Une tribune pour les luttes

Collectif "Les autres chiffres du chômage".

Les chômeurs invisibles.

La vérité sur les chiffres du chômage.

Article mis en ligne le mardi 2 janvier 2007

27/12/2006

Mois après mois le débat public se focalise autour de la publication du chiffre officiel du chômage. Le gouvernement et les médias font comme si les variations mensuelles de cet indicateur reflétaient le succès ou l’échec des politiques pour l’emploi. Depuis plusieurs années l’opinion est pourtant de plus en plus sceptique face aux annonces répétées de la baisse du chômage. Elle n’a pas tort.

Plus de la moitié des demandeurs d’emploi sont exclus du chiffre officiel du chômage.

En septembre 2006, le chiffre officiel du chômage (« DEFM de catégorie 1 ») décomptait 2 172 000 demandeurs d’emploi. A la même date, le nombre total de personnes recensées par l’ANPE en tant que demandeurs d’emploi s’élevait à près de 4 450 000 personnes. Plus de la moitié des personnes inscrites à l’ANPE, soit 2 276 000 demandeurs d’emploi, ne sont donc pas comptabilisées dans les statistiques officielles : ce sont, en quelque sorte, des chômeurs « invisibles ». Depuis 25 ans ces « chômeurs invisibles » représentent une proportion croissante de l’ensemble des inscrits à l’ ANPE : au cours de l’année 2006, la part de ces chômeurs invisibles dans le total des demandeurs d’emploi a dépassé pour la première fois 50%, alors qu’elle n’en représentait que 10% en 1982.

Qui sont les chômeurs invisibles ?

Parmi les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, certains n’ont jamais été comptabilisés dans la statistique officielle. Il s’agit des chômeurs des DOM, de ceux qui recherchent un emploi temporaire ou à temps partiel et des personnes non immédiatement disponibles pour occuper un emploi. Depuis vingt ans de nouvelles catégories ont été écartées du chiffre officiel : les dispensés de recherche d’emploi et les demandeurs en « activité réduite »

Principales catégories de chômeurs « invisibles » en septembre 2006

Chômeurs des DOM (total) 220 000

Demandeurs d’emploi temporaire ou à temps partiel 871 000

Dispensés de recherche d’emploi 412 000

Chômeurs en "activité réduite" 452 000

Demandeurs d’emploi non immédiatement disponibles 321 000

TOTAL 2 276 000

Les femmes et les chômeurs âgés (50 ans et plus) sont particulièrement nombreux parmi ces chômeurs invisibles.

Ainsi les femmes sont un peu moins nombreuses que les hommes dans la statistique officielle du chômage, mais elles représentent plus de 60% des demandeurs d’emploi hors chiffre officiel .

Depuis 25 ans, la part de ces chômages invisibles a été multipliée par 4

Depuis 25 ans, de plus en plus de chômeurs ont été « gommés » du chiffre officiel . Entre 1985 et 1997, ce sont surtout les changements réglementaires dans le mode de classement des chômeurs (création des dispensés de recherche d’emploi, chômeurs en « activité réduite ») qui expliquent la montée des chômages invisibles. Entre avril 1997 et avril 2002, le phénomène s’est brutalement accéléré : le nombre total des demandeurs d’emploi a baissé de 340 000 tandis que le chiffre officiel affichait une chute de plus de 850 000. Ceci s’explique par la hausse considérable du nombre de demandeurs dont l’ANPE considère qu’ils recherchent un emploi temporaire ou à temps partiel, et non plus un CDI à temps plein. En réalité, les études menées montrent que ce ne sont pas les demandeurs d’emploi qui ont changé leurs aspirations mais l’ANPE qui a modifié ses pratiques d’inscription des chômeurs . A partir de 2002, la part des chômages invisibles s’est tassée jusqu’au milieu de l’année 2004. Mais à l’approche des élections présidentielles, elle a recommencé à augmenter : les chômeurs invisibles représentaient 51% du total des demandeurs d’emploi en septembre 2006, contre 47% deux ans plus tôt. Cette brusque remontée traduit à la fois l’accroissement du nombre de chômeurs en « activité réduite » et des changements dans les pratiques d’inscription de la part de l’ANPE.

Malgré ces artifices statistiques, le chômage se situe fin 2006 à un niveau plus élevé qu’en mai 2002

Les gouvernements conservateurs qui se sont succédé depuis 2002 n’ont pas réussi à faire reculer le chômage : le total des demandeurs d’emploi n’a pas diminué par rapport à mai 2002, pas plus que le niveau du chiffre officiel. Le rôle central du chiffre officiel, selon les services gouvernementaux, serait justifié parce qu’il s’approche le mieux de la définition internationale du chômage, le « chômage BIT ». Selon cette définition, est « chômeur » toute personne qui 1) n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, pendant la semaine précédant l’enquête, 2) est immédiatement disponible pour prendre un emploi et 3) recherche activement un emploi. Cette définition, certes utile pour les comparaisons internationales, ne suffit pas à rendre compte de l’ampleur du chômage et du sous-emploi dans notre pays. Elle ne saurait masquer le fait que des millions de personnes, bien que considérées comme en emploi ou inactives « au sens du BIT », sont insatisfaites de leur situation et renouvellent bel et bien chaque mois leur inscription à l’ANPE pour rechercher un (autre) emploi. Les manipulations statistiques des chiffres du chômage masquent mal le fait que, depuis le début des années 1990, le chômage se maintient à un niveau structurellement élevé, jamais observé dans le passé : depuis 15 ans, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE demeure inflexible autour de 4,5 millions.

Le collectif des "Autres chiffres", créé à l’initiative du Réseau d’Alerte sur les Inégalités (RAI), rassemble des associations, des chercheurs et des syndicats particulièrement bien placés pour porter un regard critique et informé sur ces questions : Agir ensemble contre le chômage (AC !), Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), Réseau Stop Précarité, CGT-INSEE, Syndicat National Unifié de l’ANPE (SNU-ANPE), SUD-ANPE.

Dès décembre et tout au long de la campagne électorale qui s’ouvre, le collectif publiera chaque fin de mois, un peu avant la sortie du chiffre officiel du chômage, une note critique des chiffres officiels et proposant si possible des alternatives statistiques.

Le collectif « Les Autres Chiffres » veut ainsi inciter le prochain gouvernement, quel qu’il soit, à cesser de bluffer avec des statistiques partielles et tronquées, et à mettre en place un système cohérent d’observation conjoncturelle du chômage et de la précarité. Il souhaite aussi contribuer à ce que la question sociale prenne toute la place qui lui revient dans le débat électoral.

Contacts :

Pierre CONCIALDI (RAI) 06 83 42 34 42

Thomas COUTROT (RAI) 06 24 56 79 32

Marc MOREAU (AC !) 06 68 50 78 67

Philippe SABATER (SNU ANPE) 06 14 71 59 44

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