Une tribune pour les luttes

« Reporters sans frontières », proxénète de l’information

Par Djamal Benmerad

Article mis en ligne le mercredi 26 septembre 2007

« Reporters sans frontières » est, de nouveau, l’objet d’un scandale financier. C’est l’occasion de faire connaître à nos lecteurs cette organisation, dont même les professionnels de la presse ignorent la composition, les critères véritables de fonctionnement…et les humeurs.
L’interdiction faite à Robert Ménard de pénétrer en territoire tunisien et donc d’assister au SMSI, Sommet mondial sur la société de l’information (du 16 au 18 nov. 2005), a éclipsé dans les médias l’événement principal lié à ce sommet. Cette perversion de l’information s’est opérée grâce à la conjonction de deux batteries : les médias bien pensants et RSF qui se sont accordés à reléguer au second plan l’essentiel : les intolérables et quotidiennes atteintes aux libertés au pays de Ben Ali. Le téléspectateur et/ou le lecteur n’aura retenu qu’une chose : l’exhibitionnisme de Robert Ménard qui partage avec Zine El Abidine Ben Ali une passion commune pour la présidence à vie : Ménard s’est démocratiquement auto-désigné patron de RSF en 1985, année de la fondation de cette « ONG », tandis que Ben Ali a fait son coup d’Etat en 1987.

Djamal Benmerad

Le lendemain de son retour forcé de Tunisie, le patron de RSF est invité par Th. Ardisson à « Tout le monde en parle » à raconter son refoulement du territoire tunisien (France 2 du 19 nov. 2005). Une fois de plus, Ménard prend la vedette et ne cache pas sa fascination pour les objectifs des caméras. L’animateur de l’émission n’a pas eu le réflexe professionnel d’interroger M. Ménard sur la situation des grévistes tunisiens de la faim rejoints en guise de solidarité par d’autres grévistes de la faim : des démocrates Marocains… Cette grève de la faim eut lieu avant et pendant le SMSI. Mais M.M. Ménard et Ardisson étaient-ils au courant ?

Cette affaire de SMSI est peut-être l’arbre qui cache la foret RSF. Il faudrait donc revenir en arrière pour retrouver son chemin et ignorer en passant l’absence de protestation de cette « ONG » à l’occasion, il y a quelques jours, du passage à tabac de Nabil Al Mazzawi, caméraman d’Al Jazeera, par des soldats Israéliens alors qu’il filmait une manifestation contre le Mur. Il fut arrêté et son matériel confisqué. Il est vrai que cela pourrait constituer un « point de détail » (Le Pen) à coté de cette mise au rebut de RSF par la famille du caméraman espagnol José Couso assassiné à Baghdad. Voilà ce qu’en écrit à ce propos Jean Guy Allard le 26 janvier 2004 : « A la suite de la publication, le 15 janvier dernier, d’un « rapport » dans lequel RSF absout les militaires qui se sont avoués responsables de l’assassinat du caméraman José Couso, la famille du reporter (…) a publié une note de presse, ce 16 janvier à Madrid, où elle rejette la prétendue enquête et demande à RSF de se retirer immédiatement du dossier. La famille poursuit devant les tribunaux 3 soldats US impliqués dans le bombardement de l’Hôtel Palestine qui a provoqué la mort de Couso(…) Pour la famille, les conclusions de RSF sont appropriées pour défendre des accusés mais non pas pour soutenir l’accusation » (http://vdedaj.club.fr).

Pour le gourou de la secte RSF qui distribue les bons et les mauvais points en matière de liberté de la presse, il est des Etats qui en sont dispensés. Cette cécité sélective poussera RSF à regarder ailleurs quand il s’agira du mystérieux empoisonnement mortel de notre consœur Russe Anna Politkovskaia, journaliste à Novia Gazeta, l’une des publications les plus critiques envers le pouvoir et du décès de son collègue Iouri Chtchecotchikhine, mort des suites étranges d’une maladie inconnue. Signalons que Iouri Chtchecotchikhine était également député et membre de la commission d’enquête sur les attentats de 1999 qui occasionnèrent la mort de 300 civiles, attentats attribués aux islamo-terroristes tchétchènes (Le Monde du 4/ 9/ 2004). Mais notre gueulard de la liberté de la presse sait se situer du bon coté du manche lorsque, quelques mois auparavant (avril 1999), les avions de l’Otan bombardent le siège de la radio serbe, tuant seize personnes. Nous étions quelques dizaines de journalistes à publier l’information qui nous était donnée le lendemain des faits par Jamee Shea lui-même, à l’époque porte-parole de l’Otan. Robert Ménard devait être en congé sabbatique car son silence fit presque autant de bruit que celui des bombardiers de l’Alliance atlantique.

Le jeudi 24 avril 2003 « tombe » sur les écrans d’ordinateurs une dépêche d’Associated Press : « Plusieurs enquêtes sont ouvertes à l’encontre des journalistes et des soldats américains pour des vols en Irak. » Le bon sens voudrait que l’instruction sur les soldats inculpés soit faite par la justice militaire et que RSF entreprenne une enquête morale qui aurait conduit à un verdict moral concernant ces journalistes qui ont attenté à l’honneur de la profession. Que nenni ! Nous attendrons en vain que RSF s’en mêle si l’on ne garde pas en mémoire les cyniques propos tenus par Ménard : « Il m’est arrivé de demander à des journalistes de ne pas trop parler de tel ou tel dérapage de tel ou tel confrère. La plupart des journalistes tiendront compte de mes remarques. » (http://homme-moderne.org). Tous les journalistes au garde-à-vous ! Le boss de RSF ne se contente pas de taire la question des journalistes voleurs, il « ordonnera » aux journalistes d’en faire autant. Dans de tels cas, il faut dire que l’à-plat-ventrisme de RSF fait des émules.

Nous goûtons enfin à la cerise sur le gâteau en parcourant une fois de plus « essawra » : « Dans son rapport annuel, qui couvre 170 pays, RSF situe les violations de la liberté de la presse et le traitement des journalistes par Israël à un niveau comparable à a situation prévalant aux Etats Unis. L’Autorité palestinienne reçoit un carton rouge de la part du proxénète de l’info. Ce classement a provoqué la surprise de Joannes Wahlstrom, un chercheur israélo-suédois en matière de médias et cofondateur de l’International Middle East Media Center (IMEMC) : « Il semble que ce soit l’Autorité palestinienne, et non plus Israël, qui doive être tenue responsable des violations de la liberté de la presse et des agressions contre les journalistes dans les territoires occupés. On dirait que RSF ne reconnaît plus la réalité de l’occupation. Ce changement soudain, pense M. Wahlstrom, est du à des pressions sur RSF qui y aurait cédé. »

C’est tellement « propre » que ça pue

Mais ces atermoiements et ces aphasies conjoncturelles seraient incompréhensibles si l’on ne gratte point là où ça fait mal : l’argent.
Dans le livre « Dissidents ou mercenaires ? » (éd. EPO 1998) deux journalistes, la Belge Katlijn Declercq et le Colombien Hernando Calvo Ospina ont innocemment interrogé R. Ménard sur les ONG financées par les Etats Unis. Dénégation indignée de Ménard : « Notre argent est totalement propre ! » Dans le forum du Nouvel Observateur d’avril 2005, un internaute pose une question : « Dans un article publié par Northern California Media, la journaliste Diana Barahona prétend que vous recevez des fonds gouvernementaux américains via la NED, pouvez-vous confirmer mes propos ?

Réponse de Robert Ménard : « Absolument, nous recevons de l’argent de la NED. Et cela ne nous pose aucun problème. » Voilà l’arrogance du proxo qui vient prendre sa comptée.

Qui est la NED ? La National Endowment for Democraty est une institution supervisée par un officier d’Opérations Spéciales de la CIA. L’ancien agent de cette même CIA, Philip Agee, a révélé que la NED est une des nombreuses organisations écrans dont la CIA se sert pour intervenir dans les affaires intérieures des pays : « Le Congrès donne des millions de dollars à la NED qui passe ensuite l’argent à ce qu’ils nomment les fondations noyaux. » La journaliste Diana Barahona, spécialiste de l’Amérique latine au journal Long Beach, s’est livré à une enquête qu’elle dit « d’intérêt public puisque plusieurs médias se réfèrent à RSF comme source. » Elle déplore que « plusieurs médias (…) utilisent RSF comme source sans rien connaître ou sans rien dire au public du conflit d’intérêt (où se place) RSF en recevant des subsides gouvernementaux. » (http://vdedaj.club.fr/cuba/npa_agee_venezuela.html) Lors d’un entretien accordé à La Presse de Montréal publié le 30 avril dernier, M. Ménard indiquait que l’argent reçu de la NED et l’USAID (US Agency for international developement) représentait la somme de 5 millions de dollars. Avec cynisme, le gourou de la secte RSF ajoute : « Ce serait stupide de refuser cette somme ! » (->vdedaj.club.fr/cuba/rsf/html]) Par ailleurs, la représentante de RSF à Washington reconnaîtra que cette ONG a reçu 125.000 dollars de Cuba Solidarity Center, une des organisations crées par la CIA (qui ne s’en cache pas) pour renverser le régime castriste.
(resistance.chiffonrouge.org/)
C’est seulement une goutte d’eau dans la mer à coté des 70 % du budget que lui accorde annuellement la Commission européenne. Certains ministères français y vont aussi de leur générosité : Premier ministre, ministère de la Culture et de la Communication, ministère des Affaires étrangères, Agence intergouvernementale de la Francophonie…

Les autres parrains sonnants de RSF, tous vigilants protecteurs du droit sacré à l’information, ne ménagent pas leurs dons à RSF : Sanofi-Synthelabo, Beaume et Mercier, le Bon Marché, Fujifilm, les éditions ATLAS, la Caisse des Dépôts,Vivendi international, Publicis, FNAC, CFAO, Hewlett Packard, Hachette, et autres « mécènes » de la liberté de la presse. La vente de l’album pour la liberté de la presse rapporte annuellement plus de 3 millions d’euros. Cependant le journaliste Thierry Meyssan affirme que « l’activité concrète de RSF est très éloignée de ce que les donateurs croient financer. Les fonds d’assistance aux journalistes opprimés, c’est-à-dire le paiement des honoraires des avocats des journalistes emprisonnés, le soutien matériel à leurs familles (…), tout cela qui représente le cœur de l’activité officielle de RSF ne reçoit de cette dernière que…7% du budget général. Vous avez bien lu : pour 1 euro donné pour les journalistes opprimés, seuls 7 centimes arrivent à destination. » (http://www.homme-moderne.org) Le reste passe dans des campagnes politiques contre des Etats soigneusement choisis.

Ainsi, « l’affaire SMSI » n’a duré que le temps d’une déclaration, car on ne peut indéfiniment mettre dans la gêne les amis de Chirac parmi lesquels compte Ben Ali. Et c’est là qu’apparaît la « subtilité » de Ménard : la dénonciation ponctuelle et/ou la campagne politique permanente.
C’est là aussi que RSF accorde le régime préférentiel à Cuba.
Dj. B.

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Vos commentaires

  • Le 30 octobre 2007 à 09:47 En réponse à : « Reporters sans frontières », proxénète de l’information

    j’ai eu une experience personnelle avec tous ces militants des droits de l’homme, ces defenseurs de la liberté en Tunisie... Grâce à eux les principes,le rêve se sont évaporés Grâce à eux ; la révolution ; on n’en parle plus. Grâce à eux notre quotidien est un cauchemar et il n’ y aura aucun meilleur choix que dans Ben Ali ou l’Islamisme.

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