Une tribune pour les luttes

La privilégiée

par Patricia Manignal

Article mis en ligne le dimanche 20 mai 2007

(La pute de quatrième zone)

J’en ai marre
De me bourrer de médocs pour roupiller le soir.
J’ en ai ma claque d’emprunter chaque semaine,
Ce chemin qui ne mène nulle part.

La pute de quatrième zone
Rêve parfois encore un peu.
Elle couche avec un clochard miteux
Qu’elle sublime en demi-dieu

La pute de quatrième zone
A mal aux dents de sucer les taxis, les photographes
Elle compose son épitaphe avec son joli stylographe
De cristaux bleus de soleils verts de sable jaune

J’en ai marre de gratter à tous les ateliers
Pour un sourire, un coup de fil
des cloppes, un verre,
Quelques cachets.
Une sournoise envie de crever
Ou encore d’aller me cacher.

La pute de quatrième zone
Vit au troisième étage d’un clapier
Dans ce quartier que tu connais.
Parait xé t’un déchet oui mais elle a un toit
Elle est peut-être plus heureuse que toi !

Elle en a bien assez de faire les même gestes,
De voir les mêmes faces au sourire sournois
Du fonctionnaire aigri, enflé, trop sur de soi
A l’exclu de charclo qui l’insulte et qui boit
Quand elle est aux abois.

La pute de quatrième zone
N’est nullement de race jaune
la peau claire, le nez balafré
Par un suicidé avorté.
Le look plutôt gothique
Un peu tardif.
Son monde s’est étréci
le geste et le sourire poussif.
Le regard révolté, languide et pensif

Se faire frapper chez elle
Jusqu’à devenir bleue
Au niveau de la tête, la face, les bras,
Le contour des deux yeux.
C’est pas toujours jouissif.
La pute de quatrième zone. A un petit air agressif.

Je suis une privilégiée.
J’ai l’AAH
Ca me paye le loyer.
En plus, je suis exonérée.
Ma petite pension, ma petite maman.
Et la contribution de mon si bel amant
M’offrant des quolibets comme autant de diamants.
C’est un si bon amant.

Je suis cette privilégiée
Qui vit tout au fond d’un clapier.
Pour m’évader, je squatte mon clavier
Ce n’est pas tous les jours le pied.
La pute de quatrième zone
N’est pas du tout de race jaune.

C’en est bien fini du voyage
Il faut apprendre à être sage.
Du fond de l’âme, la lame de fond
Rugit comme un tigre en cage
Le ciel jaunâtre devient orage
Mieux vaut mourir que vivre en otage
Tel est mon ultime message.

Patricia Manignal.
Le 15 Mai 2007-05-15 à Marseille.

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