Une tribune pour les luttes

Jean BRICMONT

L’impérialisme humanitaire

UNE DES CARACTERISTIQUES DU DISCOURS DOMINANT, de la droite à la gauche, même en allant assez loin du côté des "extrêmes", est que l’éthique politique est aujourd’hui entièrement dominée par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence au nom des droits de l’homme. Ce droit d’ingérence (humanitaire) est non seulement très généralement admis, mais il est souvent devenu un "devoir d’ingérence".

Pour l’auteur, cette idéologie est le principal obstacle à la construction d’un mouvement effectif d’opposition aux guerres impériales. Cette opposition existe évidemment, mais elle et faible et elle est surtout faible sur le plan idéologique, particulièrement parmi ceux qui sont supposés organiser ou diriger le mouvement : les partis de gauche et d’extrême gauche, ou les mouvements pacifistes.

Comme on essayera de le montrer dans ce livre, tout rapport de domination est en fin de compte militaire et il a toujours besoin d’une idéologie pour se justifier. L’idéologie de notre temps, en tout cas en ce qui concerne la légitimation de la guerre, n’est plus le christianisme, ni la "mission civilisatrice" de la République, mais bien un certain discours sur les droits de l’homme et la démocratie, mêlés à une représentation particulière de la Deuxième Guerre mondiale. C’est à ce discours et à cette représentation qu’il faut s’attaquer si l’on veut construire une opposition radicale et sans complexe aux guerres actuelles et futures.

Jean Bricmont, Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ? [Préface de François Houtart], Éditions Aden, octobre 2005.

Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain. Il est membre du BRussells Tribunal. Il a notamment publié avec Alan Sokal Impostures intellectuelles (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et avec Régis Debray À l’ombre des Lumières (Odile Jacob, 2003).

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