Une tribune pour les luttes

La Journée européenne contre la peine de mort supprimée sous pression polonaise

Article mis en ligne le vendredi 28 septembre 2007

La journée européenne contre la peine de mort en date du 10 octobre
n’aura pas lieu. La Pologne a refusé de s’associer au projet proposé à
Bruxelles par le Conseil européen, qui nécessitait l’approbation de
tous les membres de l’Union pour sa mise en oeuvre. Jugeant cette
manifestation inutile dans une Europe privée du châtiment suprême, les
dirigeants polonais ont décidé de boycotter cette journée, sauf si elle
était élargie à l’interdiction de l’avortement et de l’euthanasie. Le
thème de « la défense de la vie » en leitmotiv, ils tentent de réduire
celui de la peine de mort à un sujet de débat au sein de l’Union
européenne. Alors que la Convention européenne des droits de l’homme
s’applique aux 47 états membres du Conseil et leur interdit de
pratiquer la peine capitale.

Le raisonnement rétrograde des Kaczynski

Les frères Kaczynski sont décidément cohérents dans leur logique
réactionnaire. Il s’agit non seulement de faire entrer le foetus dans
le cadre d’êtres humains vivants et de protéger les futurs polonais
dans le ventre de leurs mères, en décrétant qu’un avortement serait une
forme de peine de mort, mais aussi de désigner parmi les vivants ceux
qui seraient « dignes » de vivre. Et ceux qui, par leur « vocation
contre-nature », sont un danger pour autrui et pour l’avenir de
l’homme... L’appel est ainsi jeté en direction des chaque parent- ou
potentiel parent- et de leur hypothétique réaction face aux agresseurs
de leur enfant. « Débattre de la peine de mort au moment où l’on fait
l’impasse sur d’autres menaces pour la vie humaine, parfois
institutionnalisées et légales, est une hypocrisie », renchérit Andrzej
Duda, vice-ministre de la Justice polonais, pour qui la question de la
peine de mort est liée à celle de l’euthanasie et de
l’avortement...aussi appelée la « culture de mort ».

Une remise en question de la Convention des droits de l’homme

« L’application de la peine de mort représente un acte de torture et une
peine inhumaine ou dégradante au sens de l’article 3 de la Convention
Européenne des Droits de l’Homme. La volonté de décréter un moratoire
immédiat concernant les exécutions et d’abolir la peine de mort est
devenue une condition préalable pour pouvoir adhérer à l’organisation »
a souligné le président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de
l’Europe (APCE), René van der Linden.

La Pologne tente à nouveau de détourner la législation européenne en
matière de droits fondamentaux. Il existe des dispositions européennes
concernant la peine de mort, mais l’absence d’arsenal législatif
européen concernant l’avortement et l’euthanasie permet aux factions
les plus conservatrices polonaises de faire entendre leur voix. Ainsi
en Août 2006, la Ligue des Familles polonaises (LPR - parti membre de
la coalition gouvernementale en Pologne) avait appelé à la
réintroduction de la peine de mort pour les meurtres pédophiles. Le
Président Kaczynski avait alors soutenu cette pétition qui tentait de
faire basculer la Convention des droits, et souhaitait un débat
européen sur la peine capitale. « Il faut en discuter en Europe et je
pense qu’avec le temps l’Europe changera d’avis sur ce point » avait-il
déclaré à l’époque.

Des législatives anticipées

Après la rupture de l’été 2007 entre Droit et Justice (PIS, parti du
président et du Premier ministre actuel), le parti populiste
Autodéfense de la République de Pologne (SRP) et la Ligue des Familles
Polonaises (LPR), la Pologne est actuellement en campagne pour les
élections législatives anticipées du 21 octobre. Les frères Kaczynski
ont promis de rétablir la peine de mort en cas de victoire. Il s’agit
aussi de contenter l’électorat emmené par le père Rydzyk et la célèbre
Radio Maryja. Le groupe médiatique du révérend intégriste brasse
quelques trois millions d’auditeurs, auxquels s’ajoutent cinq à six
millions de fidèles ultra-catholiques qui gravitent autour de ce
mouvement politico-religieux. Le veto du gouvernement polonais pourrait
être considéré comme un appel du pied à destination de ses
ultraconservateurs, puisque la Pologne ne semble pouvoir se passer des
subventions européennes auxquelles elle peut prétendre à titre de « 
pays pauvre ». Elle devrait obtenir, au cours de sept prochaines années,
67 milliards d’euros de transferts des pays riches occidentaux comme
l’Allemagne, premier contributeur net au budget européen !

La peine de mort a été abolie en Pologne en 1997, où elle n’était plus
appliquée depuis 1988 en vertu d’un moratoire. La peine maximale dans
ce pays membre de l’UE depuis 2004 est donc la prison à vie.

Un frein à la campagne internationale contre la peine capitale

Les institutions européennes et le Conseil de l’Europe ne signeront pas
à Lisbonne lors de la conférence internationale le 9 octobre, comme
initialement prévu, une déclaration créant cette "Journée européenne"
du 10 octobre, qui devait coïncider avec la "Journée mondiale contre la
peine de mort". "Décréter une journée est une chose, mener un combat
est une autre. Tout ne va pas se jouer en une journée d’été" a déclaré
M. Costa, président portugais de l’Union, en relativisant l’impact
d’une décision polonaise peut-être provisoire. Tandis qu’Amnesty
International demande aux autorités polonaises d’honorer leurs
obligations internationales et de respecter leurs engagements en ce qui
concerne l’abolition de la peine de mort. En refusant de donner son
accord à cette proposition de la Commission européenne, déjà soutenue
par le Parlement européen et qui nécessite encore l’accord unanime des
Etats membres, la Pologne a porté un coup à l’une des grandes causes
européennes et à l’action internationale menée contre la peine
capitale. Elle freine, de quelque manière que ce soit, l’objectif de
pouvoir proposer à l’Assemblée générale des Nations unies que le
principe de la Journée européenne contre la peine de mort soit adopté
par l’ONU.

Que ce soit à propos du sida, de la santé des femmes, ou du respect de
la dignité humaine, la Pologne tente encore une fois de bloquer une
campagne relative aux droits fondamentaux, en collaboration étroite
avec le Vatican dont elle reste l’un des vecteurs depuis les années
quatre-vingt dix.

La Chine, le Pakistan, l’Iran, l’Irak, le Soudan et les États-Unis sont
les principaux pays qui appliquent encore la peine de mort, même si
régulièrement, des pays comme le Gabon, le Rwanda, l’Ouzbékistan,
viennent d’abolir la peine capitale. Selon les dernières informations
dont dispose Amnesty International, 125 pays, soit plus de la moitié
des pays du monde, ont désormais aboli la peine de mort dans leur
législation ou en pratique. Mais 1.591 personnes ont été exécutées dans
le monde en 2006.

Nathalie Szuchendler

Source :
http://www.prochoix.org/

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