Une tribune pour les luttes

Conférence égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes : Poudre aux yeux ?

Article mis en ligne le vendredi 23 novembre 2007

Une conférence tripartite gouvernement - patronat - syndicats dits “représentatifs” s’ ouvre lundi 26 novembre sur le thème de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes * Cette conférence a pour objectif de dresser un bilan de la loi de 2006 sur l’égalité salariale, mais aussi de lever les obstacles à l’évolution des carrières * Alors que des lois existent, elles ne sont toujours pas respectées * Car finalement, les “spécificités” du travail féminin s’avèrent particulièrement intéressantes pour les patrons : flexibilité, précarité des emplois, qualification non reconnue, salaires plus bas * Aussi, envisager l’égalité professionnelle ne peut se faire sans revenir sur les politiques de l’emploi, celles de la famille, le développement de certains services publics et une revalorisation salariale * Sujets qui pour l’instant sont loin d’être la priorité de ce gouvernement.

Les inégalités salariales, mode d’emploi...

Qu’est-ce qui explique, malgré un nombre de loi assez important depuis les années 70, la persistance des inégalités salariales entre les hommes et les femmes, pour un même travail ou de valeur égale ?

Première explication, la nature des emplois occupés par les unes et les autres n’est pas la même. Les femmes sont ainsi concentrées dans des secteurs d’activité moins rémunérés, et dans les postes les moins qualifiés. Elles n’occupent que très peu les postes “à responsabilité” et leur accès à certaines professions est encore très limité : sur les 31 catégories socioprofessionnelles répertoriées par l’Insee, seulement 6 concentrent 61 % des emplois féminins.

Ainsi, le secteur tertiaire (féminisé à 80 %) est l’un des moins bien rémunérés : commerce de détail, santé, petite enfance, hôtellerie-restauration... Même chose dans l’industrie : lorsque les femmes y travaillent, c’est encore dans les secteurs les moins bien payés (textile...).

Ces éléments plaident pour mettre sur la table des négociations les questions de l’orientation scolaire, et de la formation professionnelle. Cela suppose de revenir sur les rôles sociaux attribués aux unes et aux autres et tous les stéréotypes entretenus qui “justifient” l’orientation professionnelle (les femmes aux ressources humaines, les hommes à la technique par exemple).

Car les emplois à prédominance féminine sont sousvalorisés sous prétexte de renvoyer à des compétences “féminines” qui, étant “naturelles”, ne seraient pas reconnues comme donnant droit à de la qualification.

Les employeurs de ces secteurs reconnaissent qu’ils recherchent des qualités (écoute, disponibilité, sens psychologique, etc.) mais ils les considèrent comme liées à la “nature féminine”. En réalité, ce savoir faire résulte en grande partie d’un apprentissage du rôle social féminin qui s’est fait dans la sphère familiale mais il n’est pas reconnu en termes de compétences professionnelles, de qualification et donc pas validé en terme de salaires.

Les femmes constituent donc un potentiel de maind’oeuvre (bon marché de surcroît) qu’il est possible, moyennant des politiques familiales et sociales adaptées, d’utiliser ou de renvoyer chez elles au gré des besoins des entreprises. Cette main-d’oeuvre joue alors le rôle de variable d’ajustement à la fluctuation de l’activité.

Partout dans le monde, pour baisser le coût des salaires, pour rendre les emplois plus flexibles, les entreprises n’hésitent pas à se tourner davantage vers le salariat féminin, moins cher et jugé plus docile.

Le temps partiel, facteur d’inégalités...

En 25 ans, la part des emplois à temps partiel a plus que doublé : elle concerne 17,9 % des emplois (en 2005) et reste très largement féminine (83 % de femmes). Le temps partiel représentait, en 1982, 8,2 % des emplois...

C’est dire à quel point les gouvernements successifs ont mis tout en oeuvre pour le développer, et ont réussi !

Plus du tiers des personnes à temps partiel le subissent, les autres ont-elles vraiment le choix ? La charge de l’éducation des enfants revient encore, pour l’essentiel aux femmes, comme celle des parents âgés : les hommes ont toutes les qualités pour le faire mais sont encore considérés comme ceux qui doivent faire vivre la famille, donc avoir un travail salarié et rapporter un vrai salaire au foyer... Cela apparaît toujours moins grave qu’une femme soit à temps partiel qu’un homme parce que les rôles sociaux restent très stéréotypés ! Qui dit temps partiel dit salaire partiel, souvent des métiers peu qualifiés, mal rémunérés...

Pour garantir réellement l’égalité salariale, le temps complet doit être la norme d’emploi et tout-e salarié-e qui le souhaite doit pouvoir passer à temps plein. Avec le temps partiel, la flexibilité s’est largement développée avec des types d’horaires qui ont des répercussions sur la vie familiale, en particulier dans le secteur des services et du commerces. Et là, on voit bien que c’est un type d’emploi qui se généralise dans ces secteurs pour tous les salariés, hommes ou femmes.

Et sans compter le fait qu’une fois en retraite, cette dernière est évidemment partielle...

Tout mettre sur la table...

Les principales causes des inégalités salariales entre hommes et femmes se trouvent dans le développement du temps partiel et des emplois de service (moins qualifiés).

En 2002, l’écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes était de 25,3 %. Ce chiffre concerne l’ensemble des salarié-es, qu’ils travaillent dans le secteur privé ou public, à temps complet ou partiel. La moitié environ de cet écart est liée aux bas niveaux de qualification des emplois occupés majoritairement par les femmes et au poids du temps partiel.

Mais toutes les études sur le sujet reconnaissent qu’il reste une différence de salaire “inexpliquée” évaluée entre 11 et 15 % : cet écart est un effet de pure discrimination.

Si le but de cette conférence est bien de supprimer les écarts de salaire entre les deux sexes, il faudra qu’elle permettre de faire le bilan des politiques menées jusqu’à présent aussi bien en termes d’orientation scolaire, de temps partiel imposé, de plafonnement des carrières, de précarité du travail qui se développe et qui pèse d’abord pour les femmes avant de s’étendre aux hommes... Et à partir de là, discuter de mesures pour changer cette situation, en particulier mettre en oeuvre une politique garantissant à tous et à toutes d’avoir un emploi avec un salaire permettant de vivre et d’être autonome, quelle que soit sa situation personnelle.

De plus, pour l’ Union syndicale Solidaires, l’égalité ne peut s’arrêter à la sphère publique : la “double journée” (travail domestique non réparti égalitairement) des femmes pèse évidemment sur l’emploi qu’elles ont, notamment en termes de carrière... Il s’agit donc de remettre en cause les rôles sociaux attribués selon le sexe biologique, de manière à répartir égalitairement le travail domestique (éducatif et ménager). Il faut développer les services publics à l’enfance et en créer pour l’accompagnement des personnes âgées et dépendantes.

Vu les orientations politiques et économiques du gouvernement Sarkozy, on a peine à croire qu’un vrai travail de fond pourra s’engager et surtout, aboutir dans deux ans ! Et ce, d’autant plus que la fonction publique n’est pas concernée par cette conférence, et qu’il y existe pourtant des inégalités du même ordre que dans le secteur privé.

L’égalité entre les hommes et les femmes au travail suppose des orientations politiques autres que celles qui se sont développées jusqu’à présent . Le gouvernement prétend faire disparaître en deux ans les inégalités : pour que cela ne soit pas un affichage médiatique sans lendemain, il faut des mesures concètes . L’égalité nécessite une politique cohérente dans tous les domaines : social, familial, éducatif, fiscal . Elle passera par des lois contraignantes pour les entreprises, mais aussi par la défense et l’amélioration des services publics et par la redistribution des richesses . Une logique à l’opposé des politiques néolibérales actuelles, menées par le Medef et le gouvernement !

le vendredi 23 novembre 2007

http://www.solidaires.org/

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Communiqués c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 4730

Solidaires 13 (Union syndicale) c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 155