du syndicalisme, experts en « juridisme » qui font illusion, ou pas, face à la direction lors des négos […]


Privilèges couverts

Qui bénéficie le plus de la conclusion aveugle d’accords donnant/donnant ? La paix sociale doit beaucoup à cette entente entre « partenaires sociaux » : avantages particuliers et arbitraires octroyés aux élu·es « de terrain » contre l’apathie des instances représentatives du personnel ? Ce syndicalisme réformiste et institutionnel sert aussi d’ultime protection perso de ces élu·es contre un hypothétique licenciement, voire d’exutoire de salarié·es insatisfait·es. Sommet de la collusion : l’usage discrétionnaire d’heures de délégation cumulatives, sans rapport avec la moindre activité syndicale. Privilège mesquin scellant un silence complice.

Marché de DUP

Obsolète le syndicalisme en entreprise ? Les gouvernements successifs ne s’y sont pas trompés. À partir de 1994, la DUP (délégation unique du personnel) permet aux entreprises de moins de 200 salariés de fusionner CE et DP.
Jusque là, les représentant·es du personnel, salarié·es avant tout, n’osaient pas toujours utiliser toutes leurs heures de délégation. Pour pas faire défaut au boulot, ou pour que le temps en réunions ad hoc ne « retardent » leurs tâches professionnelles. Pour d’autres raisons, les employeurs renâclent à ces multiples réunions. La DUP tombe à pic pour les « partenaires sociaux » sans grandes convictions syndicales !

Valeurs refuge

Le climat d’insécurité sociale profite au patronat. Crise économique, délocalisations, chômage, conventions collectives revues à la baisse, contrats de travail précarisés. Les plus audacieux des plus dociles des salarié·es se réfugient dans les IRP, sans engouement politique ou syndical, juste la peur au ventre, illusoirement soulagée en devenant « salariés protégés » [...]
Et pas question de former à la lutte des classes ces nouveaux venus. Terminées, les grèves sauvages reconductibles de 1995, récupérées in extremis par les centrales syndicales « partenaires ». Il faut préserver le « partenariat » entre gens de bonne compagnie.

Mobilisation en 2x8

Les manifs nationales n’égaient plus le paysage social que par quinzaine. Ça tombe bien : 2 fois 8 h, c’est en moyenne le quota d’heures de délégation mensuelles des élu·es CE, DP et DS.
En 2008, les critères de représentativité passent de 5 à 7, ajoutant le respect des valeurs républicaines, au nom duquel la CNT du commerce RP est contestée. Raté. L’idée de « valeurs républicaines » est si abstraite que la justice bourgeoise préfère retenir que « prôner l’abolition de l’État n’est pas contraire aux valeurs de la République » pas plus que « l’action directe » (Cour de cassation, 13 oct. 2010). Mais le mal est fait. Chaque syndicat est de fait représentatif dès qu’il désigne un représentant de section syndicale.
Déçu·es ou exclu·es de leur syndicat d’appartenance originel sont « invité·es » à louvoyer d’un syndicat à l’autre, jusqu’à adhérer au plus obscur. Ainsi le SCIAL RP CNT agrège dès 2009 d’ex-adhérent·es de FO et la CGT. Certain·es réputé·es les plus séditieux dans leur entreprise se révèlent sans consistance politique ou militante, dépourvu·es de toute culture ou pratique syndicalistes. Plus rebelles revanchards que révolutionnaires, ils en exploitent le discours pour se faire accepter, mais n’utilisent le syndicat que pour un usage de service !

Arrivent les arrivistes

Avec l’enchaînement précipité des mandats, une déléguée syndicale Monoprix (ex syndiquée FO, et bien avant CGT), fraîchement désignée DS centrale par la CFDT, signe un accord d’intéressement au nom de la CFTC ! Aussi arrivistes soient ces pseudos défenseurs des salarié·es, arrêts maladie, accidents du travail, CP et heures de délégation servent allègrement, marquant leur rejet du travail salarié pour un exutoire dans un syndicalisme sans tradition, sans pratique et sans transmission ultérieure... Quand un tel DS quitte la boîte, sa section disparaît aussitôt [...]

Précarité destructrice

Dès 2015, l’Uberisation rampante de la société commence à galoper. L’avenir tient dans l’auto-exploitation au profit des grandes entreprises et de l’État, déjà bien entamé par l’escroquerie du statut d’auto-entrepreneur, exonéré de contributions sociales, dépourvus de la protection qui découlerait d’une cotisation participative, si ce n’est à se faire siphonner par le RSI.
Ces types de « jobs » accréditent le démantèlement des garanties sociales, assurance chômage, sucé, aides au logement, caisses de retraites, etc. La société « drivée » par des contrôleurs de gestion à la botte du profit des actionnaires et leurs valets (dirigeants, cadres sup., jeunes et moins jeunes en mal de jeunisme) est de plus en plus individualisée et individualiste.

Bergers du troupeau

Dans ce contexte d’intérêt particulier ou d’intérêt de groupe, les syndicats « d’intérêt général » tentent au mieux de contenir la contestation sociale. Loi Travail passée à coups de 49.3 ou ordonnances Macron, ces lois conçues pour favoriser les dérégulations salariales passent et passeront au forceps, sans grande implication efficace des centrales syndicales « partenaires », et surtout pas la grève générale unitaire et reconductible, arme efficace des syndicalistes !
Dans les rues de 2015, la répression policière des opposants à ces mesures aussi antisociales qu’anti-salariales est en phase avec la violence politique antidémocratique, et trouve son pendant dans les boîtes. De plus en plus cyniques, méprisants, irrespectueux, les dirigeants se croient tout permis. Les « partenaires sociaux représentatifs », syndicats de collaboration de classe ou « d’intérêt général » ont un rôle d’antalgiques sociaux, de courroies de transmission, signant des accords complaisants, mortifères.

La fin du syndicalisme de stylo

Mais les patrons auront-ils dans un avenir proche encore besoin d’eux pour négocier ? Les syndicats de combat en sont réduits à se réfugier derrière le rempart du Code du travail, tant qu’il existe.
La collusion entre centrales syndicales et gouvernement est entérinée par l’ordonnance « Macron 2 » du 23 septembre 2017 qui fusionne les IRP en un CSE Comité social et économique avant fin 2019, supprimant les CHSCT dans les boîtes de moins de 300 salariés [...].
Peut-on imaginer une sorte de réduction pré-industrielle de notre société ? Peut-être, mais sans le lien social, culturel et la conscience politique, sans les utopies qui furent le ferment de l’émergence des syndicats révolutionnaires et libertaires !

Le conseil syndical du SCIAL RP CNT


Voir le sommaire du CS n° 429

On peut lire aussi la version téléchargeable du CS de novembre ici

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