Une tribune pour les luttes

Lettre à nos voisin.e.s.

Des habitant.e.s de la Z.A.D.

Article mis en ligne le mardi 24 avril 2018

Nous habitons la zad et sommes conscient.e.s des tensions et incompréhensions qu’ont pu faire naître les événements des dernières semaines dans notre voisinage. Nous avons noué des liens et cotoyons beaucoup d’entre vous depuis des années. Nous sommes a minima voisin.e.s. Si nous vous écrivons c’est pour tenter d’expliciter notre point de vue sur la situation, et parce que nous nous soucions aussi de la manière dont elle vous a impacté.e.s. Les opérations menées par les forces de l’ordre la semaine dernière se sont traduites par la destruction d’un grand nombre de nos maisons, fermes, ateliers.
Du jour au lendemain, beaucoup d’entre nous ont tout perdu des espaces dans
lesquels ils habitaient. Tout cela a été extrêmement brutal. Une bonne partie de notre univers quotidien a été tout simplement rasé. Nous avons tenté de multiples manières de l’empêcher et de préserver ce que nous pouvions. Les attaques violentes de la gendarmerie ont fait plusieurs centaines de blessé.e.s.

Nous avons conscience que notre voisinage a aussi subi les conséquences de ces opérations, avec le blocage des axes routiers et les contrôles incessants autour de la zad. Certaines maisons de la zad qui n’étaient pas visées par cette vague d’expulsions ont été l’objet de coupures d’électricité longues de plusieurs jours malgré le fait qu’elles
bénéficient d’abonnements réguliers. Ces coupures étaient un autre acte de pression digne d’une occupation militaire. Elles ont touché différents voisins avec des conséquences lourdes. La situation qui nous impacte tous et toutes ces derniers jours n’est vivable pour personne.
Il était difficile pour nous de nous opposer à ces expulsions et de réduire les conséquences de ces opérations sur notre voisinage.
L’arrivée de nombreuses personnes venues en soutien a pu vous impacter.
Leur accueil, au vu du contexte, n’a pas toujours pu se faire dans de bonnes conditions. Hors des réponses spécifiques à une tentative d’expulsion, nous avons communiqué à l’ensemble de nos soutiens la volonté de garder la D281, la D81 et la D42 ouvertes et circulantes. Les forces de l’ordre continuent néanmoins de bloquer régulièrement l’accès à ses routes. Nous comprenons votre éventuelle colère quant aux perturbations causées par la situation. Nous vous appelons aussi à comprendre la colère et la douleur qui nous animent face à la destruction de ce nous avons construit depuis des années, et ce alors que nous cherchions activement d’autres issues. Nous n’avons pas choisi de déclencher ce déferlement policier.

La lutte contre le projet d’aéroport nous a amené.e.s ici, initialement à l’appel d’habitant.e.s historiques menacé.e.s par le projet. Nous avons réussi avec tant d’autres à prendre soin de ce bocage et à le préserver de la destruction. L’abandon tant attendu devait permettre enfin pour les un.e.s et les autres, habitant.e.s de toujours ou installé.e.s dans les dix dernières années, de sortir de la menace constante. Nous sommes désormais ancré.e.s ici, y avons nos vies, nos logements, nos activités. Nous voulons nous inscrire dans le long terme dans l’avenir de ce territoire. Nous avons construit un projet avec les paysan.ne.s, associations, voisin.e.s, naturalistes et comités avec qui nous nous sommes lié.e.s dans la lutte contre le projet d’aéroport. Dans le contexte d’une amorce de dialogue avec la préfecture, des propositions de cadres légaux permettant de préserver les habitats et les activités de la zad ont été proposés. Le gouvernement, après avoir rompu unilatéralement le dialogue, s’est engagé dans cette grande opération policière. Par ce geste, il a fait preuve du plus grand mépris pour nos tentatives d’éviter le conflit. Ce qu’il a cherché à écraser c’est notre volonté de donner à nos existences et à nos pratiques un sens plus largement collectif et solidaire.

Cette fin de semaine, malgré les destructions d’une partie de nos maisons, nous avons repris le dialogue avec la Préfecture. Il fallait sortir de ce cycle infernal, et tenter de prévenir de nouvelles opérations policières dans les jours à venir. Certain.e.s d’entre nous avons fourni ce vendredi un dossier détaillant les activités agricoles et autres développées sur la zad. Nous avons rendu pour ce faire des fiches nominatives tout en défendant notre aspiration à continuer de lier nos activités et de les défendre collectivement. La Préfecture a reconnu ce geste, et annonce pour le moment un statu quo fragile jusqu’à mardi.

Nous n’avons cependant aucune confiance dans la volonté de dialogue réel du gouvernement et aucune assurance sur le fait qu’ils ne s’engagent pas dans de nouvelles expulsions après mardi. Nous allons tout faire pour qu’ils y renoncent. Mais si des événements venaient à vous mettre particulièrement en difficulté et que vous estimez pertinent de nous le signaler, vous pouvez nous appeler au 06 43 92 07 01. Si cette guerre qui nous est faite cesse et que nous retrouvons un semblant de sérénité, nous désirons poursuivre des échanges avec vous dans des espaces ouverts, entretenir et enrichir nos liens de voisinage, partager les infrastructures collectives que nous avons mis en place : boulangerie, non-marché, conserverie, bibliothèque, ateliers d’écritures, ateliers de menuiserie, sentiers, chantiers-école, espaces de formations, fêtes...

Notre aspiration passionnée à un avenir commun dans ce bocage ne peut se
faire sans vous.

Des habitant.e.s de la Z.A.D.

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