Une tribune pour les luttes

L’HOMME QUI SOUILLE CE QU’IL DIT AIMER

Article mis en ligne le samedi 17 mars 2007

Le Réseau éducation sans frontières tient à adresser ses félicitations
les plus vives aux responsables et aux exécutants, chacun selon leur
grade, des deux faits relatés par le communiqué de l’ANAFE et par
l’article de Dernières Nouvelles d’Alsace reproduits ci-dessous.

Deux jeunes hommes, victimes de persécutions dans leur pays, ont été
renvoyés à leurs bourreaux car, selon la sentence favorite du ministre de
l’Intérieur, « ils avaient vocation à être reconduits dans leur pays ».
Ce qui a été fait.

Issa est en prison au Tchad, Elanchelvan a été
exécuté par l’armée sri lankaise..

A Marseille, un jeune kurde de 19 ans, risque de mourir, tabassé et
drogué à chacune des expulsions qu’il refuse (Il y a déjà eu deux
tentatives et une troisième est prévue demain), en grève de la faim depuis
une semaine et partiellement (les premiers jours et de nouveau ) en grève
de la soif. Il ne tient plus debout et ne reçoit pas de soins, mais il
ne veut pas rentrer en Turquie où son père a déjà été en prison et où
il sera enfermé comme déserteur et kurde....

Ces derniers jours l’OFPRA et le ministère de l’intérieur ne cachaient
pas leur satisfaction de voir le nombre de réfugiés diminuer de façon
spectaculaire (-38%). Selon eux, grâce aux réformes énergiques de ces
dernières années, les « faux » réfugiés seraient, soit dissuadés
d’arriver sur le sol français, soit traités sans faillir (92% de rejet) et
expulsés. Force est de constater que la belle mécanique de cette machinerie
administrative et policière ne s’embarrasse guère des pertes humaines.
Mais les responsables politiques continueront sans doute à promettre la
main sur le cœur que la France restera une « terre d’asile ».

Ces victimes de la politique de démagogie anti-immigrés ne sont pas des
enfants. Ils n’ont jamais été scolarisés en France. Mais la situation
dans laquelle les autorités françaises les ont plongés concerne tous les
élèves, tous les enseignants et tous les parents de ce pays et donc le
RESF pour la honte que suscitent de tels événements. Le RESF invite
les enseignants et les parents d’élèves à les commenter auprès des
jeunes. Chacun doit mesurer les conséquences d’une politique qui piétine dans
les faits le droit d’asile établi par la Convention de Genève et fait
de ses initiateurs les complices indirects des assassins et des
tortionnaires vers lesquels on renvoie les réfugiés déboutés.

Monsieur Sarkozy ânonne après Monsieur Le Pen « La France, on l’aime ou
on la quitte ».

Il y a erreur, Monsieur Sarkozy n’aime pas, il souille.


Communiqué de l’Anafé - Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers :

Demandeur d’asile tchadien refoulé par la France, aujourd’hui emprisonné à N’Djamena.

Le 15 mars 2007

Au moment de la publication du rapport 2006 de l’OFPRA constatant une baisse de 38% du nombre de demandes d’asile en France par rapport à 2005, dont le ministre de l’Intérieur ne cesse de se féliciter, voici le cas d’Issa.
Issa arrive à l’aéroport de Roissy le 24 février 2007, il demande aussitôt l’asile à la frontière. Il explique, par un récit précis et circonstancié, qu’il fuit les services de renseignements d’Idriss Deby qui ont fait procéder à une vague d’arrestations au sein du groupe rebelle qu’Issa venait de rejoindre. Sa demande d’asile est examinée par la division asile à la frontière de l’OFPRA durant son maintien en zone d’attente, puis rejetée par le ministère de l’Intérieur le 27 février 2007 qui estime qu’elle est « manifestement infondée ».

Après avoir refusé deux fois d’embarquer, Issa est refoulé sous escorte policière le 6 mars 2007. Direction N’Djamena.
Son frère, réfugié statutaire en France, reçoit un appel téléphonique le lendemain. C’est Issa, il est détenu au commissariat de N’Djamena et utilise le téléphone portable d’un codétenu. Il explique qu’à son arrivée à l’aéroport de N’Djamena, il s’est fait appréhender par la police tchadienne qui l’a gardé pendant 5 heures, lui faisant subir un interrogatoire « musclé » portant notamment sur sa demande d’asile en France avant de le transférer au commissariat.

La Ligue tchadienne des droits de l’Homme a pu vérifier qu’Issa se trouvait bien au commissariat central de N’Djamena. Les dernières nouvelles que nous avons eues d’Issa datent du 13 mars : il était très affaibli car privé de nourriture et aucune procédure ne lui avait été notifiée, l’empêchant ainsi d’avoir accès à un avocat.
Nous craignons désormais de perdre toute trace de lui.
L’Anafé dénonce la violation par la France du principe de non-refoulement de la Convention de Genève. La simple lecture de la décision du ministère de l’Intérieur démontre que le strict examen du caractère « non-manifestement infondé » a été largement dépassé.
L’Anafé demande que toute la lumière soit faite sur les conditions du refoulement de l’intéressé.
L’Anafé a demandé au gouvernement français d’intervenir rapidement auprès du gouvernement tchadien afin d’éviter le pire pour Issa.


Article paru dans les DNA du 16 03 07 / Faits divers - Strasbourg

Débouté du droit d’asile, expulsé, tué par balles

Arrivé en France en 2002 pour fuir les persécutions dont il était victime au Sri Lanka, Elanchelvan Rajendram a eu moins de chance que les membres de sa famille déjà réfugiés à Strasbourg.

Débouté du droit d’asile en 2003, il s’est trouvé sans plus aucune voie de recours en 2004. Il a été expulsé vers le Sri Lanka en août 2005. Membre du Casas (*), Simone Fluhr l’avait accompagné dans ses démarches successives. Ils avaient sympathisé. Elle l’avait regardé partir la mort dans l’âme :
« Nous voyons passer beaucoup de Sri Lankais d’origine tamoule. Nous savons ce qu’ils endurent. L’oncle d’Elanchelvan installé à Hautepierre a été torturé en détention. Le certificat médical qui décrit les séquelles fait trois pages. » Pour le nouvel an 2006, Simone a pourtant eu la surprise de recevoir une carte de voeux d’Elanchelvan, avec des petits coeurs et des roses de toutes les couleurs.

Elle a appris sa mort la semaine dernière. Le 28 février à l’aube, le jeune homme est tombé, le corps criblé de six balles. Exécuté par les militaires de l’armée sri-lankaise alors qu’il sortait des toilettes installées dans la cour de sa maison. Vêtu d’une simple étoffe et désarmé, Elanchelvan a rendu son dernier souffle dans les bras de sa femme. Sous l’oeil goguenard de ses assassins.

« Je savais qu’il serait en danger au Sri Lanka »
C’est David Balathas, un des amis d’Elanchelvan réfugiés à Strasbourg, qui a contacté Simone pour lui raconter. Dans son magasin de retouches du quartier des Halles, il retient encore ses larmes, une photo de son ami disparu posée sur la table. « Je savais qu’il serait en danger là-bas. Il avait déjà perdu deux frères. Et l’un d’eux était membre des Tigres-tamouls (**), appuie David. Je ne comprends pas pourquoi l’Ofpra (***) ne l’a pas cru. »

Ebranlée, la famille vient d’envoyer, avec l’aide du Casas, un faire part de décès aux organismes intervenus dans le traitement du « dossier » d’Elanchelvan : l’Ofpra, la Commission de recours des réfugiés, la préfecture du Bas-Rhin, la Police aux frontières, etc. « Il ne s’agit pas de les culpabiliser. Mais de rappeler que, dans le cas de personnes victimes de persécutions, l’expulsion peut être synonyme de mort », précise Simone. Elanchelvan avait 30 ans. Il laisse derrière lui son épouse et une petite fille âgée de trois mois ainsi que des parents brisés par la perte de leur troisième et dernier fils.

Manuel Plantin

(*) Collectif d’accueil pour les solliciteurs d’asile à Strasbourg.
(**) Le LTTE est une organisation indépendantiste tamoule en lutte depuis 1972 contre le pouvoir cinghalais.
(***) Office français de protection des réfugiés et apatrides.
© Dernières Nouvelles d’Alsace : - 16.3.2007

vendredi 16 mars 2007.

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