Une tribune pour les luttes

Lettre ouverte au Maire de Marseille

Collectif de la Porte d’Aix / Confluences

Article mis en ligne le lundi 8 février 2021

En date du 27 janvier dernier, nous avons interpellé par courrier M.Benoît Payan, en sa qualité de premier magistrat de la Ville. Le maire de Marseille a en effet le pouvoir d’intervenir concernant l’aménagement de la Porte d’Aix. N’ayant pas de réponse à ce jour, nous avons décidé de rendre publique notre lettre envoyée en RAR.

Collectif de la Porte d’Aix / Confluences


A l’attention de M. Benoît PAYAN
Maire de Marseille
Hôtel de Ville, quai du port
13002 MARSEILLE

Marseille, le 27 janvier 2021

Monsieur le Maire,

Nous vous interpellons vivement en votre qualité de premier magistrat de la ville de Marseille car nous sommes confrontés à une véritable urgence concernant l’aménagement de Porte d’Aix. Et ce, au sujet de plusieurs points : la destruction de l’environnement ; le danger géologique provoqué par les travaux de construction de l’Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires (IMVT, piloté par l’Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture) et de l’immeuble de bureaux Adriana (développé par le promoteur immobilier COGEDIM) ; la carence de fouilles archéologiques ; sans oublier les infractions constatées sur les chantiers.

Voici donc, point par point, les raisons de notre grande inquiétude :

1/ La destruction de l’environnement
Concernant la destruction des arbres de la Porte d’Aix (au total 70 arbres déjà abattus), nous avons alerté depuis plusieurs mois Antony Kremeyer, maire du 2/3, ainsi que les maires-adjoints concernés - dont Mathilde Chaboche, Nasséra Benmarnia et Sébastien Barles. Nous avons reçu pour toute réponse le fait que « 14 arbres seraient transplantés et préservés ». Or, nous avons constaté de visu que les conditions d’extraction de ces arbres ne permettent pas leur viabilité. Cette observation a été confirmée par Thomas Martin, architecte-paysagiste venu sur place à notre demande. Il a aussi précisé que la disparition du parc cinquantenaire de la place Jules Guesde contribue à la constitution d’un îlot de chaleur pour tout le Centre-Ville en cette période alarmante de réchauffement climatique.

Par ailleurs, dans sa décision du 30 octobre 2019 concernant la construction de l’IMVT (1), le Commissaire général du développement durable -ministère de la Transition écologique et solidaire- concluait « que la mesure consistant à végétaliser le site (29 unités ) pour réduire la pollution extérieure atmosphérique n’a pas d’efficacité démontrée. » Précisions : à l’origine, l’implantation de l’IMVT était prévue à la caserne désaffectée du Muy -dans le 3eme arrondissement- dont le site peut constituer un formidable campus en y intégrant des logements pour étudiants ; aucun parking n’est prévu, ce qui risque de saturer les emplacements environnants déjà insuffisants pour les riverains.

Quant à l’immeuble Adriana, dont le chantier, commencé récemment, a entraîné préventivement le tronçonnage de nombreux arbres depuis l’été dernier, c’est de l’immobilier purement spéculatif (location de bureaux et espaces de coworking pour les PME) dont l’acquéreur est au final la société Ilovit-Saint-Charles/Newton Offices, une filiale de Tivoli Capital adossée à KKR, l’un des plus important fond d’investissement américain. Un comble au regard du fait que les terrains (au total une surface plancher de 9600 m2) ont été cédés gratuitement par la Ville à l’EPA Euroméditerranée, puis vendus à COGEDIM à un prix inférieur à celui du marché (450€ le m2 contre 528€ en moyenne dans le 3e arrondissement par exemple, pour un montant total de 5,211 millions d’euros TTC). De plus, à proximité, ce promoteur immobilier développera aussi un programme dénommé « L’îlot sur le parc » comportant, entre autres, une résidence « de standing ».

Ces deux projets spéculatifs menés par COGEDIM ne contribueront pas au développement économique du quartier, et se situent à moins des 500 mètres réglementaires du monument historique emblématique de la place Jules Guesde. La configuration actuelle du projet d’aménagement de la Porte d’Aix/Zac Saint-Charles révèle d’ailleurs une forte densité du bâti, signe d’une préoccupation de rentabiliser la moindre parcelle de terrain dans ce qui s’annonce être le nouveau Centre-ville de Marseille. En conséquence, la spéculation immobilière fragilisera les habitants de la Porte d’Aix et des environs immédiats. Ce qui aboutira à la gentrification du quartier provoquée par la hausse des loyers et obligera les habitants actuels les plus fragiles à se reloger ailleurs. Mais où, compte tenu du fait que Marseille est en déficit chronique de logements sociaux ?

2/ Le danger géologique
A notre demande, Michel Villeneuve, géologue et chercheur au CNRS, a produit un rapport dans lequel il alerte sur l’impact dangereux de la construction de l’IMVT et de l’immeuble Adriana (2). Voici sa conclusion : « Mes recommandations c’est qu’une zone verte non construite comme les jardins de la Porte d’Aix, est une éponge naturelle qui amortit les zones de ruissellement sans créer des nuisances pour les constructions du voisinage. Il est donc important de conserver cette zone en l’état actuel, comme un stabilisateur pour le quartier. En conclusion, il y a effectivement un risque géotechnique à multiplier les constructions dans une zone qui est considérée comme une éponge naturelle et à donc un effet stabilisateur pour le sous-sol du quartier. Mais d’autres paramètres peuvent aussi intervenir comme la déformation des argiles et leur gonflement en fonction des pluies ou la proximité de failles de grande dimension comme la faille Vieux-port-Allauch ».

Autrement dit, cela signifie que les immeubles anciens riverains de ces chantiers peuvent, à plus ou moins court terme, subir des dégâts liés à l’accumulation des eaux souterraines non absorbées, et se retrouver dans un état de fragilité similaire à celui qui a conduit à l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne.

3/ La carence de fouilles archéologiques
Aucune fouille archéologique préventive n’a été effectuée avant le démarrage des chantiers. Ce qui est très surprenant et scandalise la communauté des archéologues. Et pour cause : à proximité de la Porte d’Aix, des fouilles préventives ont été effectuées boulevard Nédelec et rue Bernard-Dubois. Ces fouilles ont notamment permis de découvrir un tronçon de voie romaine, les vestiges d’une manufacture royale de souffre et de salpêtre datant de la fin du XVIIè siècle, ce qui a mis en lumière un pan de l’activité industrielle stratégique de Marseille. Quant à celles effectuées préventivement lors de la construction du Conseil de Région, elles ont mis au jour une fabrique d’amphores grecques puis romaines...

4/ Infractions sur les chantiers
Des anomalies ont été constatées lors du démarrage des chantiers : absence d’affichage légal du projet, du maître d’oeuvre, des entreprises et du permis de construire ; palissade débordant de plusieurs mètres sur le domaine public, etc.

Monsieur le Maire,
Le programme du Printemps Marseillais, mouvement dont vous êtes l’une des figures de proue, annonçait pourtant une rupture avec la politique menée par la majorité précédente, notamment en matière de préservation des espaces verts et de lutte contre la « bétonisation » de l’espace urbain par les promoteurs immobiliers. Vous avez d’ailleurs déclaré, dans votre interview publiée dans la Marseillaise du 16 janvier dernier ,« il n’y aura plus de permis de construire où on détruira de la nature en ville pour construire des immeubles moches. » Auparavant, le 5 juillet sur France-Inter, vous aviez affirmé qu’il y aurait une sanctuarisation des espaces verts et un moratoire sur les permis de construire. Nous prenons acte de vos déclarations.

Alors, Monsieur le Maire, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, nous vous demandons d’user de tous vos pouvoirs pour obtenir l’arrêt des travaux, et une révision du projet d’aménagement de la Porte d’Aix en veillant à la restauration d’un parc central de 3 hectares, incluant les espaces verts d’origine, et qui serait un îlot de fraîcheur et de villégiature pour les Marseillais. Nous vous demandons aussi de veiller à la préservation de ce quartier historique et pittoresque de Marseille dont l’activité commerciale et touristique est un apport économique conséquent pour la Ville.

Comptant sur la diligence de vos services, veuillez accepter, Monsieur le Maire, notre respectueuse considération.

 Le Collectif de la Porte d’Aix / Confluences

P.S. Nous nous réservons le droit de rendre publique cette lettre, accompagnée de votre réponse que nous espérons recevoir dans un délais raisonnable.

Documents :
1- Décision de l’Autorité environnementale, après examen au cas par cas, sur le dossier de construction du bâtiment de l’Institut Méditerranéen de la Villes et des Territoires IMVT, à Marseille (13), 30 octobre 2019.
2- Cadre géologique du site de la « Porte d’Aix » à Marseille, Michel Villeneuve, 15 décembre 2020.

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