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RESF miroir - Alerte de santé publique

Notre société peut-elle sortir indemne de l’expulsion d’enfants ?

Notre société peut-elle sortir indemne de l’expulsion d’enfants sans papiers ?

Article mis en ligne le jeudi 19 juillet 2007

Vous avez entendu parler de l’alerte de santé publique que lancent, à l’initiative du philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag, des professionnels de la santé de l’enfant et de l’adolescent, des enseignants, des parents et des citoyens engagés dans le combat quotidien du Réseau Education Sans Frontières (RESF).

Sans minimiser les dommages évidents subis par les victimes directes de la chasse aux étrangers clandestins, il s’agit de reconnaître que la politique discriminatoire dont ils sont l’objet a des conséquences beaucoup plus larges qu’il n’y paraît, puisque c’est la société tout entière qui est traumatisée quand elle est amputée de certains de ses membres. Et ceci, quelle que soit la conscience que chacun puisse en avoir.

La métaphore de la pollution illustre bien la situation d’une société touchée par la violence faite à certaines de ses composantes. Tout le monde respire le même air pollué. Seuls certains manifestent des symptômes, mais tous sont atteints. Nous faisons l’hypothèse que, quand des enseignants, des responsables d’établissements ou des parents s’opposent ouvertement aux agents de l’ordre qui procèdent aux arrestations et aux expulsions, quand l’autorité scolaire ou parentale s’oppose à une autorité censée assurer la sécurité de tous, quand les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité s’opposent à une certaine conception de la tranquillité sociale, la perception de telles contradictions par les jeunes a inévitablement des conséquences psychologiques.
Tout le monde s’accorde en effet sur le fait que la constitution psychique de l’enfant et son individuation se réalisent par projections mutuelles dans les espaces transitionnels que sont l’école, la maison, le square ... De ce fait, l’enfant ne peut pas ne pas être touché par l’attaque de cet espace transitionnel. De plus, puisque la situation de migrant est une réalité anthropologique - les enfants sont migrants sans en avoir fait le choix - les violences qui leur sont faites sont des atteintes à ce qu’ils sont et non à ce qu’ils font, et provoquent à ce titre des traumatismes non métabolisables.

C’est donc en partant de l’hypothèse que la confrontation de l’individu avec de telles violences souterraines ne peut pas ne pas être offensive, que nous lançons cette alerte de santé publique. Compte tenu de la modestie de nos moyens, l’enjeu en est avant tout politique.

D’ailleurs, un aspect de l’alerte pourra consister en la simple confrontation des répondants, via le questionnaire, à des questions auxquelles ils n’auraient pas réfléchi jusque-là. Nous ne visons pas une exploitation statistique, au sens strict, des résultats de l’étude, mais un approfondissement qualitatif de la question.

Nous distinguons trois terrains d’enquête concentriques : celui des établissements qui accueillent ou ont accueilli des enfants de parents arrêtés ou expulsés ; celui des établissements qui accueillent des enfants de familles « sans papiers » (ou qui, par le jeu du voisinage, notamment, sont très sensibilisés à cette question) ; et celui des établissements qui seraient restés extérieurs au problème.

Nous avons fait le choix de nous intéresser aux enfants et aux adolescents à travers des questionnaires destinés à leurs parents, à leurs enseignants, ou aux jeunes eux-mêmes. Nous souhaitons aboutir à une publication qui tirera une sonnette d’alarme. De taille modeste, de 140 à 180 pages, elle comportera une partie historique décrivant la genèse du projet et son déroulement, et une partie plus professionnelle présentant le cadre de l’enquête et rassemblant les conclusions en termes de santé publique.

Nous prévoyons le lancement de l’enquête à grande échelle en septembre prochain. Et nous vous serons reconnaissants de participer, en tant qu’association constitutive du RESF, à sa diffusion la plus large possible. Nous pensons que l’ensemble des opérations - diffusion et collecte en retour des questionnaires- pourrait occuper le quatrième trimestre de l’année 2007.

Nous vous remercions par avance des dispositions que vous accepterez de prendre pour contribuer à cette étude. Pour toute information sur les étapes antérieures du travail :

http://resfmiroir.org/

NB : Certains professionnels de la santé souhaitent mettre en place sur leurs lieux de travail des cellules psychologiques d’aide aux victimes. La démarche, pour intéressante qu’elle soit, est nécessairement indépendante de l’action du RESF dont la vocation reste l’information et le soutien aux jeunes scolarisés étrangers sans papiers.

le jeudi 19 juillet 2007 à 01h33

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