Une tribune pour les luttes

Le premier qui dit la vérité...

Parole Interdite, Parole Imposée

Article mis en ligne le mardi 25 mars 2008

Bruno Guigue, sous-préfet de Saintes en Charente-Maritime, vient d’être démis de ses fonctions par Madame Alliot-Marie, ministre de l’intérieur.

Son crime ? Un texte publié sur Oumma.com où Bruno Guigue s’en prend au lobby pro-israélien en France. Les phrases reprises en boucle qu’on lui reproche sont celles-ci :
« À propos de terrorisme, l’Etat d’Israël, qui plus est, peut se targuer d’un palmarès hors compétition.(…) Ses admirateurs occidentaux doivent certainement s’extasier sur les prouesses d’une armée capable de tuer aussi aisément des enfants avec des missiles. Ils doivent aussi se confondre d’admiration devant les geôles israéliennes, où grâce à la loi religieuse, on s’interrompt de torturer durant le shabbat. »

Hélas ce que la ministre Alliot Marie qualifie de « violemment anti-israélien est la vérité nue : l’Etat d’Israël a commis et commet encore tous les jours des crimes de guerre.

Depuis le début de la deuxième Intifada, 7000 Palestinien-ne-s, pour la quasi-totalité des civils désarmés ont été tués par les forces d’occupation. Depuis 1967, 650000 Palestinien-ne-s ont connu la prison et souvent la torture. Les assassinats politiques soi-disant ciblés, le blocus d’un million et demi de personnes dans Gaza affamée et privée de médicaments, la destruction du Sud-Liban, les confiscations incessantes de terre, bafouent tous les jours les Droits de l’Homme et le Droit International. S’il n’est sans doute pas le seul, comme le propose à tort B. Guigue dont les snippers tirent sur des petites filles à la sortie des écoles, Israël est par contre le seul Etat qu’ il est aujourd’hui interdit de critiquer en France.

Passant aux actes, le gouvernement ne se contente plus d’imposer une parole dictée sur Israël, il l’impose par la force ; et celui qui dit la vérité en tant que citoyen, et non dans l’exercice de sa fonction de sous préfet, monsieur Bruno Guigue se voit limogé. Voilà ce qui s’appelle aujourd’hui une démocratie éclairée. Mais quelques questions se posent alors : Le Président de la République ne devrait-il pas être limogé pour la vision raciste et coloniale de l’Afrique qu’il a présenté au nom du peuple français à l’université de Dakar le 26 juillet 2007 ? … « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain [.] dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, [ il ] reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. » …

Monsieur Goasguen député UMP à l’assemblée nationale ne doit–il pas répondre de son ignoble assimilation de tout un peuple résistant à l’occupation à « un peuple sauvage de terroristes épouvantables » (discours prononcé au nom du groupe Amitié France-Israël place de la République à Paris le e 11 mars dernier.) Aucun des membres de ce groupe ni de l’UMP n’a émis la moindre critique de ces paroles.

Mr Redeker, fonctionnaire de l’Education Nationale, professeur de philosophie au lycée Pierre-Paul-Riquet à Saint-Orens de Gammeville, devait-il être promu chercheur au CNRS pour avoir copieusement insulté tous les musulmans et leur religion dans le Figaro du 19 septembre 2006 ? … « Il n’est pas déplacé de penser que cette interdiction ( le string à Paris –Plage ! ndlr) traduit une islamisation des esprits en France, une soumission plus ou moins consciente aux diktats de l’islam. Ou, à tout le moins, qu’elle résulte de l’insidieuse pression musulmane sur les esprits. Islamisation des esprits : ceux-là même qui s’élevaient contre l’inauguration d’un Parvis Jean-Paul-II à Paris ne s’opposent pas à la construction de mosquées. L’islam tente d’obliger l’Europe à se plier à sa vision de l’homme. »… « Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran. Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde. »… Son devoir de réserve de fonctionnaire pour cet article haineux n’a à aucun moment été mis en cause par le gouvernement.

Il y a aujourd’hui des paroles racistes autorisées en France, et des paroles de critique légitime interdites. Si l’on transposait les paroles des trois personnages précités sur le monde juif, le judaïsme ou Israël, il y aurait limogeages, scandales et procès. C’est une véritable guerre civile que cherche à provoquer ce gouvernement en soutenant de façon scandaleusement arbitraire la discrimination sur des bases ethnico religieuses, et en interdisant une critique politique qui pour violente qu’elle soit répond à une réalité encore plus violente, celle de l’oppression quotidienne de millions de civils des territoires occupés palestiniens.

La sortie du conflit israélo –palestinien que l’on veut présenter comme très compliquée repose en réalité sur des bases très simples. Respecter le Droit, appliquer toutes les résolutions que les gouvernements israéliens violent impunément depuis des décennies, assurer l’égalité des droits entre les peuples de la région.

Le principal obstacle à la paix en Israël-Palestine, c’est l’impunité scandaleuse accordée à Israël. Le principal obstacle à la paix civile en France c’est l’inégalité et la discrimination érigées en nouvelle morale.

En voulant bâillonner toute critique, en s’engageant clairement aux côtés du gouvernement israélien, le gouvernement français commet un acte très grave.

Sur le plan intérieur, il veut criminaliser toute critique de la part de ses citoyens et montre l’exemple en frappant au plus haut niveau : Les préfets sont sommés de se taire et de remplir leurs quotas de sans papiers expulsés.

Sur le plan international, en s’engageant dans un soutien inconditionnel à l’occupant, le gouvernement français tourne le dos à la «  paix juste et durable ».

L’Union Juive Française pour la Paix exige la levée des sanctions contre Bruno Guigue.

http://www.ujfp.org/

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Vos commentaires

  • Le 25 mars 2008 à 11:26, par Christiane En réponse à : Le premier qui dit la vérité...

    "Laissez vivre nos enfants
    par Nurit Peled-El Hanan*

    Bassam Aramin a passé 9 années dans une prison israélienne pour avoir été membre du Fatah dans le district de Hébron, et pour avoir essayé de tirer une grenade sur une jeep de l’armée israélienne qui patrouillait dans Hébron occupée.
    Mercredi matin, un soldat israélien a tiré dans la tête de sa fille de neuf ans, Abir.
    Le soldat ne passera pas même une heure en prison.
    En Israël, les soldats ne sont pas emprisonnés pour avoir tué des arabes. Jamais. Que les arabes soient des vieux ou des enfants, des terroristes réels ou potentiels, des manifestants pacifiques ou des lanceurs de pierres. L’armée n’a ouvert aucune enquête sur la mort de Abir Aramin. La police, ni aucune cour, n’ont enquêté sur personne. Il n’y aura aucune enquête. En ce qui concerne les Forces de Défense Israélienne (IDF) le tir n’a jamais eu lieu. La version officielle de l’armée israélienne sur la mort d’Abir déclare qu’elle a été touchée par une pierre lancée par un de ses camarades de classe contre « nos forces ».

    Nous qui habitons en Israël, nous savons que les pierres tirées par un enfant de dix ans ne font pas sauter les cerveaux. De même que nous voyons par contre tous les jours les jeeps israéliennes entourer les enfants palestiniens alors qu’ils vont et viennent à l’école, les saluer avec des stun-bombs, des balles de « caoutchouc » et des gaz lacrymogènes. Une balle a pénétré dans le crâne de Abir Aramin alors qu’elle sortait de son école avec sa sœur. Je l’ai vue tout de suite après à l’hôpital de Hadassah, où elle dormait calmement dans un immense lit d’hôpital. Le visage de Abir était blanc. Ses grands yeux clos. À ce moment là, son cerveau était déjà cliniquement mort, et les médecins étaient en train de décider s’il fallait permettre aussi au reste d’elle-même de l’être. J’ai clairement vu que sa tête avait été blessée par un tir dans le dos. Un jeune étudiant qui a témoigné à propos de sa blessure a déclaré aux journalistes que la police israélienne des frontières, qui fait partie de l’IDF, a poursuivi les fillettes dès qu’elles sont sorties d’examens qu’elles avaient passé à l’école. « Les fillettes étaient épouvantées et ont commencé à s’échapper. La police des frontières les a poursuivies dans la direction où elles essayaient de s’enfuir. Abir avait peur et s’est arrêtée devant un des magasins qui sont sur le bord de la route. J’étais à côté d’elle. Le policier des frontières a tiré à travers un trou spécial qu’ils ont sur la fenêtre de la jeep, qui était très proche de nous. Abir s’est affaissée par terre... J’ai vu qu’elle saignait à la tête ».

    Abir Aramin est morte. Les médecins du Hadassah ne communiqueront pas à ses parents et amis la cause de sa mort. Son père, Bassam Aramin, est un des fondateurs des Combattants pour la paix. Mes fils Elik et Guy, qui ont servi dans l’armée israélienne comme soldats dans les territoires occupés, en sont membres eux aussi. Ce sont des amis intimes de Bassam. Bassam nous a dit qu’il ne pourra pas avoir de repos tant que l’assassin de sa fille ne l’aura pas persuadé qu’une fillette de neuf ans, Abir, avait menacé sa vie ou la vie d’autres soldats présents dans la jeep. Je crains qu’il ne trouve jamais de repos.

    Abir Aramin s’est unie, dans le royaume souterrain des enfants morts, aux milliers d’autres enfants tués dans ce pays et dans les territoires occupés. Elle, elle sera accueillie par ma petite fille, Smadar. Smadar a été tuée en 1997 par un attentat suicide. Si son assassin avait survécu, je suis certaine qu’il aurait été expédié en prison pour son crime, et sa maison démolie avec le reste de sa famille.

    Au même moment, je m’assois avec sa mère Salwa, et j’essaie de lui dire « Nous sommes tous victimes de l’occupation ». Pendant que je le dis je sais que son enfer est beaucoup plus terrible que le mien. L’assassin de ma fille a eu la décence de se tuer lui même quand il a tué Smadar. Le soldat qui a tué Abir est probablement en train de boire une bière, de jouer au backgammon avec ses amis et de sortir en boîte la nuit. Abir est dans une tombe.

    Le père de Abir était un guerrier, qui a combattu contre l’occupation - un « terroriste » officiellement, même si c’est une étrange logique celle qui qualifie de terroristes ceux qui résistent à l’occupation et aux privations de leur peuple. Bassam Aramin est encore un combattant, mais comme militant de la paix. Il sait, lui, comme je sais moi aussi, que sa petite fille dorénavant morte emporte avec elle dans la tombe toutes les raisons de cette guerre. Ses petits os n’ont pas pu supporter le poids de la vie, de la mort, de la vengeance et de l’oppression avec laquelle chaque enfant arabe est obligé de grandir.

    Bassam, en tant que musulman, doit affronter une épreuve : comme homme d’honneur il ne doit pas chercher vengeance, il ne doit pas se rendre, il ne doit pas négliger la lutte pour la dignité et la paix sur sa terre. Quand il m’a demandé où j’ai trouvé la force de continuer, je lui ai dit l’unique chose à laquelle je pouvais penser : chez les autres enfants qu’on nous a laissés. Son autre petite fille, et mes trois autres fils. Chez les autres enfants palestiniens et israéliens qui ont le droit de vivre sans que les plus vieux les forcent à être des occupants ou des occupés. Les soi disants lumières, le monde occidental éclairé ne saisit pas ce qui se passe ici. Le monde éclairé, dans sa totalité, reste de côté, et ne fait rien pour sauver les fillettes de leurs soldats assassins. Le monde éclairé accuse l’Islam, comme auparavant il culpabilisait le nationalisme arabe, pour toutes les atrocités que le monde non musulman est en train d’infliger aux musulmans. L’occident éclairé a peur des fillettes qui ont un voile sur la tête. Il est terrorisé par les enfants qui portent le keffieh. Et en Israël, les enfants sont éduqués à avoir peur, plus que tout, des fruits de l’utérus musulman. C’est pour ça que quand ils deviennent soldats ils ne voient rien de mal à tuer les enfants palestiniens « avant qu’ils ne grandissent ». Mais Bassam et Salwa et nous tous - Juifs et Arabes victimes de l’occupation israélienne - nous voulons vivre ensemble ainsi que nous mourons ensemble. Nous voyons nos enfants sacrifiés sur l’autel d’une occupation qui n’a aucune base légale ou juridique. Et, au dehors, le monde éclairé justifie le tout et envoie d’autres sous aux occupants.

    Si le monde ne retrouve pas la raison, il n’y aura rien d’autre à dire ou écrire ou écouter sur cette terre que les pleurs silencieux du matin et les voix muettes des enfants morts."

    Nurit Peled-El Hanan

    samedi 27 janvier 2007

    Reçu de Nurit Peled-ElHanan, et traduit de la version italienne de Teresa Maisano, par Marie-Ange Patrizio.

    *Enseignante israélienne, mère de quatre enfants. Une de ses enfants, Smadar, a été tuée par une attaque suicide faite par un adolescent palestinien. Nurit Peled El Hanan a reçu le prix Sakharov en même temps que Izzat Ghazzawi, pour leur engagement en faveur de la paix et de la réconciliation. Izzat, enseignant palestinien (et poète, mort récemment, NDT) est aussi le père de quatre fils. Son fils Ahmad a été tué, pendant qu’il était à l’école, par un soldat israélien.

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