Une tribune pour les luttes

Situation des prisonniers politiques Mapuche au Chili

Mise à jour le 22 janvier 2006.

Article mis en ligne le mercredi 25 janvier 2006

On dénombre actuellement 14 Prisonniers Politiques Mapuche reclus dans les centres Pénitenciers de Concepción, Angol, Lebu et Traiguen condamnés ou risquant des peines allant de 5 à 10 ans de prison, ainsi qu’une trentaine de personnes qui se sont déclarées en fugue afin d’éviter les mêmes condamnations.

Le recours à la loi antiterroriste (Nº 18.314) instaurée en 1984 sous la dictature, et modifiée à deux reprises (1991 et 2002) durant la période encore inachevée de "retour à la démocratie", a constitué jusqu’à aujourd’hui l’un des mécanismes pour accuser et condamner les dirigeants, autorités traditionnelles, membres et sympathisants des communautés Mapuche en conflit. D’autre part, l’usage de la justice militaire pour juger de nombreux membres de communautés Mapuche s’opposant à l’intervention policière lors de récupération de terres ou de manifestations pacifiques a été un autre instrument important de répression envers les membres des communautés Mapuche. Enfin, le recours à la justice commune

Situation individuelle des prisonniers :

- Juana Calfunao Paillalef, arrêtée le 4 janvier 2006 et accusée de « désordre public » pour défendre sa communauté, elle s’est déclarée en grève de la faim le 10 janvier pour dénoncer sa situation et les mauvais traitements physiques, dont elle a été victime. Emprisonnée à Temuko, elle a déjà dû aller à l’hôpital à deux reprises, son état de santé est préoccupant d’autant plus que l’entrée de médecine traditionnelle lui a été refusée.

- Victor Ancalaf Llaupe (37 ans), dirigeant de la communauté Choiñlafkenche (Collipulli), condamné en 2004 à 5 années de prison pour l’incendie terroriste d’un camion de l’entreprise ENDESA en mars 2002 dans le contexte du conflit entre communautés Pehuenches et la construction d’un barrage hydro-électrique sur leur territoire traditionnel. Il purge sa peine depuis novembre 2002 à la prison El Manzano de Concepción, dans la section réservée aux petits délits et aux prisonniers politiques. Il a fait à plusieurs reprises la demande pour une libération dominicale à la quelle il a le droit.
Une demande (CAUSE 581-05-Chile) concernant des vices de forme et l’application inappropriée de la loi antiterroriste durant son procès a été déposée au niveau de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) dépendant de l’organisation des Etats d’Amérique en mai 2005, contre l’Etat Chilien.

- Pascual Pichún Paillalao (52 ans), Lonko (chef traditionnel) de la communauté de Temulemu (Traiguen), condamné à 5 ans et un jour pour menace terroriste. Il a été acquitté des accusations d’incendie terroriste ainsi que, récemment et à deux reprises dans un procès pour délit d’association illicite terroriste. Il purge sa condamnation depuis le mois de janvier 2004 dans la prison de Traiguen, et a fait la demande à 3 reprises pour une libération dominicale qui a été refusée malgré le rapport favorable de l’administration pénitentiaire. Il va demander dans le prochain mois la liberté conditionnelle.
Une demande (CAUSE 619-03-Chile) concernant des vices de forme et l’application inappropriée de la loi antiterroriste durant le procès de menace terroriste à son encontre et celle de Aniceto Norin a été déposée au niveau de la CIDH en août 2003, contre l’Etat Chilien.

- Aniceto Norin Catriman (43 ans), Lonko (chef traditionnel) de la communauté de Didaico (Traiguen), condamné à 5 ans et un jour pour menace terroriste. Il a été acquitté des accusations d’incendie terroriste ainsi que, récemment et à deux reprises dans un procès pour délit d’association illicite terroriste. Il purge sa condamnation depuis le mois de janvier 2004 dans la prison de Traiguen, et a fait la demande à 3 reprises pour une libération dominicale qui a été refusée malgré le rapport favorable de l’administration pénitentiaire. Il va demander dans le prochain mois la liberté conditionnelle.
Une demande (CAUSE 619-03-Chile) concernant des vices de forme et l’application inappropriée de la loi antiterroriste durant le procès de menace terroriste à son encontre et celle de Pascual Pichún a été déposée au niveau de la CIDH en août 2003, contre l’Etat chilien.

- Rafael Pichún Collonao (21 ans), membre de la communauté de Temulemu et fils du lonko Pascual Pichún, condamné à 5 ans de prison et le paiement d’une amende de 6 millions de pesos chiliens pour l’incendie d’un camion de transport forestier. Il est emprisonné depuis le 20 juillet 2005.
Une demande concernant sa situation et celle de son frère (qui aujourd’hui en fuite demande l’exil politique en Argentine) pour violation de pactes internationaux (notamment celui de San José de Costa Rica) interdisant l’emprisonnement pour dette a été déposée au niveau de la CIDH en août 2003, contre l’Etat Chilien.

- José Nain Curamil (30 ans), dirigeant de la communauté de Temucuicui (Ercilla), condamné en 2003 à 5 années pour incendie d’une propriété forestière de l’entreprise MININCO. Il purge sa peine depuis le mois de septembre 2003, dans un centre pénitentiaire d’Education et de Travail (CET) de la ville d’Angol (IXe région) où sont entrepris différents travaux d’agriculture, de production fruitière, d’horticulture, etc.

- Patricia Troncoso Robles (36 ans), militante de la cause mapuche, a été condamnée à 10 ans et un jour pour incendie terroriste de la propriété Poluco Pidenco et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Acquittée pour l’accusation d’incendie et de menace terroriste ainsi que dans le procès pour association illicite terroriste, elle purge une condamnation dans la prison d’Angol depuis août 2004. Une demande au niveau de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo pour les nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Jaime Marileo Saravia (27 ans) appartient à la communauté mapuche de San Ramón, (Ercilla). Il a été condamné à 10 ans et un jour pour délit d’incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation à la prison d’Angol (IXe région), depuis août 2004. Une demande au niveau de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo pour les nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Patricio Marileo Saravia (31 ans), frère du précédent, appartient à la communauté mapuche de San Ramón (Ercilla). Condamné à dix ans et un jour pour délit d’incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation dans la prison d’Angol (IXe région) depuis août 2004. Une demande au niveau de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo pour les nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Juan Carlos Huenulao Lienmil (38 ans) appartient à la communauté de Tricauco, (Ercilla). Condamné, en avril 2005, à dix et un jour pour incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation à la prison d’Angol (IXe région) depuis le 19 février 2005. Il faut préciser que Juan Carlos Huenulao a vécu clandestinement à peu près un an avant d’être arrêté. _ Il doit présenter prochainement une demande auprès de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) pour les mêmes raisons que Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, Ciriaco Millacheo et José Huenchunao ((CAUSE 429-2005-Chile).

- José Cariqueo Saravia (37 ans), Lonko de la communauté de San Ramon, accusé d’incendie terroriste (Poluco Pidenco) et d’association illicite terroriste, il a décidé en 2004 de ne pas se présenter devant la justice chilienne. Le 26 octobre 2005, il a été violemment arrêté par les carabiniers à 3h du matin dans une habitation située au sein de sa communauté. Emprisonné à la prison de Angol avec ses deux demi-frères Jaime et Patricio Marileo Saravia, et il est dans l’attente d’un procès le concernant où il risque une condamnation totale de 10 ans. _ Lors du procès de Poluco Pidenco il risque d’affronter les mêmes irrégularités et faux témoignages que ceux qui ont été dénoncés antérieurement et qui ont fait l’objet de dénonciations au niveau national et international.

- Juan Antonio Colihuinca Ancaluán, membre de la communauté de Tricauco, il était en fuite depuis plus d’une année. Il a été arrêté le 14 janvier 2006. Il est accusé d’avoir participé à l’incendie de la propriété forestière Poluco Pidenco et risque une condamnation de 10 ans.

- Enzo Linco Lincopan, détenu à la prison de Lebu (VIII° région). Il a été arrêté le 21 octobre 2005, il est accusé de vol d’animal dans la zone de Lleu Lleu où il vit. Le procureur à charge de l’affaire, Mario Elgeta, a pourtant déclaré le dossier secret, il essaie d’associer l’accusation au conflit territorial existant dans la zone, tandis que Enzo et sa famille ne reconnaissent aucune des accusations.

- Mauricio Contreras Quezada, arrêté le 10 janvier 2006, il est détenu à la prison de Temuko. Il était en fuite depuis plus d’une année. Accusé de faire partie d’une association illicite terroriste, il risque une peine de 5 ans.

Brève analyse de la situation actuelle.

Suite à l’annulation à deux reprises (en novembre 2004 et juillet 2005) du procès pour association illicite et terroriste, on a pu constater une recrudescence de la répression au sein des communautés. Cette répression de "basse intensité" est plus discrète et a plusieurs objectifs :
- apeurer les communautés revendiquant leur terre et les personnes susceptibles de les soutenir (rixes policières répétitives à l’aurore au sein des communautés, écoutes téléphoniques, filatures, intimidations, accusations et poursuites judiciaires envers les avocats défenseurs...) ;
- persécuter les furtifs (contrôles incessants, arrestations arbitraires afin d’obliger les personnes arrêter à faire de la délation...) ;
- contrôler des zones économiquement importantes.

C’est ainsi que le dimanche 16 octobre 2005, s’est produit une vaste rixe policière, où étaient présentes plusieurs autorités judiciaires de la région, au sein de la communauté Nicolas Calbullanca (commune de Cañete) où ont été interpellées 3 personnes dont un mineur de 13 ans, accusées de vol d’animal et opposition aux forces de l’ordre. Le lendemain le procureur chargé de cette action, Eduardo Elgueta, la justifia comme nécessaire pour mettre fin à la délinquance régnant dans cette zone et annonça la mise en place d’un campement de militaires de la marine chargés de contrôler le trafic sur le lac Lleu Lleu (zone connue pour la présence de nombreuses communautés revendiquant leurs terres occupées par des exploitations forestières et des infrastructures touristiques), ainsi que le renforcement des effectifs policiers. Plusieurs incursions policières et arrestations au sein des communautés du lac Lleu Lleu auront ainsi lieu durant les semaines suivantes sous prétexte de poursuivre des délinquants. Selon les communautés de cette zone et organisations Mapuche, cette présence policière et militaire constante et récemment officialisée a un autre objectif, qui est celui de persécuter les fugitifs et contrôler les communautés susceptibles de se mobiliser pour leurs droits territoriaux et politiques. D’autre part, l’arrestation de nombreuses personnes pour délit commun (vol de bétail, bagarres... etc....) avec la collaboration de militaires, a permit d’interroger les détenus sur la présence de fugitifs dans la zone. Cette pratique incitant à la délation en échange de l’abandon de toutes poursuites à son encontre a déjà été dénoncée dans d’autres procès, et constitue l’une des caractéristiques de l’action des procureurs au sein des communautés Mapuche depuis la mise en place de la réforme judiciaire à partir de décembre 2000.

Cette nouvelle stratégie de qualifier les actions de revendications mapuche de "délits communs" et non plus "d’actions terroristes", s’explique par le fait que la loi antiterroriste utilisée jusqu’à maintenant pour persécuter les Mapuche a fait l’objet d’amples dénonciations au niveau national et international, rendant évident que l’on ne peut pas utiliser cette législation de la dictature pour poursuivre des mobilisations sociales. Grand nombre d’organisations Mapuche et personnalités politiques, se sont ainsi prononcées pour la fin de l’application de la Loi Antiterroriste. Il semble que celle-ci soit de plus en plus difficile à appliquée pour réprimer les actions des communautés - même si la loi antiterroriste a encore été déclarée récemment, en novembre 2005, pour répondre aux incidents qui s’étaient déroulés au bord du lac Lleu Lleu, dans la VIII° région -, mais la "criminalisation" de leur demande continue à travers la loi commune, les qualifiant comme des délits de "désordre public", d’association illicite, de "vol de terres", ou par des tribunaux spéciaux, tels que la Fiscalia Militar qui a la faculté de juger des civils ayant commis un délit à l’encontre d’un carabinier...

Rapport élaboré sur la base d’informations fournies par l’Agrupación de Familiares y Amigos de los Presos Politicos Mapuche et les avocats Myriam Reyes et Sergio Fuenzalida.

Pour plus d’informations :
mapuche chez free.fr
http://mapuche.free.fr

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