Une tribune pour les luttes

Est-ce que tout est admissible pour avoir quelques voix de plus ?

Aix Solidarité, ASTI d’Aix, Cimade du Pays d’Aix, LICRA Aix et Pays d’Aix, LDH section Aix

Article mis en ligne le vendredi 20 avril 2007

Cette fois encore les élections sont l’occasion de dérapages verbaux, de discours de haine, d’amalgames malveillants.

Il est normal qu’en cette période les débats soient assez vifs mais il y a des lignes jaunes à ne pas franchir : la stigmatisation et le rejet des plus pauvres, l’utilisation de boucs émissaires, l’intolérance, le racisme... Les dérapages censés rapporter des voix en dressant des catégories les unes contre les autres ont pour premier effet de briser le patient travail de nos associations pour la défense des droits de l’homme. Si des candidats à la présidence de la République peuvent se permettre de tels propos, cela semblera vouloir dire qu’il est normal de parler ainsi en politique, que le dérapage délibéré, la rumeur haineuse, le ressentiment attisé sont fondés et légitimes.

Malgré le ton « adouci » de son leader, l’extrême droite représente toujours un extrémisme agressif. Rêvant d’introduire des discriminations partout, rappelant à la télévision ses évidences au sujet de l’inégalité des races, insultant les homosexuels, plaisantant à propos de l’expulsion d’enfants non régularisés, confondant, comme les nazis, l’écologie et la préservation de la pureté identitaire de la nation... l’extrême droite reste un danger mortel pour toutes les valeurs qui fondent l’Etat de droit. Que les sondages, souvent trompeurs, ne mettent pas en défaut notre vigilance face à un danger que notre histoire nous apprend à ne jamais sous-estimer.

Mais il n’y a pas que Le Pen (et De Villiers), il y a la lepénisation des esprits.
L’instrumentalisation des thèmes et des façons de parler du FN est devenue monnaie courante, même dans des partis « républicains ». Pur plagiat, « copie » inspirée de « l’original » ou participant du même esprit, les dérapages et les surenchères scandent désormais les campagnes électorales.

« La France, aimez-la ou quittez-la » : ce slogan du Front national adressé évidemment aux « immigrés » a été repris par De Villiers puis par Nicolas Sarkozy. Il propage le soupçon de déloyauté des immigrés vis-à-vis de la France. De toute façon ce n’est que dans les pays totalitaires qu’on exige des démonstrations d’amour envers la nation ou ses dirigeants.

En évoquant « une France exaspérée par la contestation de l’identité nationale par une immigration non maîtrisée » et l’érection d’un ministère « de l’immigration et de l’identité nationale » pour endiguer ce péril, Nicolas Sarkozy cherche à faire peur à la manière et avec le vocabulaire de Le Pen. La théorie de la défense de l’identité nationale menacée par l’immigration non contrôlée a été introduite par l’extrême droite dans les années 1980 pour justifier ses appels à l’épuration raciale de la France sans utiliser un vocabulaire explicitement raciste.

Ces discours attisent la haine contre « l’immigré » qui détruirait « l’âme éternelle » de la France.
Ces accusations malveillantes procèdent par amalgame.
Il s’agit de faire peur en présentant une immigration qui nous submergerait alors que les chiffres de l’immigration en France sont stables depuis des dizaines d’années.
Enfin l’identité française n’est pas une essence pure et immuable. Elle évolue (nous ne ressemblons pas du tout aux Gaulois) et elle s’enrichit depuis toujours d’apports étrangers.

Les « immigrés » qui sont en France depuis plusieurs générations ne sont plus des immigrés mais des Français. De nombreuses et sérieuses études ont montré depuis longtemps que leur culture, pour l’essentiel, est devenue française.
Nicolas Sarkozy est aussi le candidat « de ceux qui se lèvent tôt » qu’il oppose ainsi que Le Pen, De Villiers et autres, aux « assistés ».

Ce vocabulaire, emprunté aux ultralibéraux américains, fait du chômeur ou du rmiste non une victime d’un système économique qui n’offre pas de travail à une grande partie de la population, mais un coupable, un paresseux. Il ne trouverait pas de travail parce qu’il se raccrocherait aux moyens d’assistance qui lui seraient trop généreusement prodigués. Ces accusations sont infondées : dans tous les pays la courbe du chômage suit les fluctuations économiques et non les particularités psychologiques des chômeurs. Elles stigmatisent les plus pauvres, établissant une barrière entre les « honnêtes gens » qui « se lèvent tôt le matin » pour lesquels on prend parti, et ces êtres perdus qui suscitent suspicion et animosité : ceux qui en sont réduits aux minima sociaux.

Ce ne sont que quelques exemples. Il y en a beaucoup d’autres.

Refusons de cautionner ces débordements. L’intolérance, la haine, le mépris ne sont pas des arguments légitimes du débat politique.

Il est temps de les dénoncer quel que soit le candidat qui les emploie.

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