Une tribune pour les luttes

Communiqué du Comité culturel pour la démocratie au Bénin (CCDB)

Sarkozy en Afrique : pendant la "rupture" politique, la françafrique continue

Article mis en ligne le jeudi 9 août 2007

Avant son arrivée au pouvoir et dans un discours à Cotonou le 19 mai 2006, Nicolas Sarkozy déclarait : « Je crois indispensable de faire évoluer, au-delà des mots, notre relation. L’immense majorité des africains n’ont pas connu la période coloniale. 50% des africains ont moins de 17 ans. Comment peut-on imaginer continuer avec les mêmes réflexes ?...Il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d’autres de la Méditerranée…Il nous faut la débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent…Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés. Il nous faut aussi ne pas nous contenter de la seule personnalisation de nos relations. Les relations entre des Etats modernes ne doivent pas dépendre de la qualité des relations personnelles entre les chefs d’Etat, mais d’un dialogue franc et objectif, d’une confrontation des intérêts respectifs, du respect des engagements pris. »

Tel semblait être la plate-forme programmatique de la politique envisagée par Sarkozy vis-à-vis de l’Afrique ; une politique qui occulte totalement la domination néo-coloniale depuis les indépendances formelles africaines, et pour cause.

La France est une puissance moyenne qui a besoin de son influence en Afrique pour exister sur le plan diplomatique. Un paquet de 10 voix assurées à l’ONU, ce n’est pas rien face à d’autres puissances.

Le commerce entre la France et l’Afrique dégage un solde positif de 5 milliards d’Euros en faveur de la France alors qu’avec la Chine par exemple, il est déficitaire de 10 milliards. Beaucoup de sociétés françaises sont présentes en Afrique, comme TOTAL ; celle de Bolloré ami de Sarkozy qui y réalise 20% de ses bénéfices ; le Groupe de Martin Bouygues, un autre ami de Sarkozy fortement impliqué dans le BTP et la communication ; Castel, le groupe de Bordeaux qui brasse presque toutes les bières d’Afrique de l’Ouest ; Air France qui s’est maintenue à flot à un moment où ses concurrents étaient en difficulté grâce à sa présence en Afrique. La France dont la Banque Centrale n’est plus qu’une succursale de la Banque Centrale Européenne depuis l’Euro, continue de contrôler à travers un service de son Trésor la politique monétaire de presque toutes ses anciennes colonies à travers le Franc CFA ; à cela viennent s’ajouter les banques françaises et d’autres sociétés minières et de services qui font les beaux jours de l’industrie française.

Par ailleurs en continuant à étouffer les langues nationales africaines par l’imposition dans ses anciennes colonies du français comme langue officielle, d’instruction et de travail, la France tente de sauvegarder son influence culturelle en perte de vitesse.

A un moment où la concurrence entre pays impérialistes fait rage comme en témoignent les derniers accords économiques entre la Libye et la France et la réaction et les réserves des Allemands, ce sont là des positions protégées à ne pas négliger.

Il apparaît que si la France de Foccart fait honte à Nicolas Sarkozy, il ne néglige rien pour poursuivre le renforcement des bases du néo-colonialisme français.

On sait comment Yayi Boni a été soutenu pour son arrivée au pouvoir par certains amis de Sarkozy dont Bolloré ; on voit déjà dans le cadre des privatisations qu’il a annoncées avant son dernier déplacement à Paris, que ce dernier entend les remercier en leur cédant certaines de nos sociétés d’Etat.

Pour protéger tous ces intérêts et les chefs d’Etat africains à son service, la France a pré- positionné au Gabon, au Sénégal, à Djibouti, en Centrafrique et au Tchad, des troupes militaires qui veillent au grain. Ce sont là des pratiques impérialistes qui se poursuivent depuis le 19ème siècle. Bien sûr ce n’est plus le colonialisme, puisque celui-ci est historiquement dépassé. Quand Sarkozy dit que les « dictatures, les guerres, la corruption » ce n’est pas le colonialisme, c’est vrai, mais c’est toujours l’impérialisme dans sa forme moderne qui s’appelle le néo-colonialisme ; c’est comme cela que la France est intervenue pour sauver la dictature de Mobutu en 1978 et l’a toujours soutenue jusqu’à la fin ; idem pour Eyadema, idem pour Bongo aujourd’hui. Quand la France intervient au Rwanda aux côtés des génocidaires, c’est pareil. Sarkozy a-t-il oublié toutes les guerres dans lesquelles la France est impliquée en Afrique ?

On ne peut pas être le continuateur de la Françafrique et se prétendre autorisé à lancer un appel à la jeunesse africaine pour une « renaissance » de l’Afrique, à moins d’être un expert en démagogie.

Dans son envolée lyrique à Dakar, Sarkozy a déclaré que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ; une déclaration d’un paternalisme aussi grossier dans une université qui porte le nom du célèbre chercheur CHEIK ANTA DIOP est inadmissible de la part du Président Français.

Dans tous les cas, l’Afrique est en marche et la conscience anti-impérialiste grandit. La jeunesse et les peuples africains savent et réaliseront de mieux en mieux qu’ils n’ont rien à attendre de la Françafrique version Sarkozy.

Voilà pourquoi le CCDB condamne les provocations et déclarations démagogiques de Nicolas Sarkozy lors de son dernier déplacement en Afrique et reste convaincu que les agissements de l’impérialisme français ne sauraient arrêter la marche inexorable des peuples africains vers leur émancipation.

Paris le 28 juillet 2007,

Le C.C.D.B

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