Une tribune pour les luttes

Conférence de presse du 6 décembre des parents de Pierre

Quand ils ont tiré à vue sur des manifestants, je n’ai rien dit, je n’étais jamais manifestant...

Article mis en ligne le jeudi 6 décembre 2007

[Encore merci au service de presse de la préfecture, qui a brieffé les
journalistes nantais juste avant cette conférence de presse, afin de leur
faire croire que nous "instrumentalisions" la souffrance de notre enfant
pour un incertain combat militant anti-gouvernemental, comme si nous n’
aurions pas fait de même sous tout autre gouvernement, comme si nous n’
aimions pas notre enfant. Et le pire, c’est que ce genre d’intoxication
marche. Triste époque.]

1 - Santé de Pierre  : voir le certificat médical joint.

2 - Dépot de plainte :

Aujourd’hui [jeudi 6 décembre 2007) nous avons déposé plainte auprès de la
Procureure de la République chargée de l’enquête préliminaire, par courrier
postal en recommandé avec accusé de réception (cf. copie.)

Il s’agit de défendre les droits de notre enfant mais aussi ceux de tous les
jeunes susceptibles désormais d’être visé par des flashballs et autre armes.
Nous ne voulons pas que d’autres enfants, ou manifestants soient blessés ou
mutilés par de telles armes.

Nous rappelons que le droit de manifestation est un droit constitutionnel,
les violences policières le menacent.

Nous voulons notamment savoir qui a tiré et si la visée au visage a été
intentionnelle.

Ces violences posent le problème de méthode de la police :
formation,encadrement, éthique. Un questionnement sur les missions des "
gardiens de la paix" est à mener. Ce qui s’est passé le 27 novembre au
Rectorat de Nantes est inquiétant pour la démocratie : Lorsque la société
perd confiance dans la police, dans la justice, alors chacun peut être tenté
de se faire justice soit même, or, la vengeance n’est pas la justice dans un
Etat de droit.

3- Désinformation ?

Nous tenons à souligner que la communication officielle des autorités,
policières et préfectorales pose question :

- A la suite immédiate des faits, nous avons pu croire qu’il n’y avait pas
eu de tirs de flashball, comme si notre fils s’était fait ça tout seul.

- Ensuite on a pu lire qu’en effet il y en avait eu, oui, mais combien ?

- Puis, la Préfecture semblant avoir admis que ces tirs étaient avérés, a
rendu publique une information médicale rassurante, sortie d’on ne sait où,
information fausse qui contrevenait au secret médical. Le chef de clinique
du CHU a précisé qu’il n’était pas à l’origine de cette information.

- Le vendredi 30 novembre, après avoir implicitement admis la gravité de la
blessure, madame la procureure Valdès-Boulouque, a déclaré à la presse : « la
police n’a rien à cacher », et « qu’à priori » il n’y avait pas eu « de
violences illégitimes de la police », que les manifestants « s’exposent »
puisque les policiers n’agissent pas « dans la douceur », tout cela avant
que l’enquête préliminaire n’ait réellement commencé. Le Parquet ne doit pas
empiéter sur le rôle du juge d’instruction et des tribunaux.

L’IGPN, dite la Police des polices, a longuement auditionné notre fils dans
sa chambre d’hôpital. Son témoignage a fait état de la présence d’un agent
cagoulé (pourquoi ?!) armé d’un flashball jaune (un autre style d’arme plus
spécifique ?) qui visait les manifestants à hauteur de la tête (cf photo et
film). Ce fonctionnaire de police, comme les autres, doivent être
auditionnés par les autorités.

4- Nos démarches

- dépôt de plainte et conseil juridique par Maître Boezec,
- saisie de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) par
l’intermédiaire d’un ou plusieurs parlementaires,
- contact avec le Défenseur des enfants,
- contact avec Amnesty International,
- contact avec les syndicats qui ont demandé dès le lendemain des faits une
audience au préfet, et l’ouverture d’une enquête (Quelle est la réponse du
préfet une semaine après..?),
- contact avec d’autres familles dont les enfants ont été blessés (notamment
les parents de Jean-Baptiste, touché à la bouche par un flash-ball ?, 11
jours d’ITT) qui ont également porté plainte, et des parents dont les
enfants, jeunes majeurs ont été en garde à vue plus de 36h dans des
conditions inacceptables.
- mise en place prochaine d’un comité de soutien,
- nous demandons qu’une reconstitution sur place des faits soit effectuée
dans le cadre de l’enquête pour comprendre comment une manifestation
pacifique d’étudiants et lycéens a subi une telle brutalité policière.

5- Appel à témoignages

Cette affaire va durer plusieurs mois, voire années. (saisine d’un juge d’
instruction, du TA..)
Nous remercions à l’avance les journalistes pour leur attention sur la
durée, alors que "l’émotion" sera moins présente. Notre enfant lui, aura
toujours l’oeil droit endommagé. Or, il faut que réparation soit faite, que
justice soit rendue. Pour lui, pour les autres.
Plus rapidement nous pourrons disposer de témoignages écrits et oraux, plus
nous aurons d’éléments pour faire surgir la vérité, c’est aussi l’objectif
de cette conférence de presse. D’ores et déjà, nous remercions Thierry
Kruger qui a réalisé une compilation évolutive de différentes images (photos
et films). Elle permet de mieux comprendre ce qui a pu se passer ce 27
novembre 2007, minute par minute.
Pour le recueil direct de témoignages, nous créons une adresse mail
spécifique :

vingtsept.novembre chez laposte.net

(vingtsept en lettres liées sans tiret POINT novembre AROBASE laposte POINT
net)

Merci.


Le courrier de Ouest-France ce matin fait vomir par Luc Douillard

Ce mardi matin 4 décembre, la rédaction nantaise de « Ouest-France » déclare
avoir reçu sur son forum près de 170 avis concernant le mouvement étudiant
et lycéen. Elle a choisi d’en publier trois : deux qui justifient les
violences policières contre les enfants, et un qui ne les critique pas.
Il faut remercier « Ouest-France » pour une aussi salubre exposition des
idées les plus rances de notre époque. Même si (de même qu’il faut prévenir
les lecteurs non avertis lorsqu’on leur fait étudier un texte raciste ou
négationniste), on aurait pu indiquer en note que toute apologie de la
violence d’Etat contre la liberté d’expression politique des enfants
contrevient aux principes fondateurs inscrits dans le préambuleconstitutionnel de 1946, ainsi que dans la Convention internationale des
Droits de l’enfant, qui oblige la France.

Voici donc le courageux anonyme « Régis », de Nantes, qui dénonce « l’
incroyable naïveté des lycéens, trop idéalistes » (citation de titre, d’
ailleurs refaite par le journal). Et cette prose nous permet de confirmer l’
une seule des leçons apprises lors de notre courte existence terrestre :
Lorsqu’il s’agit de justifier une ignominie, quelle qu’elle soit, il existe
toujours un moyen ingénieux de l’exprimer dans une langue idéologique
compatible avec le gauchisme. En effet, les idéologies d’extrême-gauche
reformatées par le léninisme sont désormais merveilleusement plastiques
depuis 1968 : On peut leur faire dire tout ce que l’on veut, y compris de
complimenter le confort de la soumission volontaire et autosatisfaite, sur l
’air entendu du : Je vous l’avais bien dit.

Et Régis de voler au secours de la raison d’Etat, en bon hégelien de
sous-préfecture : « Ces jeunes gens idéalistes et romantiques, qui n’ont
sans doute pas (encore ?) lu Stirner ou Bakounine, i-Podés de la tête au
pieds, sont tout de même d’une incroyable naïveté quand au rapport de force
qui est en jeu. Quand on manifeste en dehors du cadre légal, on DOIT s’
attendre à ce que les forces de l’ordre réagissent et à prendre des coups
 ».

Et s’attendre à être mutilé ou handicapé à vie ? (Vous apprécierez les
lettres capitales du mot DOIT : ordre comminatoire de se résigner et de ne
plus s’étonner de rien. Enfants, cachez vos rouges tabliers, et rentrez chez
vous consommer sagement, si possible en lisant Sartre et Bakounine.)

Ça, c’était pour l’extrême-gauche à-poutre-apparente. Plus à droite dans le
même courrier des lecteurs, monsieur Pierre, de Nantes, fournit
généreusement la légende photo fournie par la rédaction : « L’incident (sic)
avec la police est regrettable mais est-ce normal de forcer une grille et de
laisser des enfants de 15 ou 16 ans dans la rue ?
 ». Et de préciser : « Soit
il va en cours, soit il rentre chez lui, car comme chacun sait, une
manifestation peut toujours dégénérer.
 ».

Comme dans le texte précédent, on constate ici une absence criante de tout
idéal politique ou civique. La voici, la vacuité morale de l’ère
sarkozienne. Tout se vaut, rien de mieux, à quoi bon. Tu as bien raison,
monsieur Pierre, de vouloir empêcher les jeunes de se réunir collectivement.
Ils pourraient être visés au flashball, et ce serait bien de leur seule
faute. Les monsieur Pierre, de Nantes, sont universels : Au Brésil, ils
prétendent que les enfants, massacrés dans les favelas par les escadrons de
la mort et les gangs, l’ont après tout bien mérité, ils n’avaient qu’à
rester sagement chez eux à regarder la télé. Ainsi qu’en Birmanie, en Irak,
et sous le règne de la mafia sicilienne. Surtout ne pas trop chercher à s’
inquiéter du sort du monde.
Partout ailleurs, ils expliqueront qu’une femme agressée dans la rue n’a que
ce qu’elle mérite. Elle aura provoqué une violence dont il ne faut surtout
plus s’étonner, ni dénoncer les causes sociales ou politiques. Ainsi va la
France de Sarkozy.

Entre 1940 et 1945, environ 45000 personnes ont été déportées de France en
Allemagne pour des faits de résistance, dont près de 20 000 ne sont pas
revenues. C’est peu, c’est beaucoup. Auxquelles il faut ajouter environ 15
000 Résistants massacrés sur le sol français ou tués les armes à la main.
Tous ces gens étaient en effet beaucoup trop naïfs et idéalistes. S’ils ont
souffert, eux et leurs proches, c’est qu’ils l’avaient bien cherché. Il n’
avaient qu’à écouter les conseils rétrospectifs de nos courriers des
lecteurs, et attendre sagement à la maison que d’autres se préoccupent pour
eux de l’idéal commun, si précieux, si fragile.

Quand ils ont tiré à vue sur des manifestants, je n’ai rien dit, je n’étais
jamais manifestant. Quand ils ont justifié la violence sur les enfants, je n
’ai rien dit, je n’étais pas enfant. Quand ils ont supprimé les libertés, je
n’ai rien dit, car personnellement je ne fais jamais usage de ma liberté. Et
quand ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour me
défendre.

http://lucky.blog.lemonde.fr


Rappel :

Communiqué des parents de Pierre Douillard, lycéen blessé au visage par un flashball le 28 novembre 2007.

Alors que le pronostic médical sur l’oeil de notre fils reste très réservé en cet après-midi, nous, ses parents, voulons savoir quel a été l’enchaînement des faits qui peut conduire la police à viser au visage, avec un flashball, un lycéen désarmé qui n’a même pas 17 ans, alors que son groupe de manifestants s’était retiré du Rectorat et se trouvait sur la voie publique hier soir.

Nous réclamons au Recteur d’Académie (que nous rencontrerons ce soir à 19 heures), au Préfet, au Procureur de la République, une enquête sérieuse sur les faits d’hier soir, non seulement pour Pierre, mais pour défendre l’intégrité physique et les droits de tous les jeunes lycéens et étudiants à manifester pacifiquement.

Par ailleurs, nous demandons à tous les témoins des faits de bien vouloir prendre contact avec nous.

Nous demandons aux professeurs d’accompagner les jeunes lorsqu’ils manifestent sur la voie publique, afin de ne pas les laisser démunis face à l’arbitraire.

A tous les jeunes, nous demandons ne pas céder à la provocation, car c’est justement ce que souhaite ce gouvernement. Unis dans la non-violence active, nous serons plus efficaces.

Luc Douillard, Emmanuelle Lefevre

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