Une tribune pour les luttes

Biens mal acquis ... profitent trop souvent

Article mis en ligne le jeudi 21 juin 2007

Le CCFD publie un document de travail sur le patrimoine placé à l’étranger par les dictateurs des pays du Sud, dans lequel il dénonce les complaisances occidentales à leur égard et le rôle délétère des paradis fiscaux et judiciaires.

Pour les organisations de la société civile africaine, « l’entrée des relations entre la France et l’Afrique dans une nouvelle ère suppose en particulier de saisir et restituer les biens mal acquis et les avoirs détournés par nos dirigeants et leurs complices. » C’est ce qu’elles ont exprimé dans leur « Appel pour une autre relation entre la France et l’Afrique », publié dans Le Monde du 13 février 2007 à l’intention des candidats à l’élection présidentielle française.

C’est en écho à cette demande forte des peuples africains que le CCFD publie aujourd’hui un document d’étude sur les avoirs et les biens détournés par les régimes autoritaires des pays du Sud au cours des dernières décennies.

Ce rapport très complet (126 pages) met en lumière l’importance du patrimoine accumulé dans les pays occidentaux et les paradis fiscaux par les dictateurs (près de 200 milliards de dollars) et la faiblesse des montants saisis et restitués aux pays spoliés. Il explore en détail les procédures de restitution, leurs limites, le rôle des paradis fiscaux et judiciaires et l’attitude de plusieurs pays riches, dont la France.

Principales conclusions du rapport :

Le rapport complet se trouve sur le site du CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement.

www.ccfd.asso.fr

Le parquet de Paris a ouvert une enquete suite à la plainte déposée
par les associations Sherpa, Survie et Federation des Congolais de la
Diaspora.

Deux présidents africains sont visés : O. Bongo et D. Sassou Nguesso.

La plainte se base notamment sur le travail réalisé par le CCFD et le
rapport "Biens mal acquis profitent trop souvent" qu’on peut trouver à
l’adresse suivante :

http://www.ccfd.asso.fr/ewb_pages/i/info_999.php

Egalement sur le site d’[www.Afrik.com

mercredi 20 juin 2007,

Bongo, Sassou Nguesso, Compaoré, Obiang Nguema, Dos Santos : la fin de l’impunité ?

par Saïd Aït-Hatrit

Denis Sassou Nguesso et Omar Bongo Ondimba, les deux chefs d’Etats emblématiques de la « françafrique », inquiétés par la justice, en France ? Le parquet de Paris a annoncé en début de semaine l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre des présidents congolais et gabonais, suite à la plainte déposée contre eux, le 27 mars dernier, par l’association de juristes Sherpa, la Fédération des congolais de France (FCF) et l’association Survie, pour « recel de détournement de biens publics ». Les présidents burkinabé Blaise Compaoré, équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema et angolais Eduardo Dos Santos sont également concernés, même si les plaignants disposent actuellement de « moins d’éléments les concernant », explique Yann Queinnec, juriste du réseau Sherpa spécialisé en droit des affaires.

« Pourquoi attendre qu’ils soient déchus ? »

Pour lancer leur attaque, les trois associations se sont appuyées sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui présume l’existence d’une infraction « lorsqu’une personne ne peut pas justifier des ressources correspondant à son train de vie ». Or, le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), « Biens mal acquis... profitent trop souvent », publié en mars dernier et sur lequel elles se basent, liste « un patrimoine considérable qu’aucun des revenus connus [de ces présidents] n’est susceptible de justifier », affirment-elles.

Si la partie est loin d’être gagnée, Sherpa, Survie et la FCF ont déjà fait savoir mardi qu’« une culture d’impunité tranquille est pour la première fois ébréchée ». La décision du parquet de Paris est importante dans la mesure où depuis toujours, au Mali (Moussa Traoré), au Nigeria (Sani Abacha), au Liberia (Charles Taylor), au Kenya (Arap Moi) et sur tous les continents, les actions entreprises contre des chefs d’Etats soupçonnés de détournement de fonds l’ont toujours été après leur chute. Le plus souvent, les procédures et demandes de restitution ont été enclenchées par leurs propres remplaçants, indique le rapport du CCFD. Or, « pourquoi faudrait-il attendre qu’ils soient déchus ? C’est précisément pour garantir leur impunité qu’ils se cramponnent au pouvoir », arguent les plaignants.

Après le bâtiment, les ressources naturelles ?

Faut-il voir un lien entre la réponse apportée à ce dossier et la promesse faite par Nicolas Sarkozy, durant sa campagne présidentielle, de rompre avec les pratiques du passé ? Le quotidien algérien El Watan, qui fait le rapprochement entre ce nouveau dossier et les récents développements dans l’affaire Borrel, titre mercredi sur « la fin d’une ère » : « celle de Chirac et plus loin encore de cette vision gaulliste qui avait contribué à l’édification de la France-Afrique ».

« Logiquement, non, explique pour sa part Yann Queinnec. Il ne peut pas y avoir de lien entre un changement à la tête de l’exécutif et la magistrature suprême. Mais cela peut dénoter d’une ère du " ne plus laisser faire". Peut-être les magistrats saisis se sentent-ils les coudés plus franches ? » Les trois associations plaignantes ont en tout cas indiqué mardi que cette « première en France (...) devra être déclinée, prochainement, dans d’autres pays ». Et qu’elles mêmes « demanderont l’élargissement de l’enquête en cours à d’autres dirigeants et leurs clans »

Cependant, leurs investigations ne porteront pas sur les gros dossiers, ceux du pétrole, des richesses naturelles pillées et des sociétés écrans. « Il n’est pas exclu que cela survienne à l’avenir. Mais nous sommes actuellement sur les wagons de queue, ceux qui concernent l’utilisation de l’argent qui s’est évaporé, explique Yann Queinnec. Le pétrole, c’est une autre histoire, c’est plus visqueux, plus complexe. Là, nous sommes sur des biens immobiliers, du dur et des faits plus faciles à prouver. »

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