Une tribune pour les luttes

Communiqué et appel à signature

Détention provisoire d’un séropositif

Article mis en ligne le dimanche 29 janvier 2006

Été 2005. Rompant avec la loi et plus de 20 ans d’une politique, profitant de la torpeur de l’été, deux
préfets (Tarn, Rhône) tentèrent d’expulser des femmes séropositives uniquement en raison de leur « situation irrégulière ». Quelques associations, dont la nôtre, se sont mobilisées à temps et ces deux femmes resteront en France.
Ce n’était pas une alerte pour nous mais la confirmation de nos craintes vers une légitimation de plus en plus importante de l’oppression envers les personnes (et les malades) porteuses de maladies transmissibles, notamment séropositives.

Les inepties et autres bévues judicaires à propos de la transmission du Vih, auxquelles nous assistons depuis plus d’un an, ne sont en réalité que les pluies acides venues des nuages sombres de la réaction qui empoisonne l’horizon de notre société contemporaine. L’éclat républicain ne brille pas - ou plus - dans l’esprit de nombre de magistrats ; le scandale qu’est la banalisation de la
désarticulation des droits de la personne, pas seulement dans la déroute que fut l’affaire d’Outreau, est là pour nous instruire sur cette obscurité qui règne dans certains esprits, en tout cas dans celui de certains magistrats de Toulouse. Outre l’abus d’arguments marqués par les inclinations identitaires et hygiénistes les plus régressives qui sont au coeur de la logique de la criminalisation de la transmission du virus du sida, il y a l’exploitation éhontée des angoisses subjectives qui traversent une société pétrifiée par l’ennui et la peur. La « justice » toulousaine, (et pas seulement toulousaine !), même en rupture de contrat social et souvent de légitimité, défend l’hypothèse aberrante qu’un-e séropositif-Ve qui a des relations non-protégées serai systématiquement dans
l’intention de contaminer, donc un délinquant !!! Plus dramatique pour les libertés publiques au temps du sida, dans le cas avéré d’une contamination, le fait de ne pas se savoir séropositif-Ve ne protégera juridiquement en aucun cas, la contamination pourra même « justifier » une
détention « préventive » !!
De la sorte, quelques magistrats toulousains réécrivent imprudemment la politique de santé publique établie en matière de Vih-Sida, créant ainsi un aventureux préjugé punitif qui n’a strictement rien à voir avec la santé publique ni la lutte contre une épidémie en particulier. Leur seule solution, très sarkozyste, c’est : LA PRISON ! C’est leur modèle de prévention « ultime », celui qui consiste dorénavant à embastiller les personnes séropositives parce qu’elles
sont séropositives.

A ce stade, nous avons deux idées très opposées de la prévention :
- prévenir les nouvelles contaminations comme nous le faisons dans les associations,
- prévenir d’“éventuelles contaminations”, mais à la manière des magistrats toulousains, en reléguant une personne en prison uniquement en raison de son état de séropositif-Ve.

Bien que Sory aie découvert son état de séropositif au même moment que celle qui le poursuit (qui a contaminé qui ?), sa détention et mais surtout les motifs aberrants retenus in-fine par les magistrats de la Cour d’Appel de Toulouse contestent de la manière la plus cruelle toute la politique de lutte contre le virus patiemment élaborée depuis plus de vingt ans. Ils balaient d’un revers de la main toutes les convictions et tous les principes auxquels des dizaines de milliers personnes adhèrent chaque jour en vivant et en luttant avec et contre le sida. Ce faisant, ils rejettent l’ensemble de ces personnes, l’éthique et l’histoire de l’épidémie, voire tous les acquis de cette lutte obtenus contre les discriminations par les associations de première ligne. C’est surtout la formulation d’une intolérable menace faite aux malades et aux séropositif-Ves, mais aussi aux militant-e-s, aux associations, au personnel soignant, etc... La police et de la justice comme acteurs de santé publique et « animateurs
de prévention » ? Avec la détention provisoire comme outil de prévention des contaminations...

Nous avons ainsi la démonstration que discrimination, racisme et intolérance ne sont pas l’apanage des seules « couches populaires » et qu’ils se dissimulent sous d’austères lambris et parés de beaux atours. En érigeant une mystification en vrai-faux argumentaire inspiré du “principe de précaution” (“éviter une récidive de contamination” [sic] !), des magistrats, en dissociant vérité et éthique, ont osé franchir un palier supplémentaire dans l’horreur judiciaire que provoque trop souvent l’utilisation du pouvoir discrétionnaire de la détention provisoire.

En l’espèce, il s’agit bien là d’un cas atypique de stigmatisation en raison de l’origine, de la couleur et de l’état de santé. Parce qu’en réalité, Sory est en prison parce qu’il est africain et noir. Surtout, Sory est en détention provisoire parce qu’il est séropositif.
Et parce qu’il est séropositif, noir et africain, aux yeux des magistrats de cette Cour d’Appel de Toulouse, si célèbre pour ses nombreux fiascos qui défrayèrent la chronique,

Sory n’est plus un citoyen, plus une personne, plus un être humain, rien. Seulement un « mis en cause (synonyme hypocrite de “coupable”) qui ne fait preuve d’aucun amendement » selon ses “juges”. Lesquels ne le jugent pas pour autant admissible à être naturellement traité équitablement, avec justice et impartialité. Pour ses “juges”, Sory n’est plus digne de voir sa présomption
d’innocence être élevée au rang de légitime prudence au moment de prendre une aussi grave décision que celle de l’envoyer en détention provisoire alors qu’il est séropositif, père d’une toute petite fille qui n’a pas un an, qu’il a un travail en CDI, qu’il est honorablement connu et qu’en outre, avant cette lamentable histoire, il n’a jamais eu affaire à la justice. Si ce ne sont pas des garanties de représentation, qu’est-ce que c’est ?

Seuls Act-Up Paris, Act-Up Toulouse, Sidaventure et notre association avons réagi et dénoncé ces dérives. Où sont Aides ? Sidaction ? Ensemble Contre le Sida ? Et tant d’autres si prompts à donner des leçons sur les limites de la solidarité à avoir entre bons et mauvais séropositif-Ves ? Les belles âmes dévouées sont dans les cocktails, les séropos sont, le plus souvent dans une grande misère,
parfois sans logement. Maintenant, en prison... N’ont-ils droit qu’à une compassion à minima ? Ou à pas de compassion du tout ? Ce silence des associations sur la gravissime violation des droits de Sory est assourdissant... Et très inquiétant.

Si on voulait tester une politique de « décontamination préventive » en s’en prenant aux séropositifs de nationalité étrangère, si on veut intimider et décourager les étrangers séropositifs de venir sur le territoire eu égard à l’augmentation constatée du nombre de migrants, illégaux ou non, dits de « survie », on ne s’y prendrait pas mieux. Sauf...
- Que ces décisions judiciaires sont la conséquence d’un projet politique actuellement à l’oeuvre qui privilégie l’exclusion, l’intolérance, la stigmatisation et le rejet des malades. Projet que nous combattons au quotidien.
- Qu’il est tout ce contre quoi nous luttons.
- Qu’enfin, nous résisterons.


Appel


Aussi, le Collectif A&E - Association Alter Egaux

- Condamne absolument l’inhumaine répression, abusivement sévère et multiforme, de la transmission du virus du sida et de séropositifs déjà frappés de lourds traumatismes
pour nombre d’entre eux -elles.
- Exige la libération immédiate de Sory C. ;
- Condamne avec la plus extrême fermeté la dérive scandaleuse et immorale à l’oeuvre dans le cas de Sory C.
- Condamne avec la plus grande vigueur les dysfonctionnements et les violations des droits imprescriptibles de Sory C. commis par des magistrats de la Cour d’Appel de Toulouse.
- Condamne cette provocation supplémentaire qui consiste à tenter de légitimer une escalade sécuritaire en théorisant la détention provisoire comme moyen de prévenir de
nouvelles contaminations.
- Appelle toutes les associations qui oeuvrent dans la solidarité et le soutien aux personnes, plus particulièrement celles engagées dans la lutte contre le sida à condamner sans appel et à se mobiliser contre les dérives d’une justice qui menace directement et implicitement toute personne atteinte d’une maladie transmissible.
- Appelle toutes les forces syndicales et politiques éprises des valeurs de tolérance, de solidarité et de justice à prononcer la même condamnation et à oeuvrer pour faire cesser immédiatement ces dérives.
- Appelle à signer une pétition qui sera adressée aux avocats de Sory C. et aux autorités de la République.

Pour signer adresser un mail avec vos coordonnées à liberez.sory chez no-log.org


Collectif A&E - Association Alter Egaux
Cité des Associations - 93 la Canebière
13001 Marseille - 06.12.28.38.88
mail : alter.egaux chez no-log.org
http://http://alteregaux.over-blog.com/

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