Une tribune pour les luttes

Les mots de la guerre

Face à cette sale guerre : Ce qu’il faut nommer

Article mis en ligne le vendredi 11 août 2006

Il ne faut pas se terrer, quelque fois la raison s’égare et le coeur devient fou de désespoir. La rage de la destruction épouvante l’esprit et il lui faut un peu de calme pour retrouver ses mots, il est urgent de briser le silence et la prostration où on veut nous enfermer.

Ce qu’il faut nommer : Les mots de la guerre
cela fait trop d’un coup. Trop d’un coup.
Les routes détruites, les membres arrachés, les enfants massacrés et les maisons détruites, écroulées, sous les avions dans le ciel qui hurlent.
Explosion et souffle désespéré, le coeur bat effrayé, trop court le sommeil, l’esprit brûlé humilié, trop d’un coup.
Des jours à la recherche des mots.
Ne pas croire ceux qui te diront qu’on ne trouve plus de mots
qu’il y a trop d’horreur
qu’il n’y a plus de mots
ne pas croire ceux qui disent
il ne reste plus rien

il reste les mots
les mots noirs
les mots durs
les mots à dire avec l’entêtement des mots
cherche les mots avec tes mains
avec tes yeux
avec ta peau
comme les morts sous les décombres
même sans trouver
c’est là , cela s’imprime dans la mémoire
un enfant qui cache son visage dans la peur.
Il manque les mots ?
Alors compte !
Compte les morts !
Fais les additions infernales du malheur
les soustractions de vies
nomme les morts
nomme les !
Et pleure
compte et pleure, s’il reste que ça
hurle
va, marche, cherche, compte, pleure
Ecris les chiffres, fais pleurer les lettres : les voyelles, les consonnes, les syllabes
tout l’alphabet du malheur : à la fin, ce qui te viendra ? Qui te reviendront ? Les mots
marche dans la rue. Cherche les mots.
Cela ne console pas : ne pas consoler
Cela n’apaise pas : ne pas apaiser
L’horreur s’écrit dans une langue encore inconnue
une langue de malade pas une langue de prophète
une langue de chirurgien, pas une langue de prêtre
une langue déchirée par les éclats des bombes
une langue à soi lancinante comme l’espoir de survivre
d’en mourir
de défendre
de résister dans ces nuits ivres où les massacres ne s’arrêtent pas
la douleur ne s’arrête pas, jamais
la terre brûle sous le sang des blessés
la terre brûle sur les corps ensevelis
et il n’y a plus de mots ?
Ecoute ceux qui parlent, écoute les !
Écoute les justifications
Ecoute les atermoiements des politiques, des journalites,
Ecoute : ils ont des mots et toi tu n’as rien ?
Ils t’ont tout ôté : la vie, la joie, la peur, les larmes, jusqu’au nom des tiens
cela s’appelle la guerre,
nomme la !
Ils ont des mots qui définissent la guerre, ils ont des mots qui décrivent les frappes, et il n’y aurait pas des mots pour dire l’horreur, la lacheté, la haine, la folie, l’extermination programmée, l’abandon humain de toute humanité, l’ébranlement du monde sous le feu, le désastre des heures qui n’appartiennent à personne. L’apocalypse ressemble à l’apocalypse : La démolition, la poussière au-dessus de vastes lambeaux dans les dégradés de noir et de gris des façades calcinées courbées sur des fenêtres béantes, des murs pantelants, éventrés dans la turbulence des agonisants, l’ empilement de poutres d’acier, l’entrelacs de barres, de cubes, de poutrelles, de chambranles, des éboulis écrasés par d’autres éboulis, des parpaing, du ciment, des ruines gigantesques, des décombres foisonnants, des lumières blafardes, crépusculaires, des brumes de poussières d’où s’échappent par grappes des décors chancelants et irréels. Par vagues, les bruits remontent des décombres la blessure de l’existence. Relents sombres, la ville, jonchée de pierres tombales, où les enfants apprennent la mort dans le regard mélancolique, le recueillement des endeuillés, des arbres morts dégingandés, tordus, comme des portraits flottants et âpres du malheur.
Crier jusqu’à devenir fou de la réalité, déterrer les mots qui disent destruction, attentats, massacres, souffrances, souffrances mais aussi les opérations de diversion, le simulacre de négociations, l’impérialisme sans concession et ses prétextes de croisade contre les peuples. L’hypocrisie et cynisme de l’économie de marché, qui sème partout dans le monde la guerre et la misère, la guerre « permanente », la guerre « préventive », contre les peuples, pour les soumettre et pour briser leur résistance.
et pour tout compte il n’y aurait pas de mots ?
que l’oubli ?
Même les fous se souviennent quand les bombes et les tirs israéliens anéantissent tout sous leur passage, les morts et les déplacés, les dizaines de tonnes de bombes larguées qui détruisent les routes, les ponts, les centrales électriques, les populations prises au piège
il y a les mots :
Oui à la résistance
No Pasaran

Nicole Barriere
07/08/06

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