Une tribune pour les luttes

Mesures fiscales : on ne prête qu’aux riches !

Article mis en ligne le mardi 17 juillet 2007

Les premières mesures fiscales du nouveau gouvernement, contenues dans le projet de loi sur « le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat », s’inscrivent pleinement dans la logique néolibérale qui consiste à toujours baisser plus l’imposition des plus riches.

La France des rentiers a le sourire !

La justification de cette loi est que les bénéficiares des baisses d’impôt pourront investir davantage et favoriser la création d’emplois... Pourtant, les allègements précédents n’ont jamais démontré cela, les baisses d’impôt ayant surtout accéléré le développement des inégalités. Nous assistons à la mise en pièces de l’imposition redistributive, celle qui permet de réduire les inégalités de revenus et de patrimoines. Alors même que la « valeur travail » est tant invoquée, les mesures du « paquet fiscal » conduiront au résultat paradoxal suivant : les principaux bénéficiaires verront s’accroître leur pouvoir d’achat sans effort, sans mérite et sans travail !

La défiscalisation des heures supplémentaires

Cette mesure, consistant à exonérer d’impôt sur le revenu les heures supplémentaires, est porteuse de nombreux effets pervers. Elle inciterait les employeurs à ne pas relever le niveau des salaires et à déclarer des heures supplémentaires fictives venant masquer une hausse des salaires éventuellement individualisée (les heures supplémentaires peuvent varier d’un salarié à l’autre alors que les augmentations générales profitent à tous les salariés d’une entreprise).

Il s’ensuivrait, dans les entreprises concernées, une stagnation du niveau général des salaires, une augmentation spectaculaire des heures supplémentaires déclarées et, au bout du compte, un manque à gagner en termes de recettes publiques et sociales, là où une augmentation générale des salaires génère de nouvelles ressources. En clair, les salariés ne seraient aucunement bénéficiaires, puisque les heures supplémentaires seraient déclarées en lieu et place d’augmentations générales de salaires.

Par ailleurs, un tel dispositif serait un puissant instrument au service de la flexibilité puisqu’il aurait également pour effet d’inciter, voire d’obliger, les salariés à effectuer des heures supplémentaires se substituant à des créations d’emplois. Le manque à gagner provoqué risque également d’être transféré sur d’autres prélèvements (par exemple la TVA « sociale »), payés par tous les ménages, ou de se traduire par un aff a iblissement de la protection sociale.

Ces effets combinés démontrent bien le caractère trompeur du slogan qui a été mis en avant par le Président pour justifier ces mesures. Plutôt que « travailler plus », on préfèrerait nettement travailler tous et toutes, dans de meilleures conditions et pour un vrai salaire ! C’est possible : en baissant le temps de travail, en partageant les gains de productivité et les richesses produites.
La réduction des droits de succession

Les droits de succession et de donation rapportent environ 8 milliards d’euros au budget de l’Etat. Mais tous les décès ne donnent pas lieu à imposition, loin s’en faut. En 2005, on dénombrait ainsi en France 144 000 déclarations de succession imposables sur un total de 537 000 décès. Par ailleurs, selon un rapport du Sénat, près de 90% des transmissions entre époux et 80% en ligne directe (de parents à enfants) ne donnent pas lieu à imposition au titre des droits de succession.

Le patrimoine moyen transmis en 2005 avoisinait les 144 000 euros, le patrimoine médian ne s’élevait, quant à lui, qu’à 62 000 euros. Seules 10 % des successions portaient sur un patrimoine supérieur à 222 000 euros. Ces chiffres montrent la relative faiblesse de la valeur des patrimoines ; ils prouvent que l’immense majorité des français n’est pas concernée par l’abaissement des droits de succession, contrairement au discours démagogique du gouvernement qui prétend qu’il s’agit d’exonérer la transmission du « fruit d’une vie de travail ».

Le relèvement des abattements applicable en matière de donation et de succession aura un double effet : il allégera la taxation des patrimoines imposables et permettra en outre à chaque parent de transmettre, tous les 6 ans, 150 000 euros à chacun de ses enfants (contre 50 000 euros aujourd’hui).

Or, tout le monde n’a pas les moyens de bénéficier de ce type de largesse : c’est une minorité qui bénéficiera de ces mesures. L’effet prévisible est évident : la circulation des patrimoines se trouvant moins taxée, une infime partie de la population accumulera, au fil des donations et des générations, toujours plus de richesses. Les inégalités de patrimoine vont donc se développer alors qu’elles sont déjà importantes actuellement, puisque 10 % des ménages détiennent déjà 46 % du patrimoine total des ménages.

La réforme du bouclier fiscal

La proposition de rabaisser le seuil de déclenchement du bouclier fiscal à 50% au lieu de 60 % et d’y intégrer, de plus, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) a été une proposition phare du candidat Nicolas Sarkozy.

Voici une mesure taillée pour une poignée de riches contribuables : en 2007, le bouclier bénéficiera à 93 000 personnes pour un coût budgétaire de 400 millions d’euros. Parmi ces bénéficiaires, 16 000 contribuables imposables à l’ISF se verront rembourser 350 millions d’euros et les 77 000 autres se partageront 50 millions d’euros. Avec un bouclier fiscal abaissé à 50 % (et la CSG et la CRDS comprises dans le calcul), le remboursement augmentera significativement pour les 16 000 bénéficiaires actuels. D’autres redevables de l’ISF intègreront le nouveau dispositif, de sorte que le coût budgétaire connaîtrait un hausse spectaculaire.

On estime ainsi à 235 000 le nombre potentiel de bénéficiaires du futur bouclier fiscal. Parmi eux, 13.000 bénéficieront d’un remboursement global de 583 millions d’euros. Le bouclier fiscal ? Une mesure destinée à une élite...

Réduction d’ISF pour investissement dans une PME

Plutôt que de supprimer directement l’ISF, cet impôt symbole de la justice fiscale et de la solidarité, la majorité parlementaire a décidé d’ouvrir plusieurs fronts afin de le vider de sa substance avec : le bouclier fiscal, le relèvement de l’abattement applicable à la résidence principale (de 20 à 30 %) et la réduction de 50 000 euros pour investissement dans une PME.

Dans les faits, le cumul de ces mesures conduirait 95 % des actuels contribuables imposés à l’ISF à s’en trouver exonérés...

Le crédit d’impôt pour intérêt d’emprunt

Il devrait s’agir d’un crédit d’impôt classique dont le taux serait fixé à 20 % des intérêts payés durant une année au titre d’un emprunt souscrit pour une première acquisition d’une résidence principale. Un emprunt de 100 000 euros à 4 % pourrait en toute hypothèse donner lieu en année pleine à une réduction d’impôt d’environ 790 euros. C’est la mesure a priori la mois choquante car elle bénéficierait aussi aux non imposables, à condition toutefois qu’elle soit plafonnée afin d’éviter les e ffets d’aubaine.

Mais il faut tout de même avoir la capacité d’emprunter pour pouvoir bénéficier de cette mesure. N’oublions pas que près de 45 % des français ne sont pas propriétaires : cette mesure ne réglera pas les besoins en logements sociaux et devrait même contribuer à maintenir des prix élevés dans l’immobilier et à rendre encore plus difficiles la recherche de logements à des prix non- prohibitifs.

Un dispositif qui va accroître les inégalités

L’ensemble de ces mesures, contrairement aux discours gouvernementaux, ne visent en rien une quelconque incitation au travail. C’est au contraire, ceux dont les revenus viennent d’abord de leurs placements boursiers, qui vont y gagner ! De plus, un tel manque à gagner budgétaire (environ 15 milliards d’euros en année pleine), ne peut être compensé que par l’augmentation d’autres impôts ou par une réduction drastique des dépenses publiques. Dans un cas comme dans l’autre, la grande majorité des ménages y perdra, en particulier les plus défavorisés, soit du fait de l’augmentation de la TVA par exemple, soit du fait d’une réduction du financement des services publics. Dans un cas comme dans l’autre, c’est bien la solidarité qui est sacrifiée !

15 juillet 2007

http://solidaires.org/

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