Une tribune pour les luttes

Courant Communiste International

Anarchisme et communisme

Article mis en ligne le samedi 15 juin 2019

Aujourd’hui, l’anarchisme a le vent en poupe. Que ce soit sous la forme de l’apparition et du renforcement de l’anarcho-syndicalisme ou bien du surgissement de nombreux petits groupes se réclamant des conceptions libertaires, les idées anarchistes commencent à avoir pignon sur rue dans plusieurs pays (et à faire l’objet d’une attention croissante de la part des médias capitalistes). Et ce phénomène s’explique parfaitement dans la période historique actuelle.

L’effondrement des régimes staliniens à la fin des années 1980 a permis à la bourgeoisie de déchaîner des campagnes sans précédent sur "la mort du communisme". Ces campagnes ont eu un impact sensible sur la classe ouvrière et même sur des éléments qui rejettent le système capitaliste et souhaitent son renversement révolutionnaire. Suivant les campagnes bourgeoises, la faillite de ce qui était présenté comme du "socialisme", voire du "communisme", signe la faillite des idées communistes de Marx dont les régimes staliniens avaient fait l’idéologie officielle (tout en les falsifiant de façon systématique, évidemment).

Marx, Lénine, Staline, même combat : c’est le thème qui a été ressassé pendant des années par tous les secteurs de la bourgeoisie. Et c’est justement un thème que le courant anarchiste a défendu tout au long du 20e siècle, depuis que s’est mis en place en URSS un des régimes les plus barbares que le capitalisme décadent ait engendré. Pour les anarchistes, qui ont toujours considéré que le marxisme était par nature "autoritaire", la dictature stalinienne était la conséquence inévitable de la mise en application des idées de Marx. En ce sens, les succès actuels du courant anarchiste et libertaire sont avant tout une retombée des campagnes bourgeoises, la marque de leur impact sur les éléments qui refusent le capitalisme mais qui se sont laissé piéger par les mensonges dont nous avons été abreuvés depuis dix ans. Ainsi, le courant qui se présente comme l’ennemi le plus radical de 1’ordre bourgeois doit une bonne part de sa progression actuelle aux concessions qu’il fait, et qu’il a toujours faites, aux thèmes idéologiques classiques de la bourgeoisie.

Cela dit, beaucoup d’anarchistes et de libertaires actuels se sentent un peu gênés aux entournures.

D’une part, ils ont du mal à avaler le comportement de l’organisation la plus importante de l’histoire de l’anarchisme, celle qui a eu l’influence la plus déterminante sur la classe ouvrière de tout un pays, la CNT espagnole. Difficile évidemment de se réclamer de l’expérience d’une organisation qui, après des dizaines d’années de propagande pour "l’action directe", de dénonciation de toute participation au jeu politique bourgeois du parlementarisme, de discours incendiaires contre l’Etat, contre toute forme d’Etat, n’a pas trouvé mieux à faire, en 1936, que d’envoyer quatre ministres dans le gouvernement bourgeois de la République et plusieurs conseillers dans le gouvernement de la "Generalitat" de Catalogne. Des ministres qui en mai 1937, alors que les ouvriers de Barcelone se sont insurgés contre la police de ce gouvernement (une police contrôlée par les staliniens), les ont appelés à déposer les armes et à "fraterniser" avec leurs bourreaux. En d’autres termes, qui les ont poignardés dans le dos. C’est pour cela que certains libertaires d’aujourd’hui essaient de se réclamer de courants surgis au sein même de l’anarchisme et de la CNT, et qui se sont opposés à la politique criminelle adoptée par cette centrale, tels les "Amis de Durruti" qui ont combattu en 1937 la ligne officielle de la CNT espagnole au point que la CNT les considérera comme des traîtres et prononcera leur exclusion. C’est dans le but de préciser la nature de ce courant que nous publions l’article qui suit, d’après le texte de la brochure sur l’Espagne 1936 de la section du CCI en Espagne.

D’autre part, certains de ceux qui se tournent vers les idées libertaires se rendent compte (ce qui n’est pas trop difficile) de la vacuité de l’idéologie anarchiste et essaient de trouver d’autres références pour prêter main forte à celles des maîtres classiques de cette idéologie (Proudhon, Bakounine, Kropotkine, etc.). Et quelle meilleure référence pourraient-ils trouver que Marx lui-même, celui dont Bakounine s’était en son temps déclaré le "disciple". Animés de la volonté de rejeter les mensonges bourgeois qui font du marxisme le responsable de tous les maux dont a souffert la Russie depuis 1917, ils tentent d’opposer radicalement Lénine à Marx, retombant ainsi sous l’influence des campagnes pour qui Staline est l’héritier fidèle de Lénine. C est pour cela que, dans leur effort pour promouvoir un "marxisme libertaire", ils tentent de se réclamer du courant de la Gauche communiste germano-hollandaise dont les principaux théoriciens, tels Otto Ruhle d’abord et Anton Pannekoek plus tard ont considéré à partir d’un certain moment que la révolution russe de 1917 était une révolution bourgeoise, conduite par un parti bourgeois, le parti bolchevik lequel était inspiré par un penseur jacobin-bourgeois, Lénine. Les camarades de la Gauche allemande ou hollandaise ont toujours été très clairs sur le fait qu’ils se réclamaient exclusivement du marxisme et nullement de l’anarchisme et ont toujours rejeté toute tentative de concilier ces deux courants. Cela n’empêche pas aujourd’hui certains anarchistes d’essayer de les annexer à leur idéologie ou certains éléments, souvent sincères, de tenter d’élaborer un "marxisme libertaire" et de réussir la synthèse impossible entre anarchisme et marxisme.

C’est une telle tentative qu’on retrouve dans le texte qu’on trouvera plus bas, une lettre rédigée par un petit groupe français appelé "Gauche communiste libertaire" (GCL) en réponse à notre article "Le communisme de conseils n ’est pas un pont entre le marxisme et l’anarchisme", paru dans Internationalisme n° 259 et dans Révolution internationale n° 300. A la suite de cette lettre, nous publions de très larges extraits de la réponse (non exhaustive) que nous lui avons faite.

CCI.

Les Amis de Durruti : leçons d’une rupture incomplète avec l’anarchisme

Le groupe anarchiste Les Amis de Durruti a souvent été donné en exemple pour illustrer la vitalité de l’anarchisme pendant les événements d’Espagne 1936, du fait que ses membres ont joué un rôle important dans les luttes de mai 1937, en dénonçant et en s’opposant à la collaboration de la CNT au gouvernement de la République et de la Generalitat (le gouvernement régional catalan). Aujourd’hui la CNT se revendique des exploits de ce groupe et vend ses publications les plus connues ([1]), en récupérant ses positions.

Cependant pour nous la leçon essentielle que nous tirons de l’expérience de ce groupe n’est pas qu’il fait la preuve de la « vitalité » de l’anarchisme, mais le contraire, elle montre l’impossibilité de défendre une alternative révolutionnaire à partir de celui-ci ([2]). Les Amis de Durruti, même s’ils se sont opposés à la politique de « collaboration » de la CNT, n’ont pas compris son rôle en tant que facteur actif de la défaite du prolétariat, son alignement sur le camp bourgeois ; et pour cette raison ils ne l’ont pas dénoncée comme une arme de l’ennemi ; au contraire, ils ont toujours revendiqué leur engagement dans la CNT et la possibilité d’utiliser cette organisation pour défendre les intérêts du prolétariat.

La cause fondamentale de cette difficulté est son incapacité à rompre avec l’anarchisme. C’est ce qui explique aussi qu’il n’y a hélas pas eu de clarification produite par ce groupe sur la compréhension des événements d’Espagne 1936, ce qui ne remet pas en question les efforts et le courage révolutionnaire de ses membres. (...)

1936 : révolution prolétarienne ou guerre impérialiste ?

Dans les livres d’histoire les événements d’Espagne 1936 sont décrits comme une « guerre civile ». Pour les trotskistes et les anarchistes, il s’agit de « la révolution espagnole ». Pour le CCI ce n’était ni une « guerre civile » ni une « révolution » mais un conflit impérialiste. Une guerre entre deux fractions de la bourgeoisie espagnole : celle de Franco, soutenue par les impérialismes allemand et italien et celle du camp adverse républicain, un gouvernement de Front populaire qui, en particulier en Catalogne, comprenait les staliniens, le POUM et la CNT, soutenu par l’URSS et les impérialismes démocratiques. La classe ouvrière s’est mobilisée en juillet 1936 contre le coup d’Etat de Franco et en mai 1937 à Barcelone contre la volonté de la bourgeoisie d’écraser la résistance prolétarienne ([3]). Mais dans les deux cas, le Front populaire a réussi à la mater et à la pousser dans les tueries militaires en 1 ’ embrigadant derrière la bannière bourgeoise de l’ « antifascisme ».

C’était l’analyse de Bilan, la publication de la Gauche communiste d’Italie en exil. Pour Bilan il était essentiel de prendre en compte le contexte international dans lequel se déroulaient les événements en Espagne. La vague révolutionnaire internationale qui a mis fin à la lre guerre mondiale et s’est étendue aux cinq continents a été défaite, même s’il reste encore des échos de luttes ouvrières en Chine en 1926, dans la grève générale en Grande-Bretagne la même année et en Espagne même. Cependant, l’aspect dominant de la décennie 1930 a été la préparation de toutes les puissances impérialistes à un nouvel affrontement général. C’était cela le cadre international des événements d’Espagne : une classe ouvrière défaite et la voie ouverte à une seconde guerre mondiale. D’autres groupes prolétariens comme le GIKH ([4]), ont défendu des positions similaires ; on trouve aussi dans les publications de ce dernier groupe des positions proches du trotskisme qui envisageaient la possibilité pour le prolétariat d’agir dans un sens révolutionnaire communiste à partir d’un mouvement pour une « révolution bourgeoise ». Bilan a débattu patiemment avec ces groupes et même avec une minorité en son propre sein qui défendait que la révolution pouvait surgir de la guerre et qui s’est mobilisée pour lutter dans la « colonne Lénine » en Espagne. ([5]) Aussi confuses que pouvaient être leurs positions, aucun de ces groupes ne s’était lancé cependant dans un soutien au gouvernement républicain. Aucun n’avait participé à la soumission des ouvriers à la république, aucun n’avait pris parti pour la bourgeoisie... Contrairement au POUM et à la CNT ! ([6])

En s’appuyant sur ces erreurs du prolétariat, la bourgeoisie cherche à avaliser aujourd’hui la politique traître et contre-révolutionnaire de ces derniers, en présentant les événements de 1936 comme une « révolution prolétarienne » dirigée par le POUM et la CNT ([7]), alors que ceux-ci ont constitué en réalité le dernier rempart de la bourgeoisie contre la lutte ouvrière, comme nous l’avons déjà dénoncé :

« Mais ce sont surtout le POUM et la CNT qui jouèrent le rôle décisif dans l’enrôlement des ouvriers pour le front. La cessation de la grève générale fut ordonnée par ces deux organisations, sans qu’elles aient joué un rôle dans son déclenchement. La force de la bourgeoisie, ce fut moins Franco que de disposer d’un extrême gauche qui démobilisa le prolétariat espagnol. » La Gauche communiste d’Italie, p. 130)

Les bases anarchistes de là trahison de la CNT en 1936

Pour beaucoup d’ouvriers il est difficile de reconnaître que la CNT qui regroupait les prolétaires les plus combatifs et déterminés et qui avait les positions les plus radicales, a trahi la classe ouvrière en la poussant dans les bras de l’Etat républicain et en l’enrôlant dans la lutte antifasciste.

A cause de cela, déboussolés par l’amalgame et l’hétérogénéité des positions qui caractérisent le milieu anarchiste, ils tirent comme leçon que le problème n’est pas venu de la CNT mais de la « trahison » de quatre ministres (la Montseny, Garcia Oliver, etc.) ou de l’influence de courants comme les Trentistes. ([8])

Il est vrai que pendant la vague révolutionnaire internationale qui a suivi la révolution russe, les meilleures forces du prolétariat en Espagne s’étaient regroupées dans la CNT (le parti socialiste s’était aligné sur les social-patriotes qui avaient conduit le prolétariat mondial à la guerre impérialiste ; quant au parti communiste, il représentait un infime minorité). Cela exprimait fondamentalement une faiblesse du prolétariat en Espagne, une conséquence des caractéristiques qu’y a pris le développement du capitalisme (une faible cohésion nationale ainsi qu’un poids démesuré du secteur des propriétaires terriens de la bourgeoisie et de l’aristocratie).

Ce terrain avait été un bouillon de culture pour l’idéologie anarchiste qui exprimait fondamentalement l’idéologie de la petite-bourgeoisie radicalisée et son influence dans le prolétariat. Ce poids avait été aggravé par l’influence du bakouninisme dans l’AIT en Espagne qui a eu des conséquences désastreuses comme l’avait dénoncé Engels dans son livre Les bakouninistes à l’oeuvre, à propos du mouvement cantonaliste de 1873 en Espagne lorsque ses représentants entraînèrent le prolétariat derrière la bourgeoisie radicale aventuriste. Aussi, quand l’anarchisme a eu à choisir entre la prise de pouvoir politique par la classe ouvrière ou par le gouvernement de la bourgeoisie, il a choisi ce dernier : « ceux-là mêmes qui se nomment autonomistes, anarchistes-révolutionnaires, etc., ont saisi avec zèle cette occasion défaire de la politique, mais de la pire espèce, de la politique bourgeoise. Ils n ’ont pas travaillé à procurer le pouvoir politique à la classe ouvrière -cette idée ils l’exècrent au contraire- mais à aider à prendre le gouvernail à une fraction de la bourgeoisie, composée d’aventuriers, d’ambitieux et d’arrivistes ; qui se nomment républicains intransigeants. » ("Rapport de la fédération madrilène de l’AIT", Les bakouninistes à l’oeuvre, Mémoire sur l’insurrection d’Espagne de l’été 1873)

Pendant la vague révolutionnaire qui a suivi la première guerre mondiale, la CNT a cependant subi l’influence de la révolution russe et de la 3e Internationale. Son congrès de 1919 s’est clairement prononcé sur la nature prolétarienne de la révolution russe et le caractère révolutionnaire de l’Internationale communiste à laquelle elle décida de participer. Mais avec la défaite de la vague révolutionnaire mondiale et l’ouverture du cours à la contre-révolution, la CNT n’a pas pu trouver dans ses bases anarchistes et syndicalistes la force théorique et politique pour assumer la tâche de tirer les leçons de la succession de défaites en Allemagne, Russie, etc., et pour orienter dans un sens révolutionnaire l’énorme combativité du prolétariat en Espagne. (...)

A partir du congrès de 1931, la CNT fait passer sa « haine de la dictature du prolétariat » devant ses prises de position antérieures sur la révolution russe, tandis qu’elle voit dans l’Assemblée constituante « le produit d’un fait révolutionnaire » (« Position de la CNT sur l’Assemblée constituante » dans le Rapport du congrès), malgré son opposition formelle au parlement bourgeois. Avec cela, elle a commencé à s’engager dans un appui à la bourgeoisie, plus précisément à travers certaines de ses fractions comme les Trentistes ; et cela même si, en son sein, existent encore des éléments qui continuent à adhérer au combat révolutionnaire du prolétariat.

En février 1936, la CNT, jetant par dessus bord ses principes abstentionnistes, appelle directement à voter pour le Front populaire : « Naturellement la classe ouvrière en Espagne, à qui depuis de nombreuses années la CNT avait donné comme consigne de ne pas voter, a interprété notre propagande dans le sens même que nous désirions, c’est-à-dire, qu ’elle devait voter, parce qu’il en résulterait toujours qu’il sera plus facile de faire front aux droites fascistes si celles-ci se soulevaient après avoir été défaites et hors du gouvernement. » ([9])

Avec cela elle montre son évolution claire vers le soutien à l’Etat bourgeois, son implication dans la politique de défaite et d’embrigadement du prolétariat pour la guerre impérialiste.

Ce qui se passe ensuite en juillet 1936 n’est pas surprenant. Alors que la Generalitat est à la merci des ouvriers en armes, elle remet le pouvoir entre les mains de Companys, elle appelle les ouvriers à la reprise du travail et les envoie se faire massacrer sur le front d’Aragon. N’est pas surprenant non plus ce qui se passe en mai 1937 quand, en réponse à la provocation de la bourgeoisie, les ouvriers lèvent spontanément des barricades et prennent le contrôle de la rue, tandis que la CNT appelle de nouveau à abandonner la lutte et empêche que les ouvriers du front reviennent appuyer leurs camarades de Barcelone. ([10])

Ce qui s’est passé en Espagne montre que, dans l’ère des guerres et des révolutions, des secteurs de l’anarchisme peuvent être gagnés à la lutte révolutionnaire du prolétariat, mais que l’anarchisme en tant que courant idéologique est incapable d’affronter la contre-révolution et d’opposer une alternative révolutionnaire ; il se montre même attaché à la défense de l’Etat bourgeois. Bilan a compris cela et l’exprime brillamment : « Car il faut le dire ouvertement : en Espagne n’existaient pas les conditions pouvant faire des soubresauts des prolétaires ibériques le signal d’un réveil mondial du prolétariat, alors qu’il y existait à coup sûr des contrastes économiques, sociaux et politiques plus profonds et plus exacerbés que dans d’autres pays. (...) La violence de ces événements ne doit pas nous induire en erreur sur leur nature. Tous, ils procèdent de la lutte à mort engagée par le prolétariat contre la bourgeoisie, mais tous prouvent l’impossibilité de remplacer par la seule violence -qui est un instrument de la lutte et non un programme de lutte- une vision historique que le mécanisme de la lutte des classes n’a pas la capacité de féconder. Puisque les mouvements sociaux n ’ont pas la force de féconder une vision finale des buts prolétariens et qu ’ils ne se rencontrent pas avec une intervention communiste orientée dans cette direction, ils retombent finalement dans l’ornière du développement capitaliste, entraînant dans leur faillite les forces sociales et politiques qui, jusqu’ici, représentaient d’une façon classique les sursauts de classe des ouvriers : les anarchistes. » ([11])

Les Amis de Durruti, une tentative de réaction contre la trahison de la CNT

Les « Amis de Durruti » ont été de ces éléments anarchistes qui, malgré l’orientation bourgeoise de la CNT, dans laquelle ils ont milité tout le temps, continuaient à adhérer à la révolution ; et dans ce sens ils sont un témoignage de la résistance des éléments prolétariens qui n’ont pas marché dans ce que voulait leur faire avaler la centrale anarchiste.

Voilà pourquoi la CNT et la bourgeoisie en général essaient de présenter ce groupe comme une manifestation du fait que, même dans les pires moments de 1936-37, il y avait une flamme révolutionnaire dans la CNT.

Cependant cette interprétation est complètement fausse. Ce qui marquait la démarche révolutionnaire du groupe des Amis de Durruti était précisément son combat contre les positions de la CNT. Il puisait sa force dans le prolétariat dont il faisait partie et pour lequel il se trouvait en première ligne.

Les Amis de Durruti se situaient sur un terrain de classe, non pas en tant que militants de la CNT mais en tant que militants ouvriers qui ont été pénétrés de la force de la classe le 19 juillet et qui, à partir de là, se sont opposés aux positions de la Confédération.

Au contraire, leur recherche d’une conciliation entre cet élan prolétarien et leur engagement dans la CNT (avec ses orientations anarchistes), a rendu caduque toute possibilité, aussi minime soit-elle, d’une issue révolutionnaire au mouvement et toute capacité à tirer des leçons claires des événements.

Le groupe des Amis de Durruti a été un groupe d’affinité anarchiste qui s’est constitué formellement en mars 1937 à partir de la convergence d’un courant qui se prononçait, dans la presse même de la CNT, contre la collaboration avec le gouvernement et un autre courant qui est revenu à Barcelone pour lutter contre la militarisation des milices.

Ce regroupement s’est fait en lien direct avec le développement des luttes ouvrières dans lesquelles il puisait sa réflexion et son combat. Il ne s’agissait pas d’un groupe de théoriciens mais d’ouvriers en lutte, combatifs. C’est pour cela qu’ils se revendiquaient fondamentalement de la lutte de juillet l936 et de ses « conquêtes », lutte qui avait été marquée par les patrouilles de contrôle mises en place dans les quartiers et par 1’armement de la classe ouvrière, même si ce qui était important à leurs yeux, c’était le souffle des journées de juillet, la force spontanée de la lutte ouvrière qui a pris les armes pour repousser 1’attaque de Franco et s’est rendue maître de la rue à Barcelone.

Avant les journées de mai, quelques éminents membres du groupe écrivaient encore dans le journal de la CNT La Noche, alors que l’activité, fondamentale du groupe consistait en des réunions dans lesquelles se discutait le cours des événements.

Dans les journées de mai 1937, le groupe des Amis de Durruti a combattu sur les barricades et a diffusé le tract qui l’a rendu célèbre revendiquant une junte révolutionnaire, la socialisation de l’économie et l’exécution des coupables. Dans la lutte, ses positions ont tendu à se rapprocher de celles du groupe bolchevik-léniniste d’orientation trotskiste (dans lequel militait Munis) avec lequel se sont développées des discussions qui ont alimenté sa réflexion mais qui ne sont pas parvenues à pousser le groupe à rompre avec 1’anarchisme.

Après les journées de mai a commencé la publication de L’Ami du peuple (dont 15 numéros paraîtront) qui a été l’expression d’une tentative de clarifier les questions que la lutte avait posées. Le théoricien le plus connu du groupe, Jaime Balius, a publié en 1938 la brochure Vers une nouvelle révolution qui pose de manière plus élaborée les positions qu’a défendues L’Ami du peuple

Cependant, le groupe était directement dépendant de l’oxygène de la lutte ouvrière ; et à mesure que celle-ci était vaincue par l’Etat républicain, cet oxygène s’est raréfié amenant le groupe à retourner au bercail de la CNT.

Même s’il a exprimé une réponse ouvrière à la trahison de la CNT, son évolution n’a pas pu se faire du fait de son impossibilité à entamer une rupture avec l’anarchisme et le syndicat lui-même. En ce sens le groupe s’est maintenu vivant et combatif dans la mesure où les luttes et la force de la classe l’alimentaient ; mais il n’a pas pu aller plus loin.

Une rupture incomplète avec l’anarchisme

Dans les deux questions centrales pour la lutte de classe qui ont été débattues dejuillet à mai : le rapport entre la guerre sur le front antifasciste et la guerre sociale, et la question de la collaboration dans le gouvernement républicain bourgeois ou son renversement, le groupe des Amis de Durruti s’est opposé à la politique de la CNT et l’a combattue.

La nature de la guerre en Espagne

Contrairement à la CNT qui s’était opposée de façon non dissimulée à 1’action des ouvriers du 18 juillet, les Amis de Durruti ont défendu la nature révolutionnaire de ces journées : « On a affirmé que les journées de juillet ont été une réponse à la provocation fasciste mais nous, Les Amis de Durruti, avons soutenu publiquement que l’essence des journées mémorables de juillet avait sa racine dans la soif absolue d’émancipation du prolétariat. » ([12])

Ils ont également combattu contre la politique de subordonner la révolution aux nécessités de la guerre antifasciste, question qui en grande partie a été à la base de leur propre formation comme groupe ([13]) :

« Le travail contre-révolutionnaire est facilité par le peu de solidité de beaucoup de révolutionnaires. Nous nous sommes rendus parfaitement compte qu’un grand nombre d’individus considèrent que pour gagner la guerre il faut renoncer à la révolution. On comprend ainsi ce déclin qui s’est accentué de manière intensive depuis le 19 juillet (...) Il n’est pas justifiable que pour amener les masses à la bataille on cherche à faire taire les ardeurs révolutionnaires. Ce devrait être tout le contraire. Assurer encore plus la révolution pour que les travailleurs se lancent avec une énergie inhabituelle à la conquête du nouveau monde qui, en ces instants d’indécision, n’est rien d’autre qu’une promesse. » ([14])

Et en mai 1937 ils se sont opposés aux ordres que la CNT a donnés aux miliciens qui se trouvaient au front d’interrompre leur marche sur Barcelone (cette marche visait à défendre la lutte ouvrière dans la rue) et de continuer la guerre au front.

Cette détermination dans le combat contraste avec la faiblesse de la réflexion théorique des Amis de Durruti sur la guerre et la révolution. En fait, ils n’ont jamais rompu avec la position selon laquelle la guerre allait de pair avec la révolution prolétarienne, et qu’il s’agissait ainsi d’une guerre « révolutionnaire » opposée aux guerres impérialistes, ce qui a fait d’eux dès le début des victimes de la politique de défaite et d’embrigadement du prolétariat.

« Dès le premier moment du choc contre les militaires il n’est déjà plus possible de distinguer la guerre de la révolution (...) Au fur et à mesure que passent les semaines et les mois, du combat actuel il apparaît déplus en plus clairement que la guerre que nous soutenons contre les fascistes n ’a rien à voir avec les guerres que se font les Etats (...) Nous les anarchistes ne pouvons pas faire le jeu de ceux qui prétendent que notre guerre est seulement une guerre d’indépendance avec seulement des aspirations démocratiques. Et à ces affirmations nous répondrons, nous les Amis de Durruti, que notre guerre est une guerre sociale. » ([15])

En cela ils se plaçaient dans l’orbite de la CNT qui, en partant de la version « radicale » des positions bourgeoises sur la lutte entre dictature et démocratie, entraînait les ouvriers les plus combatifs à la boucherie de la guerre antifasciste.

De fait les considérations des Amis de Durruti sur la guerre étaient faites en partant des positions nationalistes étroites et a historiques de l’anarchisme, les amenant à comprendre les événements actuels en Espagne en continuité avec les tentatives ridicules de révolution qu’avait fait la bourgeoisie en 1808 contre l’invasion napoléonienne. ([16]) Alors que le mouvement ouvrier international débattait de la défaite du prolétariat mondial et de la perspective d’une seconde guerre mondiale, les anarchistes en Espagne en étaient à Fernand VII et à Napoléon :

« Aujourd’hui se répète ce qui s’est passé à l’époque de Fernand VII. De la même manière se tient à Vienne une réunion des dictateurs fascistes visant à préciser leur intervention en Espagne. Et le rôle qu’avait El Empecinado est joué aujourd’hui par les travailleurs en armes. L’Allemagne et l’Italie manquent de matières premières. Ces deux pays ont besoin de fer, de cuivre, de plomb, de mercure. Mais ces minerais espagnols sont détenus par la France et l’Angleterre. Alors qu’ils essaient de conquérir l’Espagne, l’Angleterre ne proteste pas de manière vigoureuse. En sous-main, elle tente de négocier avec Franco (...) La classe travailleuse a pour devoir d’obtenir l’indépendance de l’Espagne. Ce n’est pas le capital national qui y parviendra, étant donné que le capital au niveau international est intimement lié d’un bout à l’autre. C’est le drame de l’Espagne actuelle. Aux travailleurs il revient la tâche de chasser les capitalistes étrangers. Ce n’est pas un problème patriotique. C’est une question d’intérêts de classe. » ([17])

Comme on peut le constater toutes les ficelles sont bonnes pour transformer une guerre impérialiste entre Etats en guerre patriotique, en guerre « de classes ». C’est une manifestation du désarmement politique auquel 1’anarchisme soumet les militants ouvriers sincères comme Les amis de Durruti. Ces camarades, qui cherchaient à lutter contre la guerre et pour la révolution, furent incapables de trouver le point de départ pour une lutte efficace : l’appel aux ouvriers et paysans (embrigadés par les deux camps, républicain et franquiste) à déserter, à retourner leurs fusils contre les officiers qui les opprimaient, à revenir à 1’arrière et à lutter par les grèves, par les manifestations, sur un terrain de classe contre le capitalisme dans son ensemble.

Pour le mouvement ouvrier international cependant, la question de la nature de la guerre en Espagne a été une question cruciale qui a polarisé les débats entre la Gauche communiste et le trotskisme et au sein même de la Gauche communiste :

« La guerre d’Espagne a été décisive pour tous : pour le capitalisme elle fut le moyen d’élargir le front des forces qui agissent pour la guerre, d’incorporer à l’antifascisme les trotskistes, les soi-disant communistes de gauche et d’étouffer le réveil ouvrier qui se dessinait en 1936 ; pour les fractions de gauche ce fut l’épreuve décisive, la sélection des hommes et des idées, la nécessité d’affronter le problème de la guerre. Nous avons tenu et, contre le courant, nous tenons toujours. » (Bilan n° 44 ; cité dans La Gauche communiste d’Italie)

La collaboration de la CNT au gouvernement

Plus clairement encore que sur la question de la guerre, les Amis de Durruti se sont opposés à la politique de collaboration de la CNT avec le gouvernement de la république.

Ils ont dénoncé la trahison de la CNT en juillet : « En juillet l’occasion était belle. Qui pouvait s’opposer à ce que la CNT et la FAI s’imposent sur le terrain catalan ? Au lieu de structurer une pensée confédérale s’appuyant sur les témoignages des bandes rouges et noires et sur les clameurs des foules, nos comités se sont amusés à des allées et venues dans les lieux officiels, mais sans décider d’une position conforme aux forces que nous avions dans la rue. Au terme de quelques semaines de doutes la participation au pouvoir a été implorée. Nous nous rappelons parfaitement que dans un plénum des régionales a été défendue la constitution d’un organisme révolutionnaire qui soit décidé à appeler à une Junte nationale de défense au plan général et des juntes régionales au plan local. Les accords passés n’ont pas été respectés. La faute a été passée sous silence, pour ne pas dire qu’on avait transgressé les décisions prises dans le plénum. On a participé au gouvernement de la Generalitat en premier lieu et plus tard au gouvernement de Madrid. » ([18])

... Et plus ouvertement encore dans son manifeste défendu sur les barricades en mai :

« La Generalitat ne représente rien. Son maintien au pouvoir renforce la contre-révolution. La bataille nous, les travailleurs, l’avons gagnée. Il est inconcevable qu’on ait agi avec autant d’indécision et qu’on en soit arrivé à ordonner un cessez-le-feu ; et que, de surcroît, on ait imposé la reprise du travail quand nous étions à deux doigts de la victoire totale. On n’a pas pris en compte d’où est venue la provocation ou l’agression, on n’a pas prêté attention à la véritable signification de ces journées. Cette politique doit être qualifiée de trahison de la révolution, une politique que personne au nom de qui que ce soit ne peut conduire ni soutenir. Et nous ne savons pas comment qualifier le travail néfaste réalisé par la ’ Soli ’ et les militants les plus éminents de la CNT. »

Ce manifeste leur a valu le désaveu de la CNT et la menace d’expulsion, qui finit par se produire même si elle n’a pas été en fin de compte mise en pratique. Les Amis de Durruti ont retiré leur dénonciation de trahison qu’ils avaient publiée dans le n° 3 de L Ami du peuple : « Au nom de l’unité anarchiste et révolutionnaire, nous Les Amis de Durruti, rectifions le concept de trahison » (L’Ami du peuple n° 4). Ils ont fait cela, non par manque de courage dont ils avaient largement fait preuve, mais parce que leur horizon n’allait pas plus loin que la CNT qu’ils considéraient comme une expression de la classe ouvrière et non comme un agent de la bourgeoisie.

Dans ce sens, les limites théoriques de leurs positions étaient celles-là mêmes de la CNT et de l’anarchisme. Voilà pourquoi, loin de la lutte sur les barricades, partant d’une réflexion plus sereine, leur critique à la CNT a été de ne pas avoir eu un programme révolutionnaire :

« L’immense majorité de la population travailleuse était aux côtés de la CNT. L’organisation majoritaire en Catalogne était la CNT. Que s’est-il donc passé pour que la CNT ne fasse pas sa révolution qui était celle du peuple, celle de la majorité du prolétariat ?

Il s’est produit ce qui devait fatalement se passer. La CNT était orpheline de théorie révolutionnaire. Nous n’avions pas un programme correct. Nous ne savions pas où nous allions. Beaucoup de lyrisme, mais en fin de compte, nous n ’avons pas su quoi faire avec ces masses énormes de travailleurs, nous n’avons pas su donner corps à cet élan populaire qui s’est déversé dans nos organisations ; et pour ne pas avoir su quoi faire, nous avons entrepris la révolution sous le drapeau de la bourgeoisie et des marxistes (il s’agit ici des social-démocrates et des staliniens), qui ont maintenu la farce d’antan ; et ce qui est pire, on a donné l’occasion à la bourgeoisie de se reprendre et d’agir en vainqueur.

On n’a pas su valoriser la CNT On n ’a pas été capable de mettre en avant la révolution avec toutes ses conséquences. » (Brochure de Balius, Vers une nouvelle révolution)

Mais la CNT avait à l’époque une théorie bien définie : la défense de l’Etat bourgeois. L’affirmation de Balius est valable pour le prolétariat dans son ensemble (dans le même sens que l’a aussi fait Bilan, c’est-à-dire l’absence d’une orientation et d’une avant-garde révolutionnaire) mais pas pour la CNT. Pour le moins, à partir de février 1936, la CNT a été de façon non équivoque engagée avec le gouvernement bourgeois du Front populaire :

« Au moment de février 1936, toutes les forces agissant au sein du prolétariat se trouvaient derrière un seul front : la nécessité d’aboutir à la victoire du Front Populaire pour se débarrasser des droites et obtenir l’amnistie. De la Social-démocratie au centrisme, jusqu ’à la CNT et au POUM, sans oublier tous les partis de la gauche républicaine, partout l’on était d’accord pour déverser l’explosion des contrastes de classe sur l’arène parlementaire. Déjà ici, se trouvait inscrite, en lettres flamboyantes, la faillite des anarchistes et du POUM, ainsi que la fonction réelle de toutes les forces démocratiques du capitalisme. » Bilan, Ibid. « La leçon des événements d’Espagne »)

Après juillet, contrairement à ce que pensaient Les Amis de Durruti, c’est-à-dire que la CNT ne savait que faire de la révolution, en réalité elle le savait très bien :

« Pour notre part, et c’est ainsi que l’estimait la CNT-FAI, nous avons compris qu ’il fallait suivre Companys sur le front de la Géneralitat, précisément parce que nous n ’étions pas sortis dans la rue pour lutter concrètement pour la révolution sociale, mais pour nous défendre contre la soldates que fasciste. » (Garcia Oliver en réponse à un questionnaire de Bolloten, cité par Agustin Guillamon, Le groupe des Amis de Durruti ; p. 11)

Si pendant les journées de mai 1937 les Amis de Durruti, confrontés à la CNT, ont revendiqué une « Junte révolutionnaire » contre le gouvernement de la Generalitat et « l’exécution des coupables », ce n’ était pas le produit de leur rupture avec l’anarchisme, ni non plus de leur dégagement de l’anarchisme vers un alternative révolutionnaire (comme le prétend Guillamon) mais l’expression de la résistance du prolétariat. Ce n’était pas une orientation de marche pour prendre le pouvoir, question qui ne pouvait pas se poser dans ces moments où l’initiative était aux mains de la bourgeoisie laquelle a lancé une provocation pour en finir avec la résistance ouvrière, mais un constat. Mais cela ne pouvait pas aller plus loin, comme l’a posé Munis :

« Munis, dans le n°2 de La voix léniniste (du 23 août 193 7) a réalisé une critique du concept de junte révolutionnaire développé dans le n°6 de L’Ami du peuple (du 12 août 1937). Pour Munis Les amis de Durruti ont souffert d’une détérioration théorique progressive et d’une incapacité pratique à influencer la CNT, ce qui les a conduits à l’abandon des quelques positions théoriques que l’expérience de mai leur avait permis d’acquérir. Munis constatait que, en mai 1937, Les Amis de Durruti avaient lancé la consigne de junte révolutionnaire en même temps que celle de ’ tout le pouvoir au prolétariat’ ; tandis que dans le n°6 du 12 août, de L’Ami du peuple la consigne de junte révolutionnaire a été proposée comme alternative à ’la faillite de toutes les formes -étatiques ’. Selon Munis cela a supposé une régression théorique dans l’assimilation de la part des Amis de Durruti des expériences de mai, ce qui les éloignait du concept marxiste de la dictature du prolétariat et les raccrochait de nouveau à l’ambiguïté de la théorie anarchiste de l’Etat. » ([19])

Une fois passé le bouillonnement de la lutte ouvrière et une fois la défaite consommée, les réflexions et les propositions des Amis de Durruti sont retournées sans drame dans le giron de la CNT, et la « junte révolutionnaire » s’est finalement transformée en un Comité des milices antifascistes qu’ils avaient dénoncé auparavant comme un organe de la bourgeoisie :

« Le groupe a critiqué durement la dissolution des comités de défense, des patrouilles de contrôle, du comité des milices, et a critiqué le décret de militarisation, en comprenant que ces organismes surgis des journées de juillet devaient être la base -avec les syndicats et les municipalités- d’une nouvelle structuration, c’est-à-dire qu’ils devaient être le modèle d’un nouvel ordre des choses, en acceptant naturellement les modifications qui découlaient de la marche des événements et de l’expérience révolutionnaire. » ([20])

Il vaut la peine de comparer ce qui est dit avec cette autre citation du même auteur dans sa brochure de 1938 Vers une nouvelle révolution :

« En juillet s’est constitué un comité de milices antifascistes. Ce n’était pas un organisme de classe. En son sein se trouvaient des représentants des fractions bourgeoises et contre-révolutionnaires. »

Conclusions

Les Amis de Durruti ne sont pas une expression de la vitalité révolutionnaire de la CNT ni de l’anarchisme, mais celle d’un effort des militants ouvriers ; et cela malgré le poids de l’anarchisme qui n’a jamais été et ne pouvait être le programme révolutionnaire de la classe ouvrière.

L’anarchisme peut attirer dans ses rangs des secteurs de la classe ouvrière, faibles de leur manque d’expérience ou de leur trajectoire, comme peuvent l’être aujourd’hui nombre de jeunes prolétaires, mais de ses positions ne peut pas sortir une alternative révolutionnaire. Dans le meilleur des cas, tel celui des Amis de Durruti, cela peut démontrer du courage et de la combativité ouvrière ; mais comme l’histoire en Espagne 1’a montré en deux occasions, dans les moments décisifs ses errances idéologiques le mettent au service de l’Etat bourgeois.

Des éléments ouvriers peuvent penser adhérer à la révolution à partir de l’anarchisme, mais pour adhérer à un programme révolutionnaire il faut rompre avec l’anarchisme.

Lettre ouverte aux militants du communisme de conseil (Gauche communiste libertaire)

Dans le numéro 300 de Révolution Internationale l’article : « Le communisme de conseil n’est pas un pont entre le marxisme et l’anarchisme » a attiré notre attention.

Nous sommes en effet un petit groupe dans le Vaucluse et nous nous réclamons du marxisme libertaire.

Dans cet article, vous dites que certaines des composantes du communisme de conseil avaient une « analyse erronée de l’échec de la révolution russe, considérée (...) comme une révolution bourgeoise dont l’échec est attribué à des conceptions « bourgeoises » défendues par le parti bolchevik et Lénine comme celle de la nécessité du parti révolutionnaire ».

En fait, nous sommes d’accord avec les composantes du communisme de conseil qui voient dans la révolution russe une révolution bourgeoise dirigée par des jacobins.

Il nous semble qu’Anton Pannekoek serait de notre avis, citons-le : « (... ) Nombreux sont ceux qui persistent à "concevoir la révolution prolétarienne sous l’aspect des révolutions bourgeoises d’autrefois, c’est-à-dire comme une série déphasés s’engendrant les unes les autres : d’abord, la conquête du pouvoir politique et la mise en place d’un nouveau gouvernement ; puis l’expropriation par décret de la classe capitaliste ; enfin, une réorganisation du processus de production. Mais, dans ce cas, on ne peut pas aboutir à autre chose qu’à un genre de capitalisme d’Etat. Pour que le prolétariat puisse devenir réellement le maître de son destin, il lui faut créer simultanément et sa propre organisation et les formes de l’ordre économique nouveau. Ces deux éléments sont inséparables et constituent le processus de la révolution sociale ».

N’est-ce pas parce que la révolution russe était une révolution bourgeoise qu’elle en a revêtue l’aspect décrit par Pannekoek. En quoi ces conceptions constituent-elles un affaiblissement théorique politique important ?

Vous ne le dites pas...

Par contre, les conceptions de Lénine restent des conceptions jacobines bourgeoises : une minorité, une avant-garde, l’élite d’un parti finit par se substituer à la classe ouvrière, d’ailleurs minoritaire en Russie. Ce substitutisme a abouti à la répression de Cronstadt en 1921, répression d’un soviet réclamant la liberté politique et la libération des opposants anarchistes et Socialistes Révolutionnaires. Ce subtitutisme a donné la répression de tous les courants du mouvement ouvrier : anarchistes (Makhno, Voline...), socialistes révolutionnaires, centristes (Dan et Martov...). Faut-il vous rappeler que seul Miasnikov au sein du parti bolchevik a défendu la liberté de la presse. Ce Miasnikov qui fut exclu par une commission de l’org.bureau comprenant Boukarine et Trotsky !

Otto Ruhle partage nos vues sur le parti bolchevik : « Le Parti était considéré comme l’académie militaire des révolutionnaires professionnels. Ses principes pédagogiques marquants étaient l’autorité indiscutée du chef un centralisme rigide, une discipline de fer, le conformisme, le militarisme et le sacrifice de la personnalité aux intérêts du Parti. Ce que Lénine développait en réalité, c ’était une élite d’intellectuels, un noyau qui, jeté dans la révolution, s’emparerait de la direction et se chargerait du pouvoir ». Texte cité dans La contre révolution bureaucratique, éditions 10/18).

A la conception de Lénine d’une minorité agissante de révolutionnaires professionnels s’oppose celle d’Otto Ruhle, marxiste antiautoritaire exclu du KAPD sur ordre de Moscou et théoricien de l’Union Générale Ouvrière A.A.U.E. en 1920, ni syndicat, ni avant-garde mais union de révolutionnaires dans les conseils en Allemagne.

Cette « Union » reposait sur le précepte : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », comme Marx l’écrit en 1864.

Cette conception de Lénine d’une minorité agissante ne semble pas la seule cuillerée de goudron dans le pot de miel des théories léninistes :

- Lénine a défendu le droit bourgeois des nations à disposer d’elles-mêmes. Son texte publié en juin 1914 n’est qu’une polémique contre Rosa Luxembourg. Lénine soutient le nationalisme polonais, ce poison diviseur du prolétariat. Ces conceptions de Lénine aboutissent en Allemagne au soutien du nationalisme allemand au moment de l’occupation du bassin de la Ruhr et à la célébration du héros national allemand Schlageter. Ainsi le parti communiste d’Allemagne fit cause commune avec les fascistes ! Schlageter était un nationaliste fusillé par les troupes françaises lors de l’occupation de la Ruhr ;

- Lénine a de même défendu le parlementarisme bourgeois, les compromis avec la bourgeoisie et l’entrée des « communistes » dans les syndicats bourgeois réactionnaires dans « La maladie infantile du communisme » ;

- pire encore, son texte Matérialisme et empiriocriticisme est un retour vers le matérialisme bourgeois du 18ème siècle, où Lénine oublie le matérialisme historique tel que Marx l’a exposé dans les Thèses sur Feuerbach.

Or, qu’est-ce que le matérialisme historique ?

Vous dites une méthode d’analyse des contradictions de classe de toute société... soit ! Mais une méthode d’analyse pour l’action, et 1’action pour la libération des êtres humains de toutes exploitations et oppressions. Marx défendait autant que les anarchistes « le principe abstrait de la liberté individuelle ». Marx nous semble aujourd’hui un libertaire, un moraliste de la liberté. Il critique le capitalisme qui nie les personnalités, la liberté individuelle. Un « marxiste » se doit de défendre la liberté et de respecter la liberté d’autrui. Le respect de l’égalité ne veut rien dire. L’homme est différent de la femme. Tous les êtres sont différents les uns des autres, les unes des autres.

C’est donc une position de principe qui va au-delà de la lutte du prolétariat. Certaines tribus non industrialisées des forêts indonésiennes ou amazoniennes ont raison du point de vue marxiste de s’opposer à la destruction de la nature, de leur cadre de vie même si elles s’opposent de ce fait à l’intérêt particulier des prolétaires forestiers ou constructeurs de routes...

De même, les mères au foyer sont exploitées par le système de classe : elles travaillent en élevant leurs enfants même si elles ne vendent pas leurs forces de travail. Leur combat pour la libération des femmes de l’exploitation est nécessaire à l’avènement du communisme. Les prostituées de même sont exploitées comme objets sexuels ; leur lutte pour la disparition de la prostitution semble une lutte pour le socialisme des conseils. Le véritable marxisme reste antiautoritaire, anti-hiérarchique pour la disparition des asiles psychiatriques, la disparition des prisons, et la destruction de tout système punitif à l’école ou dans la famille.

Quand vous décrivez les tendances de l’anarchisme, vous oubliez l’anarcho-syndicalisme. Le philosophe Georges Sorel ne considérait-il pas l’entrée des anarchistes dans les syndicats comme l’un des plus grands événements de son temps. Vous confondez Bakounine antiautoritaire rarement jacobin avec son disciple russe Netchaïev, véritable putschiste. Vous ignorez le congrès de Berne en 1876 qui a donné à l’anarchisme sa déviation substitutiste par la propagande par le fait. Vous ignorez aussi les travaux de Daniel Guérin sur la révolution française, le fascisme, l’anarchisme... Vous ignorez de même que la république des conseils ouvriers de Bavière en 1919 avait à sa tête des libertaires dont Erich Mûsham.

Quand vous décrivez les luttes de tendances au sein de là social démocratie, vous caricaturez en faisant une lutte entre l’aile marxiste et les révisionnistes. En fait, on peut trouver quatre tendances dans la social-démocratie d’avant 1914 :

- une aile marxiste : Rosa Luxembourg, Pannekoek défendant les luttes du prolétariat, la grève de masse et la destruction de l’Etat :

- les révisionnistes réformistes comme Edouard Bernstein défendant « 1 ’ évolution pacifique du capitalisme » par les réformes ;

- un centre « orthodoxe » dont Karl Kautsky qui se caractérise par un fatalisme économique et un culte des forces productives qui deviennent pour ce type de marxisme dégénéré une sorte de dieu. Pour Karl Kautsky, ce sont les intellectuels qui doivent apporter du dehors la conscience socialiste au prolétariat : révision du marxisme donc !

- enfin les bolcheviks russes disciples de Karl Kautsky et amalgame typiquement russe de jacobinisme et de blanquisme.

Les conseils d’ouvrières et d’ouvriers n’existaient pas pendant la Commune de Paris. Aussi Marx n’en parle-t-il pas. Mais dès leur apparition en 1905 pendant la révolution russe, Lénine (1907) ne voit pas en eux un organe d’auto-gouvernement du prolétariat mais de simples comités de lutte...

La formule « dictature du prolétariat » ne veut plus rien dire aujourd’hui : les mots ont recouvert des faits. Les faits ont changé les mots de sens.

La Commune de Paris en 1871, c’était la destruction de l’Etat par un gouvernement où le débat existait entre proudhoniens et blanquistes.

La révolution d’octobre 1917, la dictature jacobine du parti bolchevik.

Il vaut donc mieux parler de pouvoir des conseils.

Jean-Luc Dallemagne, théoricien orthodoxe du trotskisme qui défend l’URSS stalinienne (la Chine, Cuba, etc..) comme des « Etats ouvriers’ ’ n’accuse-t-il pas lui aussi les courants ultra-gauche d’être des petits bourgeois : « Les divers courants de l’ultra gauche, issus de l’opposition à Lénine, retrouvent leur unité dans la revendication moralisatrice et petite bourgeoise de liberté » dans Construction du socialisme et révolution Jean-Luc Dallemagne (Editions Maspero).

Ce même Dallemagne qui défend la dictature du parti bolchevik et la répression de Cronstadt comme la dictature du prolétariat réalisée !

Ne confondons pas le capitalisme d’Etat avec le pouvoir des conseils ouvriers !

Concluons sur la révolution espagnole de 193 7 : pendant une période révolutionnaire « les amis de Durutti » ont eu une influence de masse, comme l’A. A.U.E. en Allemagne en 1920. Ne nous recroquevillons pas sur nos certitudes, essayons d’apprendre d’elles et d’eux. Ne les accusons pas péremptoirement d’avoir des positions révolutionnaires « malgré eux et leurs propres confusions », par hasard par « instinct de classe » plutôt que par une réelle compréhension de la situation dans laquelle se trouve le prolétariat dans son ensemble.

Bref, il me semble que le CCI veut clore préalablement un débat fécond entre anarchisme et marxisme.

Gauche Communiste Libertaire.

Notre réponse (extraits) : Peut-on concilier l’anarchisme et le marxisme ?

Dans le n°300 de Révolution internationale, nous n’avons cité que les deux tendances les plus marquantes de l’anarchisme, celles des deux "pères fondateurs", Proudhon et Bakounine. Nous n’ignorons pas les autres tendances qui sont ensuite apparues à partir de cette double matrice, mais nous pensons que le développement des courants anarchistes les plus significatifs doit être replacé dans son contexte historique, ce qui sera traité dans d’autres articles.

Dans cet article, nous critiquons l’anarchisme parce qu’il part de "principes abstraits éternels". Vous répondez : "Marx nous semble aujourd’hui un libertaire, un moraliste de la liberté. On ne peut séparer sa méthode d’une éthique, d’une morale de la liberté. Il critique le capitalisme qui nie les personnalités, la liberté individuelle. Un "marxiste" se doit de défendre la liberté et de respecter la liberté d’autrui. " Il n’y a pas de communiste véritable qui ne soit porté par l’idéal de la liberté, par la volonté de débarrasser la société de toutes les formes d’oppression, de tout le poids de la corruption et de l’inhumanité produits par des rapports sociaux fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Marx et Engels ont clairement explicité ce point de vue, eux qui ont dénoncé 1’aliénation humaine et 1’ampleur qu’elle atteint dans le capitalisme, eux qui ont défini le communisme comme le règne de la liberté, comme une association de producteurs libres et égaux où "le libre développement de chacun est la condition du libre développement pour tous." ([21])(..)

Cependant, d’après le marxisme, la révolution se fera non pas au nom de la liberté individuelle, mais comme l’émancipation d’une classe. Comment résoudre cette contradiction ? Le premier élément de cette résolution, c’est que l’individu n’est pas conçu ici comme une entité abstraite qui n’ aurait aucun moyen de dépasser les oppositions d’intérêts individuels, mais comme la manifestation concrète de l’homme en tant qu’être social. Comme le développe Marx dans les Manuscrits de 1844, chaque individu voit dans l’autre un reflet de lui-même, au sens où 1’autre représente la condition de sa propre affirmation, de la réalisation de ses besoins, de ses désirs, de sa nature humaine. Contrairement au communisme primitif, 1’individu n’est plus soumis à la communauté, ni à la majorité comme dans la démocratie bourgeoise idéale. Marx introduit une rupture avec les conceptions de Rousseau et avec l’égalitarisme grossier de Weitling. On voit également que le communisme n’a strictement rien à voir avec les prétendus avantages du "socialisme réel" dont les staliniens ont fait pendant des années la publicité. Nous sommes d’accord avec vous pour dire que l’inégalité naturelle se réalise à travers une profonde égalité sociale. En abolissant le travail salarié et l’échange sous toutes ses formes, le communisme s’affirme comme la résolution du conflit entre intérêt particulier et intérêt général.

Vous savez combien Marx et Engels étaient hostiles à ces phrases creuses maniant allègrement les notions de "devoir, droit, vérité, morale justice, etc." Et pourquoi donc ? Parce que ces notions ne sont en aucune façon à l’origine de l’action des hommes. Si leur volonté et leur conscience jouent effectivement un grand rôle, c’est avant tout sous l’impulsion d’une nécessité matérielle. Les sentiments de justice et d’égalité ont animé les hommes de la révolution française, mais c’était une forme de conscience profondément mystifiée, eux qui étaient en train de consolider une nouvelle société d’exploitation. Et plus les phrases étaient enflammées, plus la réalité se révélait tout à fait sordide. Aussi, les notions de liberté et d’égalité n’ont-elles plus le même contenu ni n’occupent la même place pour les communistes. Les luttes et les révolutions prolétariennes nous montrent concrètement comment les valeurs morales ont été profondément modifiées ; ce sont la solidarité, le goût pour le combat, la conscience qui caractérisent les ouvriers lorsqu’ils s’affirment comme classe. Nous ne pouvons donc pas vous suivre dans votre lecture de Marx.

L’anarchisme a emprunté de nombreux éléments aux autres écoles socialistes et en particulier au marxisme. Mais ce qui le caractérise, ce qui en forme la base, c’est la méthode spéculative qu’il a reprise des matérialistes français du 18e siècle et de l’école idéaliste allemande ensuite. Selon cette conception, si la société est injuste c’est qu’elle n’est pas conforme à la nature humaine. On voit à quels problèmes insolubles cette position peut nous mener. Car, précisément, rien n’est plus variable que cette nature humaine. L’homme agit sur la nature extérieure, et par là il transforme sa propre nature. L’homme est un être sensible et raisonnable, disaient les matérialistes français. Mais rien n’y fait, l’homme ressent et raisonne de façon différente selon les époques historiques et la classe sociale à laquelle il appartient. Toutes les écoles de pensée jusqu’à Feuerbach, des plus modérées jusqu’aux plus radicales, vont partir de cette notion de nature humaine ou d’une notion dérivée comme l’éducation, les droits de l’homme, l’idée absolue, les passions humaines, l’essence humaine. Même ceux qui considèrent l’histoire comme un processus soumis à des lois, comme Saint-Simon et Hegel, finissent toujours par recourir à un principe abstrait éternel.

Avec Marx et l’émergence du prolétariat moderne on assiste à un complet renversement : ce n’est pas la nature humaine qui explique le mouvement historique, c’est le mouvement historique qui façonne diversement la nature humaine. Et cette conception matérialiste est la seule qui se place fermement sur le terrain de la lutte de classe. L’anarchisme, quant à lui, n’est pas parvenu à rompre avec la méthode spéculative et ce qu’il va puiser dans les philosophies passées, c’est à chaque fois le côté le plus idéaliste. Quelle plus belle abstraction que le "Moi égoïste" à laquelle aboutit Stirner à partir de sa critique de Feuerbach ! C’est en imitant Kant que Proudhon parvient à la notion de "liberté absolue" pour ensuite forger de très belles abstractions lui aussi, sur le plan économique la "valeur constituée", sur le plan politique le "libre contrat". Au principe abstrait de "la liberté", Bakounine, à partir de ce qu’il a pu comprendre de Hegel, ajoute celui de "l’égalité". Que peut-il y avoir là de commun avec le matérialisme historique dont vous vous revendiquez ?

A travers des oppositions abstraites comme liberté/autorité, fédéralisme/centralisme, non seulement on perd de vue le mouvement historique et les besoins matériels qui en forment la base, mais on transforme l’opposition bien réelle et concrète, celle des classes elle-même, en une abstraction qui peut être corrigée, limitée, remplacée par d’autres abstractions, comme "l’Humanité", par exemple. Telle était également la méthode du "socialisme vrai" en Allemagne : "La littérature socialiste et communiste française (...) cessa entre les mains des Allemands d’être l’expression de la lutte d’une classe contre une autre, ceux-ci se félicitèrent de s’être élevés au-dessus de l’étroitesse française et d’avoir défendu non pas de vrais besoins mais le "besoin du vrai" ; d’avoir défendu non pas les intérêts du prolétaire, mais les intérêts de l’être humain, de l’homme en général, de l’homme qui n ’appartient à aucune classe ni à aucune réalité et qui n ’existe que dans le ciel embrumé de la fantaisie philosophique (Ibid.). " C’est à notre avis dans ce type de piège que vous tombez en parlant "d’une position de principe qui va au-delà de la lutte du prolétariat ", des tribus primitives, des mères au foyer et des prostituées.

Beaucoup d’anarchistes furent d’authentiques militants ouvriers, mais du fait de leur doctrine ils furent sans cesse tentés de quitter le terrain de classe dès que le prolétariat était battu ou disparaissait momentanément de la scène sociale. En effet, pour l’anarchisme, ce n’est pas le prolétariat le sujet révolutionnaire finalement, c’est le peuple en général, encore une notion abstraite et irréelle. Mais qu’y a-t-il derrière le mot "peuple" qui a perdu tout son sens dans la société bourgeoise où les classes ont une physionomie beaucoup plus nette ? Rien d’autre que l’individu petit bourgeois idéalisé, un individu qui hésite entre les deux classes historiques, qui oscille tantôt du côté de la bourgeoisie, tantôt du côté du prolétariat, qui voudrait bien finalement réconcilier les classes, trouver un terrain d’entente, un mot d’ordre pour la lutte commune. Marx lui-même ne disait-il pas que tous les individus de la société subissent l’aliénation ? Vous connaissez sans doute la conclusion qu’il tirait de cette évidence ([22]). Telle est l’origine de la revendication de "l’égalisation économique et sociale des classes" d’un Bakounine, et c’est aussi pourquoi Proudhon et Stirner concluent leurs thèses sur une défense de la petite propriété. Dans la genèse de l’anarchisme, c’est le point de vue de l’ouvrier fraîchement prolétarisé et qui refuse de toutes ses fibres cette prolétarisation qui s’exprime. Issus récemment de la paysannerie ou de l’artisanat, souvent mi-ouvrier et mi-artisan (comme les horlogers du Jura suisse, par exemple) ([23]), ces ouvriers exprimaient le regret du passé face au drame que constituait pour eux la chute dans la condition ouvrière. Leurs aspirations sociales consistaient à vouloir faire tourner la roue de l’histoire en arrière. Au centre de cette conception il y a la nostalgie de la petite propriété. C’est pourquoi, à la suite de Marx, nous analysons l’anarchisme comme l’expression de la pénétration de l’idéologie petite-bourgeoise au sein du prolétariat. Le refus de la prolétarisation reste encore aujourd’hui le terreau du mouvement anarchiste qui reflète, plus globalement, l’énorme pression qu’exercent sur le prolétariat les couches et classes intermédiaires qui l’entourent et dont il provient lui-même pour une part. Dans ces classes petites-bourgeoises hétérogènes et sans perspective historique, ce qui domine, à côté du désespoir et des lamentations plaintives, c’est le chacun pour soi, la haute opinion de soi-même, l’impatience et l’immédiatisme, la révolte radicale mais sans lendemain. Ces comportements et cette idéologie ne sont pas sans influencer le prolétariat, affaiblissant son sens de la solidarité et de l’intérêt collectif. (...)

Les composantes les plus saines de l’anarchisme, celles qui furent le plus impliquées dans le mouvement ouvrier, ont été obligées de se démarquer sans cesse de ceux qui poussaient jusqu’au bout cette logique individualiste. Mais sans pouvoir aller à la racine du problème : "Il importe toutefois de se démarquer résolument des anarchistes purement individualistes qui voient dans le renforcement et le triomphe égoïstes de la personnalité le seul moyen de nier l’Etat et l’autorité et rejettent le socialisme lui-même, ainsi que toute organisation générale de la société comme forme d’oppression d’un moi n ’ayant d’autre fondement que lui-même. "([24])

Il en est de la dictature et de la démocratie comme de la vérité et de la liberté, pris comme principes abstraits ils perdent tout leur sens. Ces notions ont elles aussi un contenu de classe : il y a la dictature bourgeoise ou la dictature du prolétariat, il y a la démocratie bourgeoise ou la démocratie ouvrière. Nous ne sommes pas d’accord avec vous lorsque vous écrivez : "La formule dictature du prolétariat ne veut plus rien dire aujourd’hui : les mots ont recouvert des faits. Les faits ont changé le sens des mots. " Le mot "communisme" a été galvaudé, traîné dans la boue lui aussi. Faut-il pour autant l’abandonner ? Toute la question consiste à définir ce qu’on entend par dictature du prolétariat. Comme vous le verrez en lisant notre presse, nous reprenons pour une large part les critiques que portait Rosa Luxemburg aux bolcheviks et nous défendons la démocratie ouvrière aux sein de la lutte de classe et de la révolution ([25]). Avant de discuter toutes les questions posées par l’expérience russe, il faut partir de la définition que donne Marx de la dictature du prolétariat. Celle-ci désigne le régime politique instauré par la classe ouvrière au lendemain de l’insurrection et signifie que le prolétariat est la seule classe qui puisse mener à bien et jusqu’au bout la transformation de la société dans le sens du communisme. Il doit donc jalousement conserver son autonomie vis-à-vis de toutes les autres classes, son pouvoir et ses armes. Elle signifie également que le prolétariat doit réprimer fermement toutes les tentatives de restauration de l’ordre ancien. Pour nous la dictature du prolétariat est la démocratie plus complète pour le prolétariat et toutes les classes non-exploiteuses. Les leçons de la Commune ont été confirmées et approfondies par le surgissement des conseils ouvriers et l’insurrection de 1917. La révolution prolétarienne est bien "une série de phases s’engendrant les unes les autres ", comme vous dites en citant Pannekoek. La première phase est celle de la grève de masse qui pose le problème de l’internationalisation des luttes et qui atteint son sommet dans le surgissement des conseils. La seconde phase se caractérise par une situation de double pouvoir qui se dénoue par 1’insurrection, la destruction de 1’Etat bourgeois et l’unification du pouvoir des conseils ouvriers à l’échelle internationale. La troisième phase est celle de la transition vers le communisme, l’abolition des classes et le dépérissement du semi-Etat qui surgit inévitablement tant que les classes existent encore. En quoi cette série peut-elle relever d’une révolution bourgeoise ? Parce que, selon Marx et les marxistes, le facteur politique domine encore largement ? Le slogan "Tout le pouvoir aux conseils" lancé par la classe ouvrière (et surtout par Lénine) en 1917 fournit la démonstration la plus concrète de la primauté du politique dans la révolution prolétarienne. A contrario, les occupations d’usines en Italie en 1920, les expériences désastreuses en Espagne en 1936, montrent bien toute l’impuissance du prolétariat tant qu’il ne possède pas le pouvoir politique. C’est à notre avis l’autogestion qui a prouvé sa faillite, pas la dictature du prolétariat.

Une première différence avec la révolution bourgeoise saute au yeux. La transition vers le capitalisme s’est effectuée au sein de la société féodale, la prise du pouvoir de la bourgeoisie n’intervient qu’ensuite. C’est tout le contraire pour la révolution prolétarienne. Les conseillistes commettent ici une erreur téléologique des plus classiques. La fin des années 20 voit le triomphe du capitalisme d’Etat en Russie, donc la révolution russe ne pouvait être que bourgeoise ([26]).

La méthode idéaliste de l’anarchisme l’enferme tellement dans des contradictions inextricables, que nombreux sont ceux qui durent rompre avec elle aux moments où le prolétariat s’est affirmé comme une force avec laquelle il fallait compter, ou en tout cas ont dû faire de profondes entorses à la sacro-sainte doctrine. Ainsi, Erich Mûhsam ([27]) pouvait-il écrire en septembre 1919, en pleine vague révolutionnaire : "Les thèses théoriques et pratiques de Lénine sur l’accomplissement de la révolution et des tâches communistes du prolétariat ont donné à notre action une nouvelle base... Plus d’obstacles insurmontables à une unification du prolétariat révolutionnaire tout entier. Les anarchistes communistes ont dû, il est vrai, céder sur le point le plus important de désaccord entre les deux grandes tendances du socialisme ; ils ont dû renoncera l’attitude négative de Bakounine devant la dictature du prolétariat et se rendre sur ce point à l’opinion de Marx ([28]). " Ainsi beaucoup d’anarchistes rejoignirent le camp du communisme. Mais la contre-révolution est une épreuve terrible qui voit le nombre de militants fondre comme neige au soleil, qui voit une altération progressive des principes communistes. Alors nombreux furent ceux qui retournèrent à leurs vieilles amours, les anarchistes mais aussi beaucoup de communistes qui rentrèrent au bercail social-démocrate. Seule la Gauche communiste pouvait tirer les leçons de la défaite, en restant fidèle à l’Octobre rouge, en étant capable de distinguer ce qui dans 1’expérience révolutionnaire relève d’un passé révolu et ce qui reste vivant, pour aujourd’hui et pour demain. C’est là que le combat de Gorter et de Miasnikov ([29]) fut exemplaire.

Vous reprenez les thèses du Communisme de conseils et de son principal animateur Pannekoek. Dans La Gauche hollandaise et dans notre dernière Revue internationale (n° 101, Les communistes de conseils face à la guerre d’Espagne) vous pourrez prendre connaissance des critiques que nous portons à ce courant. Mais il est clair qu’il s’agit d’une composante authentique du courant de la Gauche communiste. Il est resté fidèle à l’internationalisme prolétarien pendant la seconde guerre mondiale tandis que beaucoup d’anarchistes et tout le courant trotskiste prenaient position pour le camp impérialiste des alliés, voire s’engageaient dans la résistance pour certains. Pannekoek est resté un marxiste véritable lorsque, dans Lénine philosophe, il critique la vision mécaniste qui apparaît dans Matérialisme et empiriocriticisme avec la théorie du reflet et vous avez raison d’affirmer que Lénine "oublie le matérialisme historique tel que Marx l’a exposé dans les Thèses sur Feuerbach ". Mais Pannekoek quitte lui-même le terrain du matérialisme historique lorsqu’à partir d’une erreur théorique qu’il détecte à juste titre chez Lénine, il en déduit la nature bourgeoise de la révolution russe. Nous avons republié dans notre Revue internationale un texte de la Gauche communiste de France qui répond dans le détail à ce texte de Pannekoek paru tardivement en 1938 ([30]). C’est pour nous une erreur grossière de confondre une révolution prolétarienne qui dégénère et une révolution bourgeoise. Telle n’a jamais été la position de Gorter et de Miasnikov, ce ne fut pas celle de Pannekoek au début. Pour tous les militants, l’écrasante réalité des faits révélait sans aucun doute possible la nature prolétarienne de la vague révolutionnaire qui fit surgir des conseils ouvriers dans toute l’Europe centrale et orientale. (...)

Gorter et Miasnikov ([31]), Pannekoek dans un premier temps, ont la même attitude face à la dégénérescence, ils combattent jusqu’au bout en vrais militants communistes, sans répudier la révolution prolétarienne ni conclure hâtivement au passage du parti bolchevik dans le camp de la bourgeoisie. Combattre le cours opportuniste en tant que Fraction du parti, poursuivre ce combat même après l’exclusion et jusqu’à ce que les faits démontrent avec certitude que le parti a fait siens les intérêts du capital national, telle est la seule attitude responsable pour sauver le programme révolutionnaire originel et l’enrichir, pour gagner à sa cause une partie des militants, pour tirer les leçons de la défaite. Pannekoek va rompre avec cette attitude qui pourtant avait été la sienne, comme elle avait été celle de Lénine et de Rosa Luxemburg lorsqu’ ils furent confrontés à la trahison de la social-démocratie en 1914.

Nous ne sommes pas léninistes ([32]), mais nous nous réclamons de Lénine, en particulier de son internationalisme intransigeant au moment de la première guerre mondiale. Les bolcheviks et le courant de Rosa Luxemburg, auquel appartint Pannekoek, qui combattirent le centrisme et l’opportunisme au sein de la social-démocratie d’avant guerre, ont représenté un phénomène historique et international de la plus haute importance. C’est la même tradition qu’on retrouve au sein de la Gauche de l’Internationale communiste et qui, dans des conditions beaucoup plus dramatiques, va se transmettre de génération en génération jusqu’à aujourd’hui. Les courants les plus créatifs, ceux qui nous ont transmis les leçons les plus riches, sont ceux qui sont restés fermes sur la nature prolétarienne de la révolution russe et qui ont su rompre avec l’opposition de gauche de Trotsky qui a sombré très vite dans l’opportunisme ([33]). Vous avez raison de rappeler l’existence d’un courant centriste au sein de la social-démocratie d’avant-guerre représenté par Kautsky. Mais pour nous le centrisme n’est qu’une variante de l’opportunisme. D’autre part, le fait que Lénine n’ait pas identifié le centrisme de Kautsky aussi vite que Rosa Luxemburg ne contredit pas l’appartenance des bolcheviks au courant marxiste de la seconde Internationale.

Nous voyons deux contrevérités dans ce passage de votre lettre : "A la conception de Lénine d’une minorité agissante de révolutionnaires professionnels s’oppose celle d’Otto Ruhle, marxiste antiautoritaire exclu du KAPD sur ordre de Moscou... " L’Internationale communiste intervient sur deux problèmes, celui posé par Ruhle et les éléments plus proches du syndicalisme révolutionnaire que du marxisme, celui posé par le courant "national-bolchevik" de Laufenberg et Wolffheim. Mais sur ces deux questions, le KAPD est en plein accord avec l’IC. Pannekoek est le premier à pousser à l’exclusion des Hambourgeois dont les relents antisémites étaient inacceptables. Son attitude se distingue radicalement de Ruhle, il adopte clairement une position de parti lorsque, avec le KAPD, il se considère comme membre à part entière de l’IC, symbole de l’internationalisme et de la révolution mondiale. Et c’est conformément à cet esprit de parti que le KAPD va lutter au sein de PIC contre la montée de 1’opportunisme, pour faire triompher ses positions et non pas déserter le combat.

Les "ordres de Moscou" relèvent ici de la légende, tout comme la description du parti bolchevik faite par Rùhle et que vous reprenez. Ce parti a été traversé par de nombreuses discussions et beaucoup de crises qui montrent la richesse de sa vie politique interne. La conception élitiste est complètement étrangère à Lénine et vous faites un contresens sur les termes de "révolutionnaire professionnel". Pour la Fraction bolchevique, il s’agissait tout simplement ici de combattre le dilettantisme et les conceptions affinitaires des mencheviks. C’était revendiquer un minimum de cohérence et de sérieux dans les affaires du parti. Le substitutionnisme est un autre problème et effectivement il prend parfois l’aspect de travers jacobins chez Lénine. Nous avons longuement critiqué cette conception dans notre presse. Signalons simplement que c’était une conception partagée par tous les marxistes de la seconde Internationale, y compris Rosa Luxemburg ([34]).

Cela nous amène à la seconde contrevérité. Vous dites que Lénine partage la conception d’une "minorité agissante". On accable Lénine de tous les péchés de la terre, mais là il n’y est pour rien car cette position appartient à l’anarchisme. Celui-ci ne reposant pas sur le matérialisme historique qui reconnaît au prolétariat une mission historique mais sur la révolte des masses opprimées contre l’autorité, il est nécessaire qu’une minorité éclairée puisse orienter cette masse hétérogène vers le royaume de la liberté absolue. Alors que le mouvement ouvrier était en train de rompre avec la période des sociétés secrètes, l’Alliance internationale de la démocratie socialiste de Bakounine maintient la conception d’une élite éclairée et conspiratrice. Alors que pour le marxisme, en s’émancipant le prolétariat émancipe du même coup l’humanité tout entière, pour l’anarchisme c’est l’humanité qui utilise la lutte du prolétariat comme un moyen pour s’émanciper. Alors que l’avant-garde révolutionnaire est pour le marxisme une partie d’un tout, la fraction la plus consciente du prolétariat, pour l’anarchisme la minorité agissante transcende la classe, elle exprime des intérêts "supérieurs", ceux de l’humanité vue comme entité abstraite. Cette conception est explicite chez Malatesta et Kropotkine et Max Nettlau la résume très bien : "Connaissant les habitudes autoritaires des masses [Kropotkine] pensait que celles-ci nécessitaient une infiltration et une impulsion de la part de militants libertaires, telle que celle de l’Alliance dans l’Internationale ([35]). " Vous qui relevez les défaillances jacobines de Bakounine, vous savez combien l’Alliance était organisée de façon hiérarchique. Même si elle a pris des formes différentes, la théorie de la "minorité agissante" est restée une caractéristique constante dans l’histoire de l’anarchie. Encore une fois, ici la révolution n’est pas l’œuvre d’une classe consciente mais celle de forces élémentaires, celle des couches les plus déshéritées de la société, paysans pauvres, sans-travail, lumpenprolétariat, etc., et cette élite éclairée, qui va s’infiltrer dans les organes de la révolution pour donner l’impulsion dans la bonne direction, est totalement extérieure, elle ne repose sur rien d’autre que les "principes éternels". Ainsi disparaissent les mille liens qui unissent la classe ouvrière et les communistes, qui font de ceux-ci une sécrétion collective de celle-là et qu’on a vu s’exprimer dans les luttes politiques franches et ouvertes au sein des conseils ouvriers et des organisations communistes lors de la vague révolutionnaire. Dans la vision anarchiste deux types d’organisation se combinent : une minorité éclairée qui dissimule ses positions et ses objectifs, ici on tombe dans le monolithisme et on se prive du contrôle et de l’élaboration collective par l’assemblée générale des militants ; une organisation large et ouverte où chaque individu, chaque groupe est "libre et autonome" et n’a pas à assumer la responsabilité de ses actes et de ses positions. C’est cette conception qui explique pourquoi Mùhsam et Landauer ont accepté de cohabiter avec les pires opportunistes dans la première République des Conseils de Bavière. La confrontation politique, la responsabilité militante collective, qui permettent de corriger les erreurs commises par l’organisation, de faire triompher une position minoritaire si elle s’avère juste, de rassembler sur des bases claires les forces qui pourront résister à la dégénérescence de l’organisation, toutes ces bases organisationnelles saines sont rejetées par l’anarchisme. Cette conception organisationnelle de la "minorité agissante" est à l’opposé des conceptions antihiérarchiques, de la centralisation "organique", de la vie politique intense, qui caractérisent les organisations marxistes. (...)

CCI.

[1] Comme par exemple la brochure de Balius Vers une nouvelle révolution.

[2] Sur ce point central notre position n’est pas la même que celle d’Agustin Guillamon qui a publié une brochure sur ce groupe Le groupe des Amis de Durruti, 1937-39 ; ce travail est un effort important et sérieux de documentation sur l’expérience et les publications de ce groupe qui n’avait jamais été fait à notre connaissance. C’est pourquoi dans cet article nous faisons plusieurs fois référence à cette source. Mais si l’auteur met en avant que les événements d’Espagne 1936 ont signé la mort de l’anarchisme, il défend en même temps l’idée qu’une option révolutionnaire peut quand même en sortir.

[3] Pour une analyse plus détaillée de juillet 1936 et de mai 1937, voir la brochure Espagne 1936 publiée par la section du CCI en Espagne.

[4] Groupe des communistes internationalistes, principalement situé en Hollande, représentants du communisme de conseils. Un travail de ce groupe Révolution et contre-révolution en Espagne est publié dans notre brochure Espagne 1936 en espagnol.

[5] Sur la position de ces courants, voir notre brochure Espagne 1936 en espagnol.

[6] Et contrairement à ce que fera après le trotskisme, en s’engageant dans la défense de l’URSS dans la 2e guerre mondiale.

[7] On peut voir la variante cinématographique de cette thèse dans des films, par exemple « Terre et liberté » du réalisateur anglais Ken Loach, qui ont eu droit à une forte promotion commerciale.

[8] Courant au sein de la CNT, dirigé par Angel Pestana, qui voulait créer un « parti syndicaliste ».

[9] Fragment de réponse de Garcia Oliver, dirigeant célèbre de la CNT en 1936, fournie à l’enquêteur américain Bolloten en 1950, cité dans le livre de Guillamon.

[10] Au comble du cynisme, une des dirigeantes de la CNT d’alors, Federica Montseny, a appelé les ouvriers à envoyer « des baisers pour les gendarmes » qui étaient en train de les massacrer.

[11] Bilan n° 36, « La leçon des événements d’Espagne", octobre-novembre 1936.

[12] « Le mouvement actuel », dans l’Ami du peuple n° 5, p. 3, tiré du livre de F. Mintzet M. Pecina .Les Amis de Durruti, les trotskistes et les événements de mai.

[13] Guillamon explique dans son livre le rapprochement du groupe avec les idées exprimées par Buenaventura Durruti, particulièrement dans un de ses derniers discours du 5 novembre 1936.

[14] Jaime Balius dans La Noche, « Attention travailleurs ! Pas un pas en arrière ! » 2 mars 1937, cité par F. Mintzet M. Pecina : Les Amis..., op. cité, p. 14-15.

[15] L’Ami du peuple n° 1, cité par F. Mintz, op. cité p. 68-69.

[16] Voilà pourquoi Guillamon est obligé de mettre de côté ces considérations (ainsi que l’ensemble de la question de la guerre et de la révolution) quand il prétend démontrer que les Amis de Durruti ont exprimé une alternative révolutionnaire de l’anarchisme.

[17] Jaime Balius, Vers une nouvelle révolution, 1997, Centre de documentation historico-sociale, Etcétera,p. 32-33.

[18] L’Ami du peuple n° 1, cité par F. Mintz, op. cité p. 63..

[19] Agustin Guillamon, Le groupe des Amis de Durruti 1937-1939, Op. cité, p. 70.

[20] Lettre de Balius à Bolloten, 1946, citée par Guillamon, op. cité p. 89, souligné dans l’original.

[21] Manifeste du Parti communiste Champ Libre, Paris 1983, p. 55, puis p. 61.

[22] "La classe possédante et la classe du prolétariat représentent la même aliénation humaine. Mais la première se complaît et se sent confirmée dans cette aliénation de soi, elle éprouve l’aliénation comme sa propre puissance et possède en elle l’apparence d’une existence humaine ; la seconde se sent anéantie dans l’aliénation, elle voit en elle sa propre impuissance et la réalité d’une existence inhumaine. "La sainte famille, La Pléiade, Œuvres III, p. 459.

[23] Au sein de l’AIT, la Fédération jurassienne, composée principalement d’horlogers a constitué un des soutiens les plus importants de "l’Alliance de la Démocratie socialiste" de Bakounine.

[24] Vers une société libérée de l’Etat, La digitale/ Spartacus, Quimperlé-Paris, 1999, p. 94 puis p. 134.

[25] Revue internationale n°99, 100 et 101, octobre 1999-avril 2000, "Comprendre la défaite de la révolution russe. " Révolution internationale n° 57, janvier 1979, "La démocratie ouvrière : pratique du prolétariat ".

[26] Au sein des Gauches communistes, Gorter et Miasnikov furent parmi les premiers à s’élever et à lutter au sein de l’Internationale communiste et des partis communistes contre la dégénérescence de la révolution russe.

[27] Anarchiste allemand ayant participé à la République des conseils ouvriers de Bavière en 1919

[28] Cité par Rosmer dans Moscou sous Lénine, Petite Collection Maspero, Paris, 1970, tome I, p. 76.

[29] Au sein des Gauches communistes, Gorter et Miasnikov furent parmi les premiers à s’élever et à lutter au sein de l’Internationale communiste et des partis communistes contre la dégénérescence de la révolution russe.

[30] "Politique et philosophie de Lénine à Harper ", Revue internationale n° 25,27, 28, 30, 1981-1982.

[31] Nous retraçons le combat de Miasnikov et de son Groupe ouvrier du Parti communiste-bolchevik dans la Revue internationale n° 101 : "1922-1923 : les fractions communistes contre la montée de la contre-révolution ".

[32] " Sommes-nous devenus léninistes ?" Revue internationale n° 96 et 97, 1999.

[33] Cf. notre livre : La Gauche communiste d’Italie.

[34] Cf. notre brochure : Organisations communistes et conscience de classe.

[35] Histoire de l’anarchie, Éditions du Cercle, Éditions de la Tête de Feuilles, Paris, 1971, p. 254.

P.-S.

Site du Courant Communiste International : internationalism.org

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