Une tribune pour les luttes

Communiqués du 26 et 30 juin 2007

Les procès de l’expulsion manquée du 26 mai dernier du vol Air-France pour Bamako

Un premier résultat encourageant...

Article mis en ligne le dimanche 1er juillet 2007

Le tribunal de Bobigny a reconnu que Salif Kamaté, sorti évanoui du vol Air France le 26 mai, n’avait fait que se défendre contre les policiers.

Salif Kamaté comparaissait vendredi devant le tribunal de Bobigny pour « refus d’embarquement, séjour irrégulier sur le territoire et violences sur dépositaires de l’autorité publique ». Ce refus d’embarquement dans le vol Air France Paris-Bamako du 26 mai a été largement médiatisé, puisque les conditions dans lesquelles les policiers ont tenté de l’empêcher de respirer ont suscité l’indignation des passagers - dont l’équipe du cinéaste Laurent Cantet - et amené le commandant de bord à annuler le vol.

Salif Kamaté, entré régulièrement sur le territoire en 1972 au titre du regroupement familial, a eu une jeunesse perturbée et a été condamné deux fois pour trafic de drogue. Il a purgé ses peines, devenues doubles quand elles ont été assorties d’une interdiction du territoire. Cette interdiction l’a rattrapé quand il est allé en préfecture vérifier l’avancement de son dossier de régularisation. Salif Kamaté a aujourd’hui cinquante ans, et plus aucun lien avec le Mali. Si le tribunal a confirmé le défaut de titre de séjour et le refus d’embarquement, il ne fixera la peine encourue que le 14 mars 2008, lui laissant le temps de « justifier de démarches de régularisation ». Les violences « sur dépositaires de l’autorité publique », qui concernaient un policier mordu au bras dont la blessure avait été justifiée par sept jours d’interdiction temporaire de travail, ont été « commandées par la nécessité de la légitime défense » en raison du « caractère manifestement excessif de la contrainte exercée par les policiers », a estimé la présidente du tribunal.

Rappelons que les policiers avaient fait avaler à Salif Kamaté, diabétique et asthmatique, un cachet blanc « pour se sentir mieux », après lequel il s’est mis à trembler, a eu des nausées, s’est senti étouffer. D’où sa réaction de vouloir sortir pour trouver de l’air, contrecarrée par une intervention policière très musclée, au cours de laquelle il a, effectivement, mordu le policier qui l’étouffait, et qui s’était achevée par sa perte de connaissance. Les policiers et les passagers l’ont même cru mort. Il a été sorti de l’avion évanoui. Malgré l’examen médical qui a suivi et qui l’a déclaré apte à une garde à vue, refusée ensuite par le juge des libertés, on ne connaît pas la substance qui lui a été donnée. Si le parquet a annoncé sa volonté de faire appel, Salif Kamaté va, lui, saisir aujourd’hui l’inspection générale des services.

Le Réseau Éducation sans frontières a salué, par la voix de Richard Moyon, une « décision exceptionnelle », que Laurent Cantet estime devoir faire jurisprudence : « C’est une décision assez inédite et je suis très content de l’avoir entendue d’un représentant de la justice. Il y a eu quarante-cinq personnes dans cet avion qui se sont levées pour protester. Toute tentative pour trouver un bouc émissaire est aussi insupportable que celle qui atteint, demain, les deux passagers du vol Paris-Bamako, du 28 avril cette fois, appelés à comparaître pour rébellion. De ce jugement, je retiens surtout que cela vaut le coup de se battre. Et, pour un sans-papiers, cette mobilisation -j’ai reçu en une nuit plus de deux cents signatures sur mon appel à soutien - est une reconnaissance de son existence. Il n’est plus un banni, il n’est plus seul. C’est rassurant, valorisant. D’un point de vue psychologique, c’est énorme. »


Vendredi 29 juin, à 13 heures, Salif Kamaté passe en jugement devant la 16ème chambre du tribunal de Bobigny.

Suite à son expulsion manquée du 26 mai dernier (vol AF 796 pour Bamako), dont la violence a été largement relatée dans la presse, les charges retenues contre lui sont lourdes : "opposition à une mesure d’éloignement", "refus d’embarquement" et "coups et blessures contre un policier".

Arrivé en France en 1975 à l’âge de quinze ans, il a obtenu un titre de séjour à sa majorité.

Mais il a aussi plongé dans la toxicomanie, ce qui l’a conduit devant la justice et lui a valu deux condamnations, purgées aujourd’hui, mais assorties d’une interdiction du territoire et de la perte de son titre de séjour. Il a depuis lors réussi à se sortir de la drogue mais reste sous le coup d’une interdiction de territoire, synonyme de bannissement.

Cette situation relève définitivement de la double peine, que Monsieur Sarkozy avait soi-disant abolie quand il était ministre de l’Intérieur.

Il est important d’ailleurs de noter que c’est en voulant vérifier l’avancement du dossier qu’il avait déposé en vue de bénéficier justement de la loi sur la double peine que Salif Kamaté a été arrêté dans un commissariat parisien et directement conduit à Roissy pour être expulsé.

Cette histoire est malheureusement emblématique des pratiques tendant à réguler l’immigration dans notre pays, ou du moins à le faire croire. Le durcissement auquel on assiste aujourd’hui conduit des dizaines de milliers de personnes à vivre dans des conditions indignes des principes qui devraient être les nôtres, traquées, raflées, exploitées un peu plus chaque jour. "Nous ne sommes pas des bêtes", criaient les nombreux Maliens présents ce jour là dans l’avion d’Air France face à la brutalité des policiers français qui tabassaient un des leurs. Ils n’avaient pas la naïveté de croire que la scène qui se déroulait sous leurs yeux était un cas isolé, une simple bavure. Nous non plus.

C’est à plusieurs titres donc que nous voulons manifester notre soutien à Monsieur Kamaté.

Nous tenons d’abord à dénoncer la violence des méthodes utilisées lors de sa tentative expulsion en rappelant qu’il a été débarqué de l’avion sans connaissance et dans un état critique, après avoir été roué de coups, étranglé, et obligé à avaler un médicament destiné à le calmer. Nous jugeons ces méthodes choquantes, indignes d’une police républicaine, et très inquiétantes pour l’avenir de notre démocratie.

Mais nous nous élevons aussi avec force contre les contradictions scandaleuses de la loi sur la double peine, annoncée à grand renfort de publicité mais rarement appliquée. Il y a là une hypocrisie que nous sommes nombreux à dénoncer depuis longtemps et dont Salif Kamaté est une nouvelle victime.

Il a purgé sa peine. Il n’est pas fauteur de troubles, mais victime tout autant de violences policières que d’absurdités administratives. Nous demandons à la justice qu’elle répare les erreurs scandaleuses de l’administration française et qu’elle rende enfin à Salif Kamaté, qui n’a plus aucune attache au Mali, un titre de séjour lui permettant de poursuivre sereinement sa vie en France, parmi les siens. Il en va de la vie d’un homme, mais aussi de la dignité de notre démocratie, trop souvent mise à mal par de telles pratiques.

Adresse postale : C/o EDMP 8 Impasse Crozatier 75012 Paris

- educsansfrontieres chez free.fr /

www.educationsansfrontieres.org

Contacts sur ce dossier :

Laurent Cantet 06 07 44 01 50

Richard Moyon 06 12 17 63 81

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