Une tribune pour les luttes

Un enfant oublié dans une expulsion groupée !

Article mis en ligne le dimanche 14 octobre 2007

13 oct. 2007

Parada France, association qui vient en aide aux populations roms, s’insurge contre le traitement qui a été réservé à un jeune garçon découvert seul après l’expulsion de sa famille et de ses proches à Saint-Denis.

Ce mercredi 10 octobre à 6 heures du matin, la police a surgit dans un terrain de roms situé Boulevard Anatole France à Saint-Denis, ce terrain dit du "Hanul bis" abrite depuis plus de trois ans une communauté de 80 personnes environ.

Aux familles toutes présentes les forces de police ont brandit des OQTF ( obligation à quitter le territoire français) et donné le choix entre les suivre au poste ou monter dans deux bus en partance immédiate pour la Roumanie.

Après le départ des familles, au moment où la police procédait à la destruction de leurs affaires, un jeune garçon de 10 ans a été découvert seul et en pleurs.

Présents sur les lieux, trois membres de l’association Parada se sont vus interdire d’approcher et de parler à l’enfant. Pourtant l’association connait bien les enfants de ce terrain pour y animer avec eux des ateliers cirque depuis plus d’un an.

Parada France s’insurge contre l’interdiction qui lui a été faite d’entrer en contact avec l’enfant et de lui porter assistance et s’inquiète du traitement qui lui a été réservé.

L’association s’insurge également contre ce qui apparait être le nouveau scénario d’expulsions en vigueur : l’arrivée des forces de l’ordre avec des bus pour une reconduite immédiate au pays d’origine. ( La même chose s’est produite dans un terrain de bulgares la semaine dernière à Bondy)

Cette procédure dite "d’expulsions groupées" ne respecte pas la loi : elle distribue des OQTF collectives et sans raisons notifiées et elle ne laisse pas aux familles le délai légal d’un mois pour obtempérer.

Le lendemain, en faisant des recherches sur le sors de l’enfant en question, nous avons pu découvrir qu’il n’était pas le seul dans cette situation et que 3 adolescents avaient également été oubliés sur les lieux de l’expulsion !!!

Dans le Figaro du 11 Octobre on peut lire :

"Soixante-douze Roms d’origine roumaine, dont 22 enfants, ont été expulsés aujourd’hui d’un bidonville installé sous l’autoroute A86 à Saint-Denis (Seine-St-Denis) suite à un examen "au cas par cas" de leur situation avant de se voir proposer une aide au retour humanitaire, majoritairement acceptée, a-t-on appris auprès de la préfecture......"."

"Suite à un examen "au cas par cas" de leur situation..."

Etant sur place au moment où cette expulsion se déroulait, nous nous permettons de compléter un peu cette information dont la seule source est la préfecture :

1. Pas plus qu’à Bondy il y a quelques jours, IL N’Y A EU AUCUN EXAMEN AU CAS PAR CAS ! Et pour cause, les policiers ont fait vite. Toute la zone était encerclée et même les véhicules ne pouvaient circuler à proximité.

2. PERSONNE N’A SOUHAITE BÉNÉFICIER DU RAPATRIEMENT VOLONTAIRE, et pour cause, ils ont du laisser sur place quasiment tout. Les caravanes ont été mises en fourrière, comme on le voit sur la photo. Les policiers et l’ANAEM ont menacé, comme cela devient d’usage : soit vous acceptez l’aide au retour, soit on vous embarque.

3. Un enfant et trois adolescents se sont retrouvés tout seuls, leurs parents ont "souhaité bénéficier du rapatriement volontaire". Voilà combien il a été volontaire, le retour.
Parada avait commencé un travail sur la scolarisation et certains enfants espéraient pouvoir aller à l’école. Mais voilà, "rapatriement volontaire" oblige, ils n’iront pas !

Il faut du chiffre, alors on fait du chiffre. Dans le courant de la semaine prochaine, nous reverrons ces Roms revenir en France, et on aura plus de détails sur la manière dont les choses se sont déroulées. On peut aussi se demander pourquoi la police a catégoriquement interdit à toutes les personnes sur place, associatifs ou journalistes, de s’approcher des VOLONTARISTES AUX RETTOUR.

« Où les enfants vont aller à l’école ? » « Où irons-nous, à présent, on ne veut de nous nulle part ? ». « Qu’allons-nous devenir ? ». « Comment pourrions-nous retourner en Roumanie ? C’est pire. Ici, au moins, on mange ! » Veut-on notre mort, voyez comme nous vieillissons vite ! » Etc…

Tous menacés d’expulsion,voilà des questions que se posent les Roms des bidonvilles au quotidien.

Cet acharnement contre les Roms est troublant !

Oui ou non les Roumains peuvent-ils vivre en France ? Si non, pourquoi, depuis des années, les a-t-on laissé venir et s’installer ? Pourquoi a-t-on accepté l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne ? Si oui, notamment depuis le 1er janvier 2007 et l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, pourquoi les pourchasse-t-on, les expulse-t-on, les harcèle-t-on ? Ici on les prive d’eau, là on leur dresse un procès-verbal quand ils empruntent un chemin d’accès limité ou jettent un malheureux papier par terre, quasiment partout on se refuse à leur procurer les bennes à ordures qui permettraient l’élimination d’une partie, au moins, des déchets ménagers et limiteraient les risques sanitaires. Que peut-on exiger d’eux si le minimum pour s’abriter quelque part ne leur est pas accordé ?

Une vague de romaphobie s’abat sur cette population chargée de tous les maux ! Les maires des communes concernées, excédés par l’impuissance des pouvoirs publics, ne sont pas les derniers à tout confondre et à considérer que les Roms sont, dans leur ensemble, des malfaiteurs dangereux. Et ils le disent ! Ce qui, convenons-en, n’encourage pas les habitants à manifester quelque solidarité que ce soit ! Ceux qui s’y emploient néanmoins, sont considérés au mieux comme des naïfs, au pire comme des troubles faits.

Cette situation ne peut pas durer.

On ne règle pas un problème en le déplaçant !

Les Roms de Roumanie ne sont pas des gens du voyage. Pour qu’ils puissent travailler, scolariser leurs enfants, nettoyer leur aire de vie, vivre dans la dignité, il importe qu’ils ne soient pas constamment expulsés ! Au reste, beaucoup sont « en règle » et sont donc inexpulsables (de France) mais alors pourquoi les expulse-t-on… (d’une commune à l’autre) ?

Les premières victimes de ces mesures impitoyables sont des enfants !

Les mineurs sont de loin, les plus nombreux.

Il ne suffit pas de le savoir, il faut aller les voir ! Quiconque, les voit vivre ne peut plus penser qu’on puisse les éloigner sans se préoccuper de ce qu’ils vont devenir ! Et surtout, qu’on ne les sépare pas de leurs parents qui les protègent et s’occupent d’eux, en pareilles circonstances, bien mieux que nous ne saurions faire ! Des dizaines de jeunes enfants sont nés en France. Dans les familles présentes depuis cinq ans (ou plus !), des jeunes, devenus francophones, sont interprètes de leurs parents.

Il est grand temps d’aborder la question des Roms en respectant les recommandations du Parlement européen (délibération du 28-04-2005).

Cessons de mettre en oeuvre des procédures qui aboutissent à leur interdire de vivre ! Les Roumains, Roms ou pas, peuvent rechercher un emploi (62 métiers leur sont ouverts) ; ils peuvent scolariser leurs enfants (l’Éducation Nationale l’accepte) ; ils peuvent se soigner et mettre leurs enfants au monde (les services de santé leur sont ouverts), mais pour cela, il faut encore qu’ils se logent ! Une solidarité étroite leur a permis, jusqu’ici, de résister (ils se connaissent tous)

Nous devons sortir de cette impasse et renoncer à repousser plus loin, sans cesse, les questions difficiles que nous pose la présence de ces concitoyens européens, car ils le sont !

Alors l’aide au retour c’est quoi pour un Rom ?

( Le Monde du 11 Octobre nous éclaire assez bien à ce sujet) :

Billet simple pour la Roumanie
"Les bagages n’ont pas encore été déballés et il règne dans le foyer une atmosphère de veillée funèbre. Les voisins, curieux d’accueillir ces revenants, osent à peine rentrer. Les hommes à l’extérieur parlent à voix basse. Prostrée sur son lit, Gyongyi, 37 ans, remâche son désespoir. Avec sa fille, Lena Jeanna, 12 ans, et son compagnon, Mircea Doraban, elle vient tout juste de regagner Tinca, après six mois d’errance dans des bidonvilles de l’agglomération lyonnaise.

Gyongyi soulève, dégoûtée, l’espèce de couverture en plastique qui masque le sol. Sa maison en pisé, une unique pièce de 20 m2, n’a pas de fondations, l’humidité suinte de partout et la pluie draine une boue nauséabonde. "Ici, nous n’avons rien", se lamente-t-elle. Pas d’eau courante, pas de sanitaires, deux lits, un poêle antique et, seul luxe, une télévision. Dehors, les ruelles sont à peine praticables. Les enfants s’y ébattent pieds nus, embourbés jusqu’aux chevilles. Deux mille Roms survivent ainsi dans un bidonville à l’écart du village de Tinca, à proximité de la frontière hongroise. La plupart y sont nés, comme leurs parents.

Le 1er janvier, la Roumanie entrait dans l’Union européenne. En février, la famille de Gyongyi, suivant l’exemple des voisins du bidonville, tentait sa chance en France. Sans argent pour se loger, ils ont vécu dans les gourbis insalubres de Villeurbanne puis de Vénissieux, aux portes de Lyon. Mircea vendait dans les rues de Lyon un journal de sans-abri, Gyongyi mendiait un peu, sa fille allait au collège. Une vie de misère mais qui, explique Gyongyi, les nourrissait. "Ici, nous n’avons même pas assez d’argent pour manger une fois par jour."

Visée par une invitation à quitter le territoire délivrée par la préfecture du Rhône, la famille a accepté l’aide au retour proposée par la France : 157 euros par adulte, 47 euros par enfant. Elle est rentrée comme elle est partie, sans le sou, avec dans ses valises des vêtements, quelques provisions et des objets distribués par des associations caritatives. Le pécule remis par les autorités françaises a déjà fondu avec le taxi qu’il a fallu payer pour rejoindre Tinca. Mircea n’a ni voiture ni charrette. Il ne possède rien.

C’est du département de Bihor, à l’ouest de la Roumanie, non loin de la frontière hongroise, que 80 % des Roms immigrés ces dernières années à Lyon sont issus. Contrairement à ceux qui, à la fin des années 1990, venaient non seulement d’une même ville, Craoiva, mais aussi d’un même quartier, Fatalunci, les derniers migrants sont des ruraux, originaires de villages reculés, situés dans un rayon de 40 km autour d’Oradea et d’Arad. C’est dans ces grandes cités que les autorités françaises les ont débarqués avant de leur remettre leur pécule et leur passeport.

Au début des années 2000, les Roms ont fait renaître à la périphérie des agglomérations ces taudis que la France espérait avoir définitivement éradiqués en 1960. Ils font désormais partie des populations à évacuer prioritairement. Plusieurs fois par semaine, des cars affrétés par les préfectures de Lyon, Toulouse et Paris rapatrient en Roumanie ces citoyens européens qui ne rentrent pas dans le nouveau cadre migratoire français. Depuis le 13 août, l’Anaem, l’Agence nationale des étrangers et des migrations, l’organisme créé en 2005 pour gérer l’accueil des étrangers en France et l’aide au retour dans les pays d’origine, a organisé le rapatriement de plus de 614 Roumains. La France se dit déterminée à mener des programmes de réinsertion pour aider dans leur pays ces populations refoulées. Mais comment ? Avec quels moyens ? Et que deviennent ces familles une fois la frontière passée ?

Mircea lève les bras au ciel. "Ici, il n’y a pas de travail." Depuis la chute de Nicolae Ceausescu, en 1989, la ferme d’Etat, qui employait 60 % des Roms de Tinca, a fermé, plongeant les familles dans une misère totale. Il y a bien encore une fabrique de grains, mais seules une trentaine de personnes y travaillent. Et pas un Rom. Seuls les mois de récolte assurent aux familles un revenu régulier. Le reste de l’année, il faut compter sur les allocations du gouvernement, environ 20 euros par mois et par famille. Chaque matin, les hommes descendent guetter sur la place du marché le passage d’un employeur en quête d’une main-d’oeuvre bon marché. La plupart retournent les bras ballants au bidonville. La nourriture se résume pour ceux-là à quelques champignons et des pommes, ramassés par les femmes dans les bois.

A leur arrivée à Oradea, un représentant de l’Anaem a brièvement évoqué la possibilité d’une aide financière pour les familles désireuses de monter un "projet". Le fonctionnaire français leur a indiqué qu’une fondation roumaine devait reprendre contact avec eux. Pourtant, Elizabetha, une autre rapatriée de Vénissieux, rentrée deux semaines plus tôt avec la première vague de retour, n’a toujours aucune nouvelle de la fondation Kelsen, dont le siège se trouve à plusieurs centaines de kilomètres, dans les Maramures, la région la plus reculée de Roumanie. Pas plus que les Roms de Belfir, un hameau voisin.

Installée à Bucarest, la direction de l’Anaem en Roumanie assure que la France a conduit depuis 1999 en Roumanie 465 projets. Pour quels bénéficiaires ? Le responsable, Fabrice Basile, évoque "des Roumains en grande précarité" mais se refuse à distinguer la minorité rom, la plus fragile de Roumanie, la moins scolarisée, celle dont l’insertion paraît la plus délicate. "Nous disposons de l’adresse des rapatriés. Nous demandons à nos opérateurs locaux, des fondations ou des associations sur lesquelles nous nous appuyons, de reprendre contact avec eux. S’ils ont un projet, nous menons une étude de faisabilité que nous soumettons à l’ambassade de France, puis nous les formons, nous finançons leur projet à hauteur de 3 660 euros et nous les accompagnons pendant un an. Notre but, c’est de les stabiliser dans leur pays, pas de faire de l’assistanat."

Parada France :

http://www.myspace.com/paradafrance

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