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Communiqué du 8 août de la section française de l’OIP

Malade et sans ressource, la mère d’un jeune portugais suicidé en détention est contrainte de prendre en charge le rapatriement de son corps.

Article mis en ligne le vendredi 10 août 2007

Paris, le 8 août 2007

Communiqué

Maison d’arrêt de Clermont-Ferrand (63) : Malade et sans ressource, la
mère d’un jeune portugais suicidé en détention est contrainte de prendre
en charge le rapatriement de son corps.

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

En détention provisoire depuis le 19 septembre 2006 à la maison d’arrêt
de Clermont-Ferrand (63), M.S., un jeune Portugais de 19 ans, a tenté de
se suicider par pendaison le 30 avril 2007. Hospitalisé au CHU de
Clermont-Ferrand dans un état critique, M.S. y est finalement décédé le
18 mai, trois jours après que le Juge d’instruction ait ordonné sa
remise en liberté. M.S. ne dépendant plus de l’administration
pénitentiaire au moment de sa mort, les frais relatifs au rapatriement
de son corps ont été entièrement supportés par sa famille qui ne dispose
pourtant que de très faibles ressources.

Incarcéré pour s’être soustrait aux obligations du contrôle judiciaire
auquel il était soumis, M.S. occupait une cellule collective pouvant
accueillir jusqu’à 8 personnes détenues. Dans la matinée du 30 avril,
M.S. tente de se pendre dans les toilettes de la cellule. Il est
découvert peu de temps après par ses codétenus qui tentent de le
réanimer avant l’arrivée des secours. M.S. est ensuite transféré, dans
le coma, au CHU de Clermont-Ferrand où il est placé en réanimation.

Suite à une expertise médicale concluant à un « pronostic vital engagé
 », le 15 mai 2007, le Juge d’instruction ordonne la mise en liberté de
M.S., estimant que « son état de santé est incompatible avec la
détention ». Au moment de sa levée d’écrou, l’intéressé est toujours
plongé dans un « coma anoxique profond ». Il décédera trois jours plus
tard. Alors que selon le chef d’établissement, la famille de l’intéressé
a été alertée le jour même de sa tentative de suicide, l’avocat de ce
dernier a indiqué à l’OIP que lui-même n’a été prévenu que le 16 mai
lorsqu’il a reçu l’ordonnance de mise en liberté de son client.

Interrogé sur les circonstances de ce suicide, le Directeur du service
pénitentiaire d’insertion et de probation (DSPIP) a indiqué à l’OIP que
la commission de prévention du suicide mise en place dans
l’établissement n’avait pas repéré M.S. comme présentant un risque
suicidaire. Le DSPIP a toutefois précisé que M.S. ne parlait pas
français, « ce qui a peut-être empêché l’établissement d’un bon
diagnostic ». Dans un courrier adressé à l’OIP le 19 juillet, le chef
d’établissement a pour sa part expliqué qu’ « en raison de la barrière
de la langue usuelle (le portugais) M.S. avait été affecté dans une
cellule collective dont l’un des occupants, d’origine portugaise,
permettait des échanges et de nous faire savoir s’il rencontrait des
difficultés. Rien n’a été signalé pendant plusieurs mois, et rien ne
laissait transparaître qu’il supportait mal sa détention ». Ayant été vu
« par l’ensemble des partenaires de la maison d’arrêt (UCSA, SPIP), sans
qu’aucun d’entre eux n’ait formulé de remarques particulières le
concernant (hormis la difficulté des échanges », M.S. n’a donc bénéficié
d’aucune prise en charge particulière au cours de sa détention. Contacté
le 4 juillet, un intervenant régulier à la maison d’arrêt a pourtant
rapporté à l’OIP que « les codétenus de M.S. lui avait plusieurs fois
confié qu’il vivait très mal son passage en prison ».

S’agissant du rapatriement du corps au Portugal, le chef d’établissement
a déclaré à l’OIP qu’ « en raison de la décision de justice (ordonnance
de mise en liberté), l’administration pénitentiaire a été désaisie des
suites de la prise en charge ». La famille de l’intéressé a donc du en
assurer seule le financement, et ce, bien qu’une « attention
particulière ait été apportée à cette situation, en lien avec le SPIP ».
En effet, ce dernier « s’est rapproché des services de l’Etat, de
l’association socioculturelle, ainsi que du Consulat portugais, pour
tenter de trouver des aides de financements, mais sans résultat ».
Interrogé par l’OIP, le Consulat a admis que « le coût financier,
environ 4600 euros, a été conséquent pour la famille qui se trouvait
déjà dans une situation très précaire due notamment au cancer généralisé
dont souffre la mère de M.S. ». Cette dernière ainsi que l’un de ses
autres fils ont du également financer leur voyage en France. Une partie
des frais engagés a toutefois pu être prise en charge par plusieurs
associations portugaises de la région de Clermont-Ferrand.

M.S. n’étant plus sous écrou au moment de son décès, son suicide ne sera
pas comptabilisé dans le relevé annuel des suicides établi par
l’administration pénitentiaire. Interrogé à ce sujet, le chef
d’établissement a tenu à préciser, après en avoir référé à sa
hiérarchie, « qu’il ne tenait pas une comptabilité et encore moins de
statistiques lorsqu’il s’agit du décès d’une personne humaine,
fusse-t-elle détenue ». Il a en revanche assuré à l’OIP « que les
services de la Direction Interrégionale prennent en compte ce décès,
l’acte ayant été commis en détention ». Contacté par l’OIP le 3 août,
ces derniers ont en effet déclaré « qu’il serait malhonnête de [leur]
part de ne pas en tenir compte », tout en concédant qu’à ce sujet « il y
a une divergence de point de vue avec la Direction de l’administration
pénitentiaire (DAP) ». Contactée à son tour le 7 août, la DAP a rétorqué
qu’il était « logique que le décès de cette personne ne soit pas recensé
comme suicide en détention, étant donné qu’il est survenu alors qu’elle
était en liberté ».

L’OIP rappelle :

- le rapport du Professeur Terra sur la prévention du suicide des
personnes détenues (novembre 2003) qui constate que « le repérage des
personnes en détresse est très insuffisant pour prévenir le suicide car
il ne présente aucun caractère systématique. Ainsi, seulement un quart
des personnes décédées par suicide avaient été repérées comme
suicidaires ». Le rapport relève en outre qu’« en 2001-2002, près de la
moitié (47,3%) des personnes détenues qui se sont suicidées étaient
prévenues alors que la part des prévenus au sein de la population
carcérale était de 33,2 % au 1er janvier 2002. ».

- la circulaire du 12 mai 1981 sur l’« Amélioration des relations entre
l’administration et les proches d’un détenu malade ou décédé »
soulignant que « l’entourage d’un détenu, (...), déjà bien souvent
éprouvé par la détention elle-même, mérite, dans des circonstances
pénibles comme celles-ci, une considération et une compréhension
particulière ».
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