Une tribune pour les luttes

Tract du CCI

Unifions nos luttes contre les attaques de nos exploiteurs !

Article mis en ligne le vendredi 6 décembre 2019

Selon Emmanuel Macron et ses ministres, la grève du 5 décembre est « une mobilisation contre la fin des régimes spéciaux », contre « l’équité et la justice sociale ». En clair, les cheminots et autres travailleurs disposant d’un « régime spécial » seraient des égoïstes irresponsables luttant pour maintenir leurs prétendus “privilèges”. Mensonges ! Le gouvernement tente de nous opposer les uns aux autres, pour nous diviser et nous rendre impuissants.

Toute la classe ouvrière est attaquée !

Partout, dans les usines comme dans les administrations, dans toutes les corporations, dans tous les secteurs, dans le privé comme dans le public, la bourgeoisie impose les mêmes conditions de travail insoutenables. Partout, les travailleurs sont de moins en moins nombreux pour une charge de travail qui augmente. Partout, l’appauvrissement menace les salariés, les chômeurs, les retraités et les jeunes. Partout, les nouvelles “réformes” annoncent un avenir plus dur encore. Les coups portés par le gouvernement de Macron sont extrêmement violents. Son objectif est de rendre l’économie française la plus compétitive possible sur l’arène internationale, alors qu’avec l’aggravation de la crise économique mondiale, la concurrence entre les nations est de plus en plus acharnée. Pour augmenter la productivité, la bourgeoisie française, son Président, son gouvernement et son patronat, sont en train d’accélérer les cadences de travail et de diminuer les effectifs, d’accroître la flexibilité, de démanteler la Fonction publique, de réduire les allocations des chômeurs et des retraités, de baisser drastiquement les budgets de l’enseignement et des aides sociales (réforme des lycées, suppression des APL…). Ils tapent et tapent encore, au nom de la rentabilité « nécessaire », de la compétitivité « obligatoire », de l’équilibre budgétaire « incontournable » alors qu’augmentent de façon indécente les revenus des capitalistes.

Toute la classe ouvrière doit lutter !

Pas un jour ne passe sans que des travailleurs à bout se mettent en grève. Ces dernières semaines, les cheminots, les agents hospitaliers et les étudiants précaires ont redressé la tête. Mais ils ne sont pas seuls. Depuis des mois ont lieu d’innombrables débrayages. En septembre, ont fait grève (dans l’ordre chronologique) : les urgentistes, les pompiers, les livreurs de Deliveroo, les pilotes de Transavia, les chauffeurs de bus de Metz et de Caen, les facteurs des Alpes Maritimes et des Pyrénées Orientales, les agents de la RATP, ceux des Finances publiques, les infirmières libérales, les navigants, l’ensemble des fonctionnaires, les facteurs de Saint-Quentin, les employés d’EDF, les chauffeurs de bus d’Orléans, de nouveau les fonctionnaires, les chauffeurs de bus de Lorient, les laborantins, de nouveau les fonctionnaires, les chauffeurs de Nancy, etc., etc. Certains de ces mouvements durent depuis le printemps ! Le phénomène s’est accru en octobre et novembre, touchant, par exemple, la grande distribution. Oui, les grèves sont nombreuses. Oui, la grogne sociale est grande. Oui, la coupe est pleine ! Mais toutes ces luttes restent isolées les unes des autres, cloisonnées, séparées par des revendications particulières et corporatistes. Or, face à la bourgeoisie, organisée derrière son État et son gouvernement, la division est mortelle. Pour résister, pour construire un rapport de force face aux mêmes attaques qui touchent l’ensemble des secteurs, les travailleurs doivent lutter ensemble, unis et solidaires.

Pendant que le gouvernement cogne, les syndicats nous divisent !

La journée du 5 décembre est-elle enfin le début de cette unité ? Telle est la promesse des syndicats : une grève générale, intersectorielle, nationale et illimitée.

Tout au long du mois de septembre, les syndicats ont éparpillé le mouvement de contestation sociale en de multiples journées d’action corporatistes (RATP, Finances publiques, Éducation nationale, Ministère de la Justice, EDF, pompiers). Début octobre, ils ont finalement promis une grande journée de mobilisation unissant tous les salariés pour… le mois de décembre. Et qu’ont-ils fait depuis deux mois ? Nous diviser, comme ils le font toujours ! Ils ont maintenu les salariés déjà en lutte dans leur isolement, chacun en grève dans sa boite, avec son mot d’ordre spécifique alors que nous subissons tous les mêmes attaques, la même dégradation de nos conditions de vie et de travail.

La caricature de ce travail de sape est l’appel des collectifs Inter-urgence et Inter-hôpitaux (entièrement pilotés pas les centrales syndicales) à ne pas se joindre à la grève du 5 décembre, au nom de la « spécificité » des revendications hospitalières, remplacée par une journée d’action le 30 novembre. Même stratégie d’isolement pour l’intersyndicale des Internes qui lance une grève illimitée à partir du… 10 décembre ! Pourtant, lors de l’assemblée générale des travailleurs des hôpitaux qui s’est tenue le 14 novembre à Paris, après une journée d’action de tout le secteur, regroupant 10 000 manifestants, un âpre combat a eu lieu entre les participants à l’AG et les syndicats sur cette question de l’unité. Nombre d’agents hospitaliers ont mis en avant la nécessité de mener une seule et même lutte, par-delà les secteurs, alors que les syndicats ont défendu que « nous sommes un collectif censé parler de l’hôpital », défendant bec et ongle « une date spécifique hôpital ». On a pu entendre sur France Info des infirmières sortir de cette AG en disant : « On n’a pas pu terminer parce qu’on est divisés. Les syndicats ont complètement noyauté cette réunion », ou encore : « Il y a trop de discorde. Le 5 décembre ça va être une grève générale et on est concernés. Outre nos problèmes à l’hôpital, il y a aussi nos retraites et nous serons de futurs retraités. Je ne vois pas le problème d’aller manifester le 5 ». Mais les syndicats en ont décidé autrement. Le secteur hospitalier, en grève depuis neuf mois, secoué par une immense colère face à des conditions de travail de plus en plus insupportables, est appelé par les syndicats à poursuivre seul, isolé et impuissant, son mouvement. Et il en est de même pour les cheminots.

Les syndicats se gonflent aujourd’hui de radicalité en brandissant la menace de la grève reconductible, mais ce sont chaque fois ces grèves corporatistes, isolées les unes des autres et condamnées à l’impuissance qu’ils reconduisent jusqu’à l’épuisement des secteurs les plus combatifs. Tel est le sort qu’ils aimeraient réserver notamment aux agents les plus déterminés de la SNCF après le 5 décembre et des hôpitaux après le 10 : qu’ils finissent par lutter seuls durant les fêtes de fin d’année. D’ailleurs, il ne faut pas être naïf : pourquoi les syndicats ont-ils reporté aux 5 et 10 décembre ces grandes mobilisations, peu de temps avant ces fêtes ? Il est clair qu’ils misent sur la « trêve des confiseurs » pour enterrer le mouvement au cas où il se poursuivrait après ces journées d’action.

« La convergence des luttes » des syndicats est une escroquerie.

Sous l’étendard du « Tous ensemble », les syndicats organisent en réalité une véritable dispersion. Lors de ces journées d’« unité syndicale », les travailleurs ne luttent pas ensemble, à aucun moment. Au mieux, ils se retrouvent les uns derrière les autres, à battre le pavé, saucissonnés par secteurs et corporations, séparés les uns des autres par les banderoles, les ballons et les sonos différentes selon que l’on est cheminot, enseignant, puéricultrice, secrétaire, agent des impôts, ouvrier de chez Renault, de chez Peugeot, de chez Conforama, étudiant, retraité, chômeur… Chacun sa case.

Notre unité est vitale, nous devons la forger et la défendre !
Les grèves spontanées des cheminots de la fin octobre montrent en partie la voie à suivre. À Châtillon, suite à l’annonce d’un plan de réorganisation du travail induisant, entre autres, la suppression de douze jours de congés, les agents du centre ont immédiatement arrêté le travail et déclaré la grève, sans attendre de consigne syndicale.

Le plan a été retiré 24 heures plus tard. Quelques jours plus tôt, le 16 octobre, suite à une collision avec un convoi exceptionnel en Champagne-Ardenne, mettant en évidence la dangerosité de n’avoir qu’un seul agent (le conducteur) dans un train, les cheminots de la ligne avaient, eux aussi, refusé spontanément de maintenir la circulation des trains dans ces conditions. La contestation s’est étendue rapidement, dès le lendemain, aux lignes de l’Île-de-France. Ce n’est pas un hasard si ce sont les cheminots qui indiquent les premiers comment les travailleurs peuvent prendre en main leur lutte. C’est la conséquence à la fois de l’expérience et de la combativité historiques de ce secteur de la classe ouvrière en France, mais aussi de la réflexion qui mûrit depuis un an en son sein après l’amère défaite du long mouvement mené en 2018 par… les syndicats. Avec leur fameuse « grève perlée », ils avaient enfermé les cheminots dans une lutte, isolés, jusqu’à l’épuisement de leurs forces.

Mais, aujourd’hui, ces cheminots grévistes n’ont pas su étendre le mouvement hors de leur entreprise, ils sont demeurés enfermés au sein de la SNCF. Il n’y a pas eu d’assemblée générale autonome décidant d’envoyer des délégations massives, voire toute l’assemblée, aux centres de travail les plus proches (un hôpital, une usine, une administration…) pour les entraîner dans la lutte, afin d’étendre géographiquement le mouvement. Il est vital de mettre en avant que les travailleurs ont tous les mêmes intérêts, qu’ils mènent la même lutte, que c’est unie et solidaire, au-delà des secteurs et des corporations, que la classe ouvrière est forte. Cette étape est difficile. Cette nécessaire unité dans la lutte implique de se reconnaître non plus comme cheminots, infirmiers, caissiers, enseignants ou informaticiens, mais comme travailleurs exploités.

Souvenons-nous : au printemps 2006, le gouvernement avait dû retirer son « Contrat Première Embauche » face au développement de la solidarité entre les générations ouvrières. Les étudiants précaires avaient organisé, dans les universités, des assemblées générales massives, ouvertes aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités, et avaient mis en avant un mot d’ordre unificateur : la lutte contre la précarisation et le chômage. Ces AG étaient le poumon du mouvement, là où les débats se menaient, là où les décisions se prenaient. Résultat : chaque week-end, les manifestations regroupaient de plus en plus de secteurs. Les travailleurs salariés et retraités s’étaient joints aux étudiants, sous le slogan « Jeunes lardons, vieux croûtons, tous la même salade ». La bourgeoisie française et le gouvernement, face à une extension et une tendance à l’unification du mouvement engagé par les étudiants précarisés, n’avait pas eu d’autre choix que de retirer son CPE. C’est pourquoi, aujourd’hui, Macron et ses ministres lancent un débat nauséabond sur la « clause du grand-père » (les nouvelles mesures ne frapperaient pas l’ensemble des salariés mais seulement les jeunes arrivant sur le marché du travail) : ce qu’ils veulent c’est enfoncer un coin entre les générations ouvrières.

En 1968, alors que la crise économique mondiale commençait à frapper à nouveau et, avec elle, le retour du chômage et l’appauvrissement des travailleurs, le prolétariat en France s’était uni dans la lutte. Suite aux immenses manifestations du 13 mai pour protester contre la répression policière subie par les étudiants, les débrayages et les assemblées générales s’étaient propagés comme une traînée de poudre dans les usines et tous les lieux de travail pour aboutir, avec ses 9 millions de grévistes, à la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier international. Très souvent, cette dynamique d’extension et d’unité s’était développée en dehors du giron des syndicats et de nombreux ouvriers avaient déchiré leur carte syndicale après les accords de Grenelle du 27 mai entre les syndicats et le patronat, accords qui avaient enterré le mouvement.

Aujourd’hui, les travailleurs salariés, les chômeurs, les retraités, les étudiants précaires manquent de confiance en eux, en leur force collective, pour oser prendre en main leur lutte. Mais il n’y a pas d’autre chemin. Toutes les “actions” proposées par les syndicats mènent à la division, à la défaite et à la démoralisation. Seul le rassemblement au sein d’assemblées générales ouvertes et massives, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement, peut constituer la base d’une lutte unie, portée par la solidarité entre tous les secteurs, toutes les générations. Des AG qui permettent aux infirmières, aux urgentistes, aux chômeurs, aux travailleurs de n’importe quel secteur, comme à tous ceux qui ne peuvent cesser le travail, de participer au mouvement. Des AG qui mettent en avant des revendications nous concernant tous : la lutte contre la précarité, contre la baisse des effectifs, contre la hausse des cadences, contre la paupérisation… Des AG dans lesquelles nous nous sentons unis et confiants en notre force collective.

Quelle perspective ?

Le capitalisme, en France comme partout dans le monde, va continuer de plonger l’humanité dans une misère de plus en plus effroyable. Seule la classe ouvrière représente une force sociale capable de freiner ces attaques. Les travailleurs les plus combatifs et déterminés doivent se regrouper, discuter, se réapproprier les leçons du passé, pour préparer la lutte autonome de toute la classe ouvrière. Seul le prolétariat pourra, à terme, ouvrir les portes de l’avenir pour les générations futures face à ce système capitaliste décadent qui porte en lui toujours plus de misère, d’exploitation et de barbarie, qui porte la guerre et les massacres comme la nuée porte l’orage. Un système qui est en train de détruire l’environnement dans lequel vit l’espèce humaine et qui menace la survie de celle-ci.

Seule la lutte massive et unie de tous les secteurs de la classe exploitée peut freiner et repousser les attaques présentes de la bourgeoisie.

Seul le développement de cette lutte pourra ouvrir le chemin au combat fondamental et historique de la classe ouvrière pour l’abolition de l’exploitation et du capitalisme.

Courant Communiste International
(1er décembre 2019)}

P.-S.

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