Une tribune pour les luttes

Communiqué de la Ligue Odebi 08-03-2006

DADvSI : Arrêtons le massacre !

Il faut retirer le texte de l’ordre du jour.

Article mis en ligne le jeudi 9 mars 2006

La Ligue dénonce l’accumulation de scandales -dont en dernier lieu le retrait de l’article 1 par le gouvernement- démontrant que le législateur ne peut pas élaborer la loi DADvSI dans de bonnes conditions, et produire un texte équilibré, et respectueux aussi des droits du public.

N’entendant que les intérêts économiques de l’industrie de la culture, et restant sourd aux demandes du public, le gouvernement n’a pas travaillé correctement :

Il est encore une fois nécessaire de rappeler que le coeur de transposition de la directive concerne la légalisation des mesures techniques de "protection" (MTP), et la pénalisation de leur "contournement".

Le débat sur ce coeur de transposition a été occulté par la problématique de la licence globale et du p2p, le ministère de la culture étant allé jusqu’à créer un site de propagande -aux frais du contribuable- destinés à
focaliser l’opinion publique sur cette problématique.

Ce faisant, le gouvernement espérait sans doute que la pilule des MTP passerait plus facilement, pour le plus grand bonheur des multinationales du contenu, et au détriment des droits élémentaires des électeurs.

La Ligue Odebi juge indispensable que le premier ministre fasse retirer le texte de l’ordre du jour, et demande aux membres concernés de son gouvernement d’approfondir leurs réflexions sur la prohibition des "moyens" de "contournement" des MTP.

En effet, l’usage endémique de mots sémantiquement fumants, comme "MTP" ou "contournement", mène à des amalgames et des incompréhensions nuisant au débat sur le droit d’auteur et menaçant les droits des internautes. A titre d’exemple, aucune définition précise de ce qu’est une MTP n’est
fournie par la directive 2001/29/CE que la France doit transposer dans le projet de loi DADvSI : cette lacune est source d’insécurité juridique, et ouvre la porte à d’intolérables dérives législatives.

Si la machine européenne n’a pas jugé utile de définir sérieusement les MTP, il apparaît désormais indispensable que le législateur français comprenne -et dise clairement dans la loi- ce qu’une MTP ne peut pas faire.

Dès lors, il ne pourrait plus être question de parler de "contournement" lorsqu’il s’agit de se prémunir en pratique de ce qu’une MTP ne peut pas faire : le législateur a le devoir de bien le concevoir, et de clairement l’énoncer.

Il devrait sembler évident au gouvernement qu’une MTP ne peut pas et ne doit pas comporter des procédés qui :

- portent atteinte à la sécurité informatique.
- portent atteinte à la vie privée ou à la confidentialité.
- empêchent la lecture sur le lecteur dont l’utilisateur dispose (i.e. entravent l’interopérabilité et le simple usage).
- empêchent l’exercice du droit à la copie privée.

Il serait juste que le législateur prévoie des sanctions dissuadant concrètement de mettre en oeuvre de tels procédés qui sont en fait des Dispositifs de Contrôle d’Usage (DCU) et non des "MTP". Une loi sans sanction n’est en pratique pas respectée. De plus, une loi prétendant
simultanément sanctionner les électeurs et épargner les délinquants des multinationales de la culture serait particulièrement indécente.

Symétriquement, il devrait sembler évident au gouvernement que toute action d’un utilisateur visant simplement à se prémunir de tels procédés est fondamentalement légitime, ne peut en aucune manière être illégale, et ne peut en particulier pas être considérée comme un "contournement" de
MTP.

En pratique, se prémunir de ces procédés nécessite l’usage d’outils : les utilisateurs doivent avoir le droit de se procurer, de détenir, et d’utiliser de tels outils.

Il est donc à l’évidence nécessaire et cohérent que ces outils puissent être librement et légalement conçus, diffusés, promus et distribués. Une démarche consistant à refuser cela au prétexte qu’une juridiction administrative d’exception serait chargée de juger ce que peuvent ou non
faire les MTP reviendrait à accorder le droit aux fournisseurs de MTP de porter a priori atteinte aux droits du public. Si nul ne peut se faire justice soi-même, il n’est pas acceptable que la loi livre le public pieds
et poings liés à ces fournisseurs de MTP. La prohibition d’outils de lecture, de conversion, de sécurité, ou de protection de la vie privée est totalement inacceptable dans une démocratie.

La Ligue demande donc au gouvernement de modifier de façon claire et explicite le projet de loi DADvSi afin que la conception, la diffusion, la distribution, la détention et l’usage d’outils permettant aux utilisateurs de se prémunir des procédés ci-dessus dénoncés soit totalement libre.

A contrario, si le gouvernement faisait l’économie de cette réflexion, il démontrerait une incompétence grave menant en pratique -par exemple- à la prohibition des logiciels anti-virus permettant d’éradiquer la chienlit numérique que constituent les "DRM" à la sauce Rootkit-Sony-BMG : comment
le gouvernement pourrait-il expliquer aux français les raisons réelles qui l’auraient mené à sacrifier la sécurité de l’infrastructure de communication nationale au seul bénéfice d’un quarteron de multinationales ?

Le premier ministre doit désormais savoir la dimension politique de ce projet de loi, et réaliser qu’en l’état, et dans ces conditions, il ne peut que provoquer une révolte d’ampleur nationale, voire une désobéissance civile massive : une loi injuste ne peut pas être respectée.

La Ligue ODEBI
http://www.odebi.org

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