Une tribune pour les luttes

Non à l’expulsion de Sedat Tastan !

par Henri Alleg , journaliste, écrivain

Article mis en ligne le lundi 19 mars 2007

De quoi est donc coupable Sedat Tastan ce jeune Kurde de 19 ans, en France depuis l’âge de 14 ans, travailleur du bâtiment et dont les frères et sœurs sont scolarisés à Marseille ? En quoi sa présence est-elle de nature à menacer l’ordre public et pourquoi les autorités - dont notre ministre de l’Intérieur, candidat à la Présidence de la République et le Préfet des Bouches du Rhône sont-ils si pressés de l’expulser du territoire ? Il a été arrêté lors d’un contrôle d’identité et placé en rétention depuis le 28 février. Il est réclamé, explique-t-on, par la « justice » turque parce qu’il se soustrait à ses obligations militaires alors qu’il devrait répondre à la conscription dans l’armée turque. Une armée dont on sait le rôle répressif qu’elle joue à l’égard des Kurdes et des défenseurs des droits de l’Homme en Turquie. A son arrivée dans ce pays, Sedat Tastan sait qu’il sera immédiatement arrêté, jeté en prison et condamné à une lourde peine. Est-ce bien le rôle de la France -dont certains représentants ne cessent de rappeler qu’elle est la « patrie de la démocratie » et que le « droit d’asile » y est sacré-de devenir l’auxiliaire zélé d’un tel régime ?

Entre le 13 et le 17 mars, Sedat TASTAN a résisté à trois tentatives d’expulsion menées avec l’appui « musclé » des forces de police. Celles-ci ont échoué grâce à la solidarité des passagers de l’avion en partance pour la Turquie, alertés par des militants.

A Roissy, le commandant de bord a refusé, sous la pression des passagers, de garder Sedat dans l’avion. Il a donc dû être débarqué et il a été placé en garde à vue. Il doit comparaître aujourd’hui même devant le TGI de Bobigny (93) pour refus d’embarquement.

Il n’est pas trop tard pour agir. En mon nom, au nom de tous ceux qui restent attachés aux grandes idées de justice et de solidarité , je demande au Tribunal de Bobigny et aux autorités administratives compétentes d’ordonner la remise en liberté de Sedat Testan et de lui permettre de reprendre une vie normale au sein de sa famille. Ce ne sera que justice.


Henri Alleg

Journaliste - écrivain

Henri Alleg , membre du Parti Communiste Algérien de l’époque , a été, de 1950 à 1955, directeur d’Alger républicain. Ce journal, qui était, en Algérie, le seul quotidien ouvrant ses colonnes à toutes les tendances de l’opinion démocratique et nationale algérienne, fut interdit en septembre 1955.

Dans La Question, Henri Alleg raconte les tortures qu’il a subies de la part de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 10ème D.P, au domicile de Maurice Audin, son ami arrêté la veille et qui sera torturé à mort,
Henri Alleg est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé et subit un interrogatoire mené après une injection de penthotal. Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d’Alger. C’est là qu’il écrira La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.

Tout d’abord publié en France aux Éditions de Minuit, l’ouvrage est immédiatement interdit mais les partisans de l’Indépendance de l’Algérie continuent à le faire circuler sous le manteau . Ce livre a considérablement contribué à révéler le phénomène de la torture en Algérie.

Trois ans après son arrestation, Henri Alleg est inculpé d’"atteinte à la sûreté extérieure de l’État" et de "reconstitution de ligue dissoute" et condamné à 10 ans de prison. Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes d’où il réussira à s’évader..

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