Une tribune pour les luttes

18 Oct 2007

Procès des témoins de Calais diffuseurs des brutalités policières contre les sans-papiers .

Article mis en ligne le lundi 22 octobre 2007

Compte-rendu de Marie-Noëlle Gues, inculpée

Jeudi 18, en marge du problème de la fermeture des frontières, nous étions 6 à être poursuivis pour avoir diffusé les brutalités policières qui accompagnent les interpellations.

Procureur et partie cibile ont demandé la relaxe pour les 4 de l’association Salam, et la condamnation à de petites amendes pour un dossier très épais, pour un des administrateurs du site Indymedia lille et pour moi.

Les journalistes de FR3 ont curieusement évité d’interroger les deux seules personnes condamnées, toutes deux étant des militants politiquement marqués, non humanitaires.

Ont-ils eu peur que je remette en cause la police en général ? Ont-ils craint que le "responsable" du site indymedia fasse des parallèles avec d’autres faits survenus en France depuis tant de temps maintenant ?

Est-ce déraisonnable de penser qu’une véritable organisation de la violence existe bel et bien à Calais ?

Au TGI de Boulogne-sur-Mer, les tactiques employées furent différentes et non concertées.

En ce qui me concerne, j’ai revendiqué et les articles signés de mon pseudo, et la teneur de ces articles. Le président a tenté de m’empêcher d’exprimer dans quelles circonstances j’avais pu écrire de tels articles sur les violences policières répétitives, autant dans les rues de Calais qu’au centre de rétention de Coquelles. Me Lequien qui me défendait, a parlé de la disproportion entre les forces de l’Ordre et les quelques militants citoyens qui protègent les réfugiés et a rappelé la situation générale en France quand depuis 2002, la police use de la justice pour criminaliser les militants.

Du côté de la partie civile (direction zonale CRS Nord), ils réclamaient 1 euro de dommages et intérêts(!). L’avocat des policiers a critiqué nos articles en parlant de réactions puériles et dénoncé l’usage des mots "rafle" et "facho", l’un des CRS très touché par ces termes avait eu ses parents morts en camp d’extermination. Il a remarqué que depuis la mise en examen, les articles publiés étaient exempts de ces termes forts.

Le procureur, M.Lecigne, a quant à lui critiqué l’usage des termes employés et la dénonciation du matraquage du réfugié soudanais, le 23 juin 2004. Cet homme aurait été victime d’un malaise cardiaque selon une enquête qui ne figurait pas dans le dossier.

Ainsi, le procureur, à l’instar de l’avocat de la partie civile, demandait la relaxe pour les 4 de Salam.

Pour le responsable du site Indymedia Lille, 1000 euros d’amendes avec sursis.

Pour moi qui continue à suivre les déplacements de la gente policière, 1500 euros fermes.

Délibéré, le jeudi 25 octobre.

Marie-Noëlle Gues


délibéré du procès du 18 octobre contre les militants témoins des actes policiers

Bonjour, on m’a demandé de vous donner le délibéré des militants de Calais, au 25 octobre.

Relaxe pour les 4 militants de Salam.

Relaxe pour la personne tenue responsable du site de diffusion indymedia lille.

1500 euros d’amendes dont 500 avec sursis+500 de frais de procédures+1 euro symbolique à donner aux CRS zone nord, pour moi (qui continue de surveiller et de publier ce que fait la police à Calais)= 1501 euros

Je me demande si je fais faire appel de la décision. J’en ai envie pour mieux me défendre.

J’étais partie au tribunal avec l’idée que quoi que je prouve, ce serait des diffamations puisque je ne pouvais pas soulever juridiquement "l’exception de vérité". Et j’imaginais que nous allions tous subir une forte répression.

Le risque est grand que je sois plus fortement condamnée si je fais appel.

Mais j’aimerais pouvoir reparler et montrer des documents attestant des violences policières exercées contre les réfugiés de mai à juillet 2004, période incriminée par les CRS.

Le 18 octobre, j’ai du forcer le président à m’écouter raconter les histoires que j’avais publié. On aurait cru qu’il était écoeuré d’avance de répéter les faits qui m’ont fait mettre en examen.

La répression ne s’est pas bien sûr pas arrêtée en 2004. Il a fallu continuer le travail de surveillance photographique.
6 gardes à vue, toutes liées à ma présence et à mes prises de vue.
L’avant dernière, en mai 2007, fut de 48h, avec perquisition à la maison pour me ramasser toutes les photos des policiers et les nouvelles affichettes contre Sarkozy que je venais de coller dans les rues de Calais.

Le tribunal a décidé 1 mois de prison avec sursis pour des outrages niés "sales flics" "police à sarko" "collabos"

La dernière, le 23 octobre, fut décidée pour m’empêcher physiquement de filmer une course poursuite.

J’ai eu aussi droit à deux mises en cellule de dégrisement, arrêtée sans motif en pleine rue ou devant la PAF pour exiger la libération d’un militant réfugié qui avait organisé une manif en janvier 2006.

Suite à la condamnation de 1 mois de prison avec sursis, puis de la nouvelle garde à vue avec un procès en février 2008, je risque de me voir appliquer les 1 mois de prison.

Voilà. Ceci n’est qu’une infime partie visible de ce qui se produit à Calais.

La répression est intense contre les réfugiés, d’autant qu’il est impossible de les expulser puisque ce sont des réfugiés.

Les droits humains vont à l’encontre des désirs de Sarkozy de montrer qu’il a résolu le problème des réfugiés dans le monde.

Avec lui, les droits sont proportionnels à la répression policière.

Marie-Noëlle Gues

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Communiqué du collectif indymedia lille avant le procès du 18 octobre

Le 18 octobre 2007, après deux reports, plusieurs militants comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Boulogne sur mer. Parmi ell-eux un ancien membre de Indymedia Lille. Il répondra du chef d’inculpation de diffamation publique envers une administration ou un corps de fonctionnaires (en l’occurrence des fonctionnaires de police ayant participé le 23 juin 2004 à l’interpellation de réfugié-e-sdans la zone portuaire de Calais). Ces plaintes furent déposées par la "direction zonale nord CRS" et par le ministre de l’intérieur de l’époque, Dominique de Villepin (déroulement de l’enquête :

http://lille.indymedia.org/spip.php ?article8026).

Cette personne est inculpée au motif de la loi sur la liberté de la presse ( !) de 1881 : dans le cadre d’un délit de presse, la justice s’attaque à une personne qu’elle considère comme directeur de la publication du site internet d’Indymedia Lille. Les autres personnes poursuivies sont les auteur-euse-s des contributions incriminées.

Cette accusation est d’autant plus grotesque que le site internet du collectif Indymedia Lille fonctionne sur le principe de la publication ouverte. N’importe qui peut proposer des articles, relus par les membres du collectif. Le collectif décide alors de publier ou non ces articles en fonction de la charte qui définit les cadres de la politique éditoriale du site (à l’adresse suivante :

http://lille.indymedia.org/spip.php?article61).

En inculpant une personne, la justice refuse de reconnaître le fonctionnement horizontal du collectif et essaie de plaquer ses schémas hiérarchiques, ceci dans le but de réprimer un site internet d’information alternative qui refuse les logiques des médias de masse (sélection et formatage de l’information en fonction d’impératifs commerciaux et politiques), et qui fait partie d’un réseau comptant plus de 170 collectifs à travers le monde. Le réseau Indymedia est un véritable contre-pouvoir médiatique, et c’est à cela que la police et la justice essaient de s’attaquer.

Les articles incriminés par la justice ont été publiés sur le site d’Indymedia Lille fin juin 2004, suite à des rafles policières visant les réfugié-e-s de Calais. Il s’agissait pour les autorités, 6 mois après la fermeture très médiatique du "centre d’hébergement" de Sangatte, de faire croire que le problème des réfugié-e-s dans le Calaisis était réglé.

Or en juin 2004 comme aujourd’hui, le problème n’est pas réglé ! De très nombreuses personnes ayant quitté leur pays survivent dans des conditions ignobles dans le Calaisis en attendant de parvenir à traverser la Manche par n’importe quel moyen. En l’absence d’un accueil acceptable, tant du point de vue légal qu’humanitaire, ce sont des militant-e-s qui sont au quotidien sur le terrain pour aider les réfugié-e-s à survivre, et pour veiller à ce que les forces de police, qui ont pour tâche de rendre invisibles ces réfugié-e-s, n’abusent pas de leur pouvoir.

Evidemment, ce travail de vigilance gêne les "forces de l’ordre" dans leurs activités. En plus d’essayer, par des procédures judiciaires et diverses tentatives d’intimidation, de décourager le travail de terrain des militant-e-s du Calaisis, la police et la justice s’attaquent aujourd’hui au site du collectif Indymedia Lille, qui se fait le relais de leurs luttes et de la situation des réfugié-e-s dans le secteur. Ce procès vise donc à intimider et/ou faire taire un média alternatif traitant de ce sujet, et illustre également une volonté de faire silence sur ces hommes et femmes, et sur les violences des politiques "de gestion migratoire des pays du nord".

Le collectif Indymedia Lille soutient totalement la personne inculpée, ancienne membre du collectif, ainsi que les autres personnes qui comparaîtront ce 18 octobre. Il appelle également chacun-e à diffuser à l’occasion de ce procès et par la suite le maximum d’informations au sujet de la situation des réfugié-e-s du Calaisis et d’ailleurs !

Résistons et agissons pour une information libre et insoumise et pour la liberté de circulation et d’installation !

Le collectif Indymedia de Lille


— 
VALLUY Jérôme avait écrit dans un dossier publié par TERRA au moment de la première audience en juin :

Je reviens sur les poursuites judiciaires dont sont victimes des
militants de Calais et le site web Indymedia de Lille. Les uns et les
autres seront jugés le 14 juin à partir de 8h30 au tribunal de grande
instance de Boulogne-sur-Mer pour avoir diffamé la police et colporté
de fausses nouvelles à son propos (chefs d’inculpation approximatifs)

Parmi ces militants inculpés, l’une - Marie-Noëlle Guès - est distinguée
par le parquet de Boulogne-sur-Mer, puisque elle l’est deux fois et
qu’elle comparaîtra de ce fait le 13 juin à 14h et, avec les autres, le
14 juin.

Dans la première affaire, il est reproché à Marie-Noëlle des
"outrages à agents", la rédaction de "fausses attestations
d’hébergement" au profit de demandeurs d’asile, la "détention d’un faux
document" (la carte d’identité d’un exilé qu’elle aidait) et de "port
d’arme de sixième catégorie" (une bombe lacrymogène qu’elle porte dans
son sac au cas où des xénophobes l’agresseraient dans ses activités
incessantes de soutien de jour comme de nuit).

Je ne comprends pas la discrétion qui entoure ces deux affaires
éminemment politiques et donc collectives.

1) Politiques parce qu’elles relèvent d’activités de soutien à des
étrangers dans un contexte d’arbitraire et de violences policières et
judiciaires qui font de Calais (et des autres ports de la Manche et de
la Mer du Nord jusqu’à Rotterdam où, après la fermeture du camp de
Sangatte en 2002, des "métastases" calaisiennes se sont multipliées) une
zone de non-droit digne du plus ordinaire des tiers-mondes. Quelles
différences y a-t-il entre la xénophobie institutionnelle qui se déploie
là et ce qu’on voit au Sénégal, aux Canaries, au Maroc ou en Algérie ?

2) Politiques et collectives parce que ces poursuites calaisiennes
visent à intimider l’ensemble de celles et de ceux qui aident les
étrangers, où que ce soit.

Si nous laissions passer ces poursuites sans nous sentir nous-mêmes
impliqués, nous exposerions les militants poursuivis à de lourdes
peines. Nous nous exposerions ensuite nous-mêmes au même traitement
répressif.

Il serait donc irresponsable de plier l’échine devant cette agression de
la police et de la justice contre des militants dévoués et honnêtes.

Par leurs conséquences potentielles sur l’ensemble du monde militant,
les inculpations de Calais ne peuvent pas être considérées comme des
affaires privées qui concerneraient les seules victimes déférées devant
la justice, que ces victimes soient ou non d’accord avec cette analyse
objective des faits. Nous devons nous emparer de l’affaire dans un souci
de défense des libertés publiques en général.

(....)

Il existe une page d’information dans le site d’Indymedia
de Lille :

http://lille.indymedia.org/

Vous pouvez aussi envoyer des messages de solidarité à

exiles10 chez rezo.net


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