Une tribune pour les luttes

Une justice équitable ?

12 raisons d’espérer pour Mumia Abu-Jamal

Par Julia Wright (Cosimapp), porte parole de Mumia en France

Article mis en ligne le samedi 9 juin 2007

Dans l’affaire Mumia Abu-Jamal, l’audience fédérale (cour du troisième circuit) du 17 mai dernier à Philadelphie a été marquée par un succès juridique et militant qui n’est pas tombé du ciel. Il est le fruit de la lutte obstinée menée depuis un quart de siècle - depuis le jour de l’arrestation de Mumia Abu-Jamal, le 9 décembre 1981 - pour que l’innocence qu’il clame, les preuves de celle-ci et les témoins qui la corroborent soient enfin pris en compte par la justice américaine.

Chacun des combats gagnés énumérés ci-dessous a été obtenu de haute lutte et nous incite à plus de vigilance encore. Rappelons d’abord que, le 17 mai,
les arguments de la défense ont principalement concerné le racisme qui a perverti tous les aspects de la procédure ayant conduit à la condamnation à mort de Mumia : racisme du juge Sabo qui détenait avant son décès le record
des condamnations à mort aux États-Unis (ciblant presque toutes des minorités), racisme dans la sélection des jurés, pourtant interdit depuis 1986 par la Cour suprême.

Or, pas à pas, date à date, événement par événement, le mouvement international pour Mumia a exposé les mythes, a dévoilé les mensonges, a brisé le silence des médias mercenaires et des politiciens n’hésitant pas à promettre des scalps pour se faire élire. Ainsi, il a fait de l’affaire Mumia une affaire-jalon, d’ores et déjà de proportion inédite :

1. Deux événements au moins, programmés aux États-Unis en amont du 17 mai, furent ciblés par l’Ordre fraternel de la police (FOP) et divers gangs d’extrême droite à son service. Ainsi, les locaux où devaient se tenir le
concert hip-hop pour Mumia à New-York le 12 avril, puis un mois plus tard un hommage à Mumia par le Syndicat des écrivains de New-York furent menacés sinon fermés et le soutien à Mumia dut délocaliser ces événements, gagnant
ainsi de nouveaux lieux d’audience pour sa cause.

2. Dans la même démarche de renouvellement, le 17 mai a inspiré la fondation d’une nouvelle association américaine, Journalists for Mumia (voir www.abu-jamal-news.com), afin de contrer les manipulation des médias.

3. Le 17 mai avaient été invitées des personnalités spécialistes du CoIntelPro (programme clandestin du FBI pour surveiller, infiltrer, harceler et assassiner les opposants au gouvernement), son histoire, ses objectifs et
sa présence avérée dans le coup monté contre Mumia. Ce choix a magistralement complété le volet juridique en condamnant LE RACISME POLITIQUE qui a perverti le procès originel - autant que le racisme tout court. Citons, parmi d’autre, Ward Churchill, l’expert le plus connu du CoIntelPro, Kathleen Cleaver, ancienne secrétaire internationale des Panthères noires et co-organisatrice du Tribunal international pour Mumia (1997) et Cynthia McKinney, élue noire à la Chambre des représentants jusqu’
à son éviction suite à l’enquête qu’elle y avait menée sur l’illégalité du CoIntelPro. Sans parler de la présence de piliers du mouvement de soutien, telles Pam et Ramona Africa (Move), et de délégations étrangères, les plus remarquées étant celles venant de France et d’Allemagne - de cette dernière nous vient un nouveau livre jetant une lumière inédite sur les manipulations
policières.

4. Encore à la mi-mai, la France était aux avant-postes de l’affaire, grâce à la décision courageuse, créatrice et historiquement inédite dans ce pays, de la municipalité de Saint-Denis de nommer une nouvelle rue en l’honneur d’
un condamné à mort « pour qu’il ne meure pas ». Cette initiative avait créé un tel tollé chez les néo-libéraux américains qu’une résolution fut votée en catimini à la Chambre des représentants, avant sa reprise par les Démocrates, pour sommer Saint-Denis de débaptiser la rue. Le 17 mai tombait quelques jours après le premier anniversaire de l’inauguration de cette rue, anniversaire marqué par la présence à Paris puis à Marseille d’une
délégation de personnalités du monde abolitionniste américain, car.

5. L’unité entre la lutte pour l’abolition de la peine de mort et la libération des prisonniers politiques révolutionnaires tel Mumia a été forgée et a résisté à l’assaut de ceux qui ont voulu « dépolitiser » le
mouvement abolitionniste aux États-Unis, tentant de le mettre en contradiction avec la lutte pour les idées de Mumia. Mais la présence, dans la délégation du premier anniversaire de la rue Mumia, d’Harols Wilson - 122e condamné à mort finalement innocenté, ancien voisin de cellule de Mumia qui l’aida à gagner son combat pour l’innocence - est une illustration forte de l’alliance entre Mumia et les abolitionnistes.

6. L’idée de donner le nom de Mumia à une rue est née en fait à Marseille, dont le Comité Mumia fait aujourd’hui partie d’un réseau de soutien transpyrénéen qui descend jusqu’à Barcelone. La municipalité de Marseille
étant politiquement loin d’une telle initiative, le comité de Marseille renomme symboliquement un boulevard chaque année depuis 12 ans. C’est inspirés par l’« inventivité » des militants français que Suzanne Ross et Sundiata Sadiq, coordinateurs new-yorkais pour Mumia, ont lancé un Comité
pour nommer une rue Mumia à Harlem. Les rues essaiment, les mouvements de rue ne pourront que suivre.

7. L’affaire Mumia est de plus en plus un prisme à travers lequel les mouvements historiques d’opposition à l’impérialisme américain se cimentent dans la mobilisation. L’on sait qu’avant la fin des années 90, le pacte de
solidarité internationale Leonard Peltier-Mumia Abu-Jamal était scellé par un échange de lettres entre ces deux prisonniers emblématiques. Les Panthères noires et Move sont unis dans leur combat pour la reconnaissance
du statut de prisonniers politiques. Et les écrivains anti-guerre tels Noam Chomsky et Howard Zinn ont tous signé pétitions et déclarations pour Mumia.

8. Un nouvel ouvrage, Race against Death : a Black Revolutionary in White America, par Michael Schiffman, vient de publier des photos inédites de la scène du crime prises par un journaliste indépendant arrivé le premier sur
les lieux, qui prouvent qu’il y eut manipulation des preuves par les policiers arrivés par la suite. Une photo montre ainsi un policier TENANT A MAIN NUE L’ARME DU CRIME. L’accusation ayant refusé de prendre en compte ces
photos gênantes pour elle, celles-ci ne furent pas soumises à l’examen des jurés lors du procès originel !

9. Le 17 mai, les trois juges d’appel fédéraux, certainement influencés par les répercussions internationales de l’affaire, ont montré par leurs
questions une impartialité inédite, quand seuls l’arrogance et le racisme étaient jusqu’ici de mise. Et ceci malgré le fait que deux des juges avaient été nommés par Reagan, le troisième seul l’ayant été par Clinton.

10. La stratégie efficace de Move consiste à porter l’affaire ainsi que l’urgence de l’abolition de la peine de mort devant les instances nationales d’organisations modérées, qu’elles soient noires ou blanches. Ainsi, l’intervention mémorable de Pam Africa à la Conférence national de la NAACP (association représentant la bourgeoisie noire) a fait naître une nouvelle NAACP de base, alliée à la NAACP-Legal Defense Fund qui a toujours été plus radicale, or.

11. C’est de la NAACP-Legal Defense Fund qu’est venue la véritable surprise du 17 mai en la personne de Christina Swarns, avocate africaine-américaine brillante, qui fit une impression certaine sur les juges et surtout sur le
public. Une femme noire de talent et de combat s’est levée pour Mumia. C’est ce que Harlem et les ghettos, de Philadelphie à Chicago, retiendront de ce 17 mai, jour où défilèrent pour Mumia les comités de Toronto, Amsterdam,
New-York, Chicago, San Francisco, San José (CA), Londres.

12. Une seule question demeure : nous sommes arrivés au tournant décisif et maître Robert Bryan, qui rappelons-le a accepté d’agir pro bono, acceptera-t-il une entente plus étroite et imbriquée avec la stratégie militante analysée plus haut, acceptera-t-il de céder la place à celle ou à
celui plus à même de représenter Mumia dans la phase finale - ou au moins d’ouvrir son équipe à Christina Swarns ou à d’autres femmes et hommes du barreau international, dont le talent et la rage de sauver des vies ne font plus l’ombre d’un doute ?

Julia Wright, 3 juin 2007



Vous pouvez télécharger en MP3
la conférence du 2 mai à la librairie Païdos.

www.documentaires.info/index.php?op...

Association de Soutien à la Production Indépendante de documentaires.


P.-S.

Comité de soutien à Mumia Abu-Jamal
mumia.marseille chez free.fr

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