Une tribune pour les luttes

IBRAHIM SYLLA : La vérité, toute la vérité, rien que la vérité

Article mis en ligne le mardi 17 avril 2007

Deux semaines après le mystérieux et abominable meurtre de Ibrahim Sylla, 28 ans - étudiant guinéen en mathématiques à l’université de Luminy à Marseille - l’enquête fait, toujours, du sur place. Cet étudiant sans histoire rentrait de son travail aux alentours de 00h30 lorsqu’il a été cruellement battu, à mort. On lui aurait porté plus de trente coups de couteau avant d’être aspergé d’essence et brûlé, puis jeté comme une vulgaire ordure dans un fossé.

Ibrahim est arrivé en France en octobre 2005. Il laisse derrière lui sa femme, enceinte, qu’il a épousée en septembre dernier. C’est le chien d’un riverain marseillais qui fit, le lendemain, la macabre découverte. Mais le caractère sibyllin de ce meurtre ne porte pas seulement sur le profil de ses bourreaux et du mobile de leur conduite. Il réside même dans le mutisme des médias et de toute la classe politique française dans l’affaire. Ce qui plonge la famille de Ibrahim, ses amis et ses proches dans les abysses de la perplexité.

A l’autre bout de l’Hexagone, et au même moment, peut-être même à la même heure - dans la nuit du samedi 31 mars au dimanche 1er avril 2007 - un autre acte odieux et condamnable fut perpétré. Il s’agit de la profanation de cinquante-trois tombes juives du cimetière de Lille Sud à la veille des fêtes de Pessah, la Pâque juive.

C’est alors que toute la classe politique, de Marie-George Buffet à Jean-Marie Le Pen en passant par Ségolène Royal et Jacques Chirac, pour ne citer que ceux-là, en plus de Martine Aubry (maire socialiste de Lille qui s’était rendue sur place le même jour, dimanche 1er avril), s’est mise, à brûle-pourpoint, à rivaliser de déclarations, condamnant de la manière la plus ferme cet acte, il est vrai odieux.

Cependant, à la différence du meurtre de Ibrahim pour lequel la classe politique semble s’en tamponner le coquillard, aucune condamnation d’aucun politique n’aura été, jusque-là, enregistrée. Quant aux médias nationaux, c’est motus et bouche cousue jusqu’à ce que France 3 en fasse brièvement l’écho, et ce, seulement à partir du mardi 3 avril.

Comment rester indifférent face à pareille bassesse et ne pas se sentir offusqué, et révolté même, en présence de ces deux poids et deux mesures ? On croit rêver. L’on se demande si c’est, réellement, d’une vie humaine qu’il est, ici, question. Les sempiternelles et lancinantes questions que l’on se pose ne sont, cependant, pas en reste dans cette affaire.

S’agit-il d’un règlement de comptes, d’un crime crapuleux, d’un crime raciste ou d’un assassinat ? Pourquoi l’enquête traîne-t-elle tant en longueur ? Qui se cache derrière « ce maquillage ordonnancé » d’un crime aussi barbare ? Est-on si embarrassé d’ébruiter la nature exacte de ce crime (raciste ?) pour révéler la vérité ? La crainte de revivre des émeutes, à l’instar de celles occasionnées par la mort de Bouna et Zyed le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, serait-elle à l’origine de ce silence on ne peut plus coupable ?

Autant de questions qui laissent abasourdis plus d’un citoyen épris de droit, de justice et d’égalité. Un triptyque pourtant cher à la patrie des Droits de l’homme.

DIAGANA Abdoulaye-Bocar

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