Une tribune pour les luttes

Projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et mineurs

Peines minimales et excuse de minorité :

Dissuasif ?

Article mis en ligne le lundi 16 juillet 2007

Communiqué de presse

Alors que, mardi 17 juillet prochain, va être examiné à l’Assemblée nationale le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et mineurs, l’Uniopss déplore l’absence d’évaluation préalable des dispositifs existants et de concertation des acteurs dans l’élaboration de ce projet.

Instauration de peines minimales en cas de récidive légale

La remise en cause de l’individualisation des peines

L’Uniopss considère que ce texte constitue une régression en faisant de l’emprisonnement la pierre angulaire de la réponse pénale.

La peine privative de liberté a originellement un triple objectif : punir l’auteur, protéger la société mais aussi permettre l’insertion ou la réinsertion. En érigeant l’emprisonnement comme peine de principe en cas de récidive, le projet de loi remet en cause la pertinence des peines alternatives qui deviennent dérogatoires.

Or les taux de nouvelle condamnation ou de nouvelle condamnation à l’emprisonnement ferme sont plus élevés après avoir effectué de la prison qu’après une peine alternative[1].

Ainsi, en limitant considérablement l’appréciation des juges et le recours aux sanctions alternatives, le projet de loi va entraîner des conséquences préjudiciables, contraires aux finalités recherchées.

Ce projet crée une obligation pour les magistrats de sanctionner systématiquement en cas de récidive et de motiver leurs décisions de ne pas appliquer les peines minimales. Si le projet maintient un pouvoir d’appréciation du juge, il en fait une exception inapplicable.

La justice pénale doit-elle se réduire à une machine à punir, indifférente à la réalité des personnes jugées ?

De plus, eu égard au surnombre de la population carcérale actuelle et à l’état des prisons françaises, l’instauration de peines plancher ne va-t-elle pas plutôt entraîner une explosion de la population carcérale ? C’est un risque à craindre. Or, l’impact du projet de loi n’a pas été évalué.

Concernant les mineurs, l’application des peines plancher est d’autant plus choquante qu’ils sont des individus en pleine construction et que les principes de la justice des mineurs tiennent compte des spécificités de cet âge. Le projet de loi contrevient à ces principes.

L’Uniopss tient à réaffirmer son attachement au primat de l’éducatif dans toutes les réponses à apporter aux mineurs délinquants, la nécessité d’améliorer leur prise en charge et leurs conditions de détention, de renforcer ses moyens, de consolider les alternatives à l’incarcération et de développer les réseaux santé mentale / justice.

Plus largement, l’Uniopss alerte sur les réductions de financements affectés à la prise en charge par la PJJ[2] des mineurs et jeunes majeurs pris. L’Etat conserve à ce jour une dette de 55 millions ¤ à l’égard des associations dans ce domaine.

Recours restreint à l’excuse de minorité

A l’encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs

Selon le projet de loi, l’application du principe d’excuse de minorité devient l’exception dès le 3ème acte de violence commis par un mineur, âgé de 16 et 18 ans, qui est alors traité comme un majeur. Pour l’Uniopss, cela contrevient aux principes constitutionnels et internationaux sur la justice des mineurs (convention internationale des droits de l’enfant).

Les actes délinquants commis par des mineurs restent minoritaires, tout particulièrement pour les mineurs délinquants multirécidivistes, bien qu’il soit fortement majoré et amplifié auprès de l’opinion publique. Selon le ministère de la justice, en 2006, seulement 9,76% des affaires poursuivies par les parquets concernaient les mineurs[3]. Par ailleurs, au 31 décembre 2005, 732 mineurs étaient emprisonnés sur une population carcérale totale de 59 500, soit 1,23%.

Or, aujourd’hui, ces mineurs ne seraient plus considérés comme en danger mais uniquement source de danger ? Si les actes de délinquance demandent à être traités avec fermeté, il ne faut pas oublier cependant que la sanction doit permettre la réhabilitation et la réinsertion du mineur délinquant, même récidiviste dans la société. Pour cela, la sanction doit être corrélée avec un accompagnement éducatif structurant. Ainsi, les notions de réparation et d’individualisation de la sanction sont essentielles s’agissant de mineurs.

Le projet de loi axe ses dispositions exclusivement sur le champ répressif, en érigeant la prison comme peine de principe, et en considérant la sanction comme une finalité. Notre attachement aux peines alternatives à la détention est renforcé par l’échec des politiques d’emprisonnement menées au Canada et aux Etats-Unis.

L’exemple américain[4]

Une étude américaine indépendante a établi que le jugement des mineurs renvoyés devant des tribunaux pour adultes qui leur appliquent des peines pour adultes a des effets contre-productifs, dans la mesure où ils sont à leur sortie plus violents et donc plus réitérants que ceux jugés par les tribunaux pour mineurs appliquant un droit spécial.

Parmi les 40 Etats américains concernés, plusieurs ont déjà décidé d’abroger de telles dispositions et de revenir à un droit spécial des mineurs appliqué par des juridictions spécialisées.

En conclusion, l’Uniopss tient à réaffirmer que la peine privative de liberté doit être la sanction ultime quand toute autre solution ne peut être envisagée. Si la privation de liberté reste une nécessité pour protéger la société de la poursuite d’agissements pénalement répréhensibles, elle ne peut être le lieu où se retrouvent les personnes qui ne peuvent bénéficier d’aucun accompagnement ailleurs. La question est de savoir si la prison reste le meilleur moyen pour protéger la société des faits délictueux.

Si la prison ne peut concrètement exercer sa fonction de réinsertion et d’insertion, le renforcement des peines et le primat de l’emprisonnement instauré par la loi permettra-t-il d’apporter une réponse adaptée à la récidive ou, au contraire, au regard des expériences étrangères et des recherches sur le sujet, de constituer un facteur de récidive ?

La prison et la justice doivent être porteurs des valeurs de notre démocratie et encourager chaque personne à réintégrer les valeurs qui l’animent. La préservation de la sécurité publique et de la tranquillité sociale nécessite un engagement de la part de tous dans le cadre du lien social porté par les institutions publiques.

Une analyse détaillée de la position de l’Uniopss sur ce projet de loi
est disponible sur demande.

www.uniopss.asso.fr

[1] Les peines planchers peuvent-elles être facteur de récidive ?, Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1, Panthéon Sorbonne, 8 juin 2007, groupe d’étude de la récidive en Europe.

[2] Protection judiciaire de la jeunesse.

[3] Les chiffres clés de la justice, ministère de la justice, octobre 2006.

[4] Etude, élaborée par un groupe d’experts indépendants et publiée en avril 2007 par l’American Journal of Preventive Medicine : http://www.elsevier.com/wps/find/journaldescri

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Analyse/réflexions c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 2110