Une tribune pour les luttes

À Vincennes : la répression contre les détenus du CRA continue !

Article mis en ligne le mardi 15 avril 2008

Communiqué du 9ème collectif des sans-papiers

Pour ce samedi 12 avril, le 9ème collectif des sans-papiers avait obtenu une autorisation de manifester, signée par Monsieur Eric Belleut, commissaire divisionnaire, « adjoint au sous-directeur de l’ordre public », de la Préfecture de police. Cette autorisation prévoyait, comme il se doit, un itinéraire qui, cette fois, passait par l’avenue de Gravelle, derrière le CRA de Vincennes, sous les fenêtres des chambres des détenus.

La manifestation passait d’abord par le bord de Marne, où Baba Traoré est mort poursuivi par la police. « Hortefeux assassin, t’as du sang sur les mains », criaient les manifestants. « Chunlan Liu, John Maïna, Baba Traoré... Assez de morts ! Régularisez maintenant ! » disait la banderolle.

Arrivant avenue de Gravelle, le cortège était bloqué par une centaine de garde mobiles, suréquipés comme d’habitude. Impossible de passer. En violation de l’autorisation signée, la police imposait la loi du plus fort.

Comme à l’intérieur du CRA, où les sans-papiers sont livrés jour et nuit aux brutalités policières, ainsi que cela était raconté, en fin de manifestation, lorsque le contact téléphonique a été établi avec des sans-papiers enfermés. L’un d’entre eux nous racontait comment, étant identifié comme « agitateur », il avait été mis à l’isolement, le matin même : huit policiers étaient venus le prendre dans sa cellule, l’avaient scotché, menotté, puis il s’était fait retirer ses habits et avait été enfermé ainsi plusieurs heures.

De manière générale les sans-papiers témoignaient de ce qu’à l’intérieur du CRA l’intimidation est si forte que les mouvements collectifs deviennent quasiment impossibles.

On apprenait l’histoire d’un monsieur qui, après trente ans en France, une femme et des enfants français - et patron d’une petite entreprise... -, était descendu faire des courses, dans le XIVème arrondissement, et s’était retrouvé embarqué et placé en rétention, menacé d’expulsion.

On apprenait aussi l’histoire d’un autre qui, en tenue de travail, à la pause de midi, s’est fait contrôler au métro Jaurés, par deux civils qui ne lui ont même pas montré de cartes, et l’ont emmené avec quelqu’un d’autre au commissariat. Menottes excessivement serrées, bousculés, maltraités.

Un autre avait été placé à l’hopital, dimanche dernier, suite aux violences policières contre le mouvement de grève de la faim, et, ayant eu un début de crise cardiaque, avait été emporté par les pompiers. Lundi à six heures du matin, il était embarqué par la police, pour retourner à Vincennes, muni d’une ordonnance médicale. Comme il refusait de se faire menotter - en raison de son état de santé -, il a été plaqué au sol et menotté de force. Une fois à Vincennes, une infirmière est venue le visiter, et a constaté qu’elle n’avait pas les médicaments indiqués sur l’ordonnance. À 13 heures, il était finalement libéré.

Dimanche matin, un sans-papiers menacé d’expulsion s’est ouvert le ventre avec un rasoir. On l’a emmené à l’infirmerie, où il a été pansé et remis en cellule.

On sait aussi que lorsque des personnes menacées d’expulsion résistent et parviennent à faire obstacle à leur expulsion une première fois, ils sont, la fois suivante, scotchés, menottés et baillonés, pour les empêcher de résister par quelque moyen que ce soit.

On apprend aussi que la nourriture est si mauvaise que nombre de détenus refusent de manger parce que c’est immangeable, et parfois carrément avarié.

Chaque jour on vérifie que les « centres de rétention administrative », ces camps de déportation des étrangers, sont de véritables espaces de non-droit, où le respect élémentaire des personnes est violé constamment.

De même, il y a deux semaines, dans une manifestation déclarée, à Courbevoie, un sans-papiers était arrêté par la police sur dénonciation de l’employeur.

Dignité pour les sans-papiers ! Régularisation de tous les sans-papiers ! Arrêt de la politique du chiffre et des rafles ! Fermeture des centres de rétention !

9ème collectif

http://9emecollectif.net/Ne+tolerons+plus+l+intolerable


Vincennes, centre de rétention n°1, le 14 avril 2008

"Les flics nous donnent les rasoirs entre 8 et 10 heures du matin en échange de nos cartes. Pour pouvoir récupérer nos cartes, on doit leur rendre le rasoir. On n’a jamais les mêmes rasoirs. Samedi, un mec devait être expulsé vers l’Algérie. Pour ne pas partir, il s’est ouvert la jambe avec la lame du rasoir en allant prendre sa douche. Il a failli se couper une veine.
Ils l’ont emmené à l’hôpital mais ils l’ont mal recousu. Ils l’ont ramené hier soir. Je lui ai dit que c’était une connerie. La semaine prochaine, ils le reprendront.

Depuis que je suis ici, 4 ou 5 gars ont fait des tentatives de suicide pour ne pas être expulsés. Certains se pendent, d’autres avalent des pièces de monnaies.

Ceux qui refusent l’embarquement sont ramenés au centre pour être ré-expulsés plus tard. Si je suis expulsé, je vais accepter : quand c’est la deuxième fois qu’il tente de t’expulser, il te scotche comme un animal et je ne veux vraiment pas partir scotché comme un animal.

Il y a 4 ou 5 expulsions par jour.

Aujourd’hui, une bagarre a éclaté entre nous, entre un Algérien et un Égyptien. Quand les flics sont montés, ils n’ont pas essayé de calmer les choses. Le capitaine était là. L’un des flics m’a dit : « Pourquoi t’y vas pas toi ? Tu dois être du côté de ton pote algérien. » Je lui ai répondu que c’était à lui que j’avais envie de casser la gueule et pas à mes frères !

Un autre flic nous a dit « vous les algériens vous êtes tous des terroristes ! » L’un d’entre nous l’a insulté. Alors les flics sont revenus à plusieurs. Ils ont pris le gars. Ils l’ont mis dans une chambre et ils lui ont cassé la gueule, il a des marques partout. J’ai demandé à parler à un responsable. On m’a répondu que personne ne savait ce qui s’était exactement passé. Les flics avaient changé d’équipe. J’ai dit au gars de porter plainte à la Cimade et d’aller chez le médecin pour qu’il l’examine et il l’a fait. Si on n’a pas de réponse d’ici ce soir, on va voir ce qu’on peut faire.

Je vous ai vu samedi sur le parking. En montant l’escalier et en s’appuyant sur une barre, on peut apercevoir le parking qu’ils ont essayé de nous cacher avec la bâche verte.

Mais après les flics nous ont empêchés de nous rassembler. Pour nous en empêcher, ils viennent à 4 ou 5. Ils se mettent parmi nous. Ils essayent de capter l’attention des retenus en leur parlant d’autres choses. Les gens se font avoir facilement et ça marche. Il ne se passe rien.

Après votre visite sur le parking le commandant est venu en nous disant qu’on pourra toujours crier, que ça ne servait à rien. Il nous a fait la morale pendant plus d’une heure. Quand il vient, les détenus l’appellent « chef ». Je leur demande toujours d’arrêter. Ce n’est pas leur chef ! De toutes manières, ils veulent nous casser le moral. J’ai dit au gars : « Vous arrivez à vous réunir pour faire la prière. Mais vous vous bagarrez entre vous. Et quand les flics arrivent, vous n’arrivez pas à vous unir contre eux » Certaines personnes sont d’accord avec moi, mais finalement, ils s’en foutent. »

fermeturetention chez yahoo.fr


Mercredi 9 avril 2008

Vincennes
Retour sur un week-end de répression

Paroles de prisonniers des Camps de Rétention.

Compte-rendu de deux entretiens avec des détenus des deux CRA de Vincennes, qui racontent ce week-end où les CRS auraient y compris lancé des gaz lacrymogènes à 5h30 du matin – pour disperser ceux qui s’assemblaient dans les couloirs pour faire leurs prières –, réveillant les dormeurs qui étouffaient dans leurs chambres...

Vincennes Mercredi 9 avril 2008 Centre de rétention n° 1

On revient un peu plus tranquillement sur les évènements de ce week-end avec nos contacts au téléphone. Pas si tranquillement finalement parce que la rage contenue est très perceptible cette fois-ci, dans la voix parfois nouée de nos interlocuteurs, dans leurs récits par moment de leur impuissance… Du dedans et au dehors, on tourne en rond, on se cogne contre les murs, on cherche…

On les a informé de la manif de samedi prochain vers le centre de Vincennes…

« La grève de la faim s’est terminée des deux côtés [aux CRA 1 et 2]. Des groupes mangeaient. Les gens ont commencé à en avoir marre. Tout le monde prépare son audience ou sa sortie. Chacun regarde son cas. Ce n’était plus collectif. Tout s’est fini avec rien au bout.

Néanmoins, on continue de se réunir même si on n’a plus revu les gens qui avaient organisé la première lutte : les flics ont pris les fortes têtes pour les mettre dans un autre bloc.

Un matin à 4 heures, les gens qui savaient qui allaient être expulsés, nous ont réveillé en passant dans les chambres. Les flics les ont vus avec leur caméra. Ils ont pris deux personnes et les ont mises en isolement.

J’en ai revu un au tribunal de Cité quand j’y suis allé pour mon audience. Quand ils l’ont emmené ce matin-là, ils étaient cinq sur lui. Ils l’ont mis dans une cellule où il n’y avait que des toilettes. Il a tout cassé dedans. Il a aussi cassé la caméra. Les flics ont flippé. Ils sont venus frapper à la porte mais lui n’a pas répondu. Ils ont cru qu’il était en train de se suicider.

Lui a eu peur que les flics le frappent. Il s’est fabriqué un couteau et il a attendu qu’ils ouvrent la porte. Le commandant est intervenu. Il est venu lui parler. Il l’a mis dans une cellule avec trois autres personnes.

Il faut penser la lutte autrement.

Les gens et les flics se foutent de la grève de la faim. Ils s’en foutent des sans-papiers. Ils s’en foutent si on crève. Les gens bouffent des lames de rasoir tous les jours, et on n’entend pas parler d’eux. Les petits trucs qu’on fait ne valent pas le coup. Il faut vraiment foutre le bordel pour avoir les moyens de leur mettre une vraie pression. Quand j’étais dehors, je travaillais. Je cherchais juste un moyen d’enlever mon stress. J’allais boire des verres après le travail. Je sortais avec mes amis. Je me foutais du reste. Quand j’ouvrais un journal, je ne m’intéressais qu’aux gros titres. Pour les gens c’est pareil. Il faut que ça pète pour qu’ils s’y intéressent.

Depuis hier, les flics sont plus normaux avec nous mais ils continuent de nous compter. Ils nous comptent à 12 h et à 20 h. Ils ont une liste. On doit présenter notre carte à l’appel pour pouvoir aller manger. On doit se représenter devant eux après avoir pris notre plateau.

Les gens qui entrent ici n’ont aucune chance. Moi, j’ai deux avocats, j’écris des lettres, j’essaye de prendre en main mon cas. Mais de toutes manières les juges s’en foutent. Ils ont des objectifs à atteindre. Ils ne cherchent pas à comprendre.

Même si tu n’es pas expulsé, tu restes ici 32 jours alors qu’avant c’était une semaine. Quand tu sors, tu as déjà tout perdu. Les gens n’ont plus d’appartement parce qu’ils n’ont pas pu payer les loyers. Les gens n’ont plus de travail parce qu’ils n’y sont pas allé.

Certains parmi nous ne savent ni lire ni écrire le français. Quand ils vont chez le médecin pour un mal de tête ou parce qu’ils ont mal à la jambe, le médecin leur donne un cachet pour les fous qui endormirait un éléphant. Un homme après en avoir pris, a dormi 24 heures. Ils font ça pour nous endormir. Pour qu’on ne réfléchisse plus. J’ai dit aux gens de ne pas prendre de cachets sans avoir vu la boîte. Il faut que le médecin fasse une ordonnance aux gens pour qu’il existe une trace de ce qu’il a donné. Mais les gens ne savent pas.

Beaucoup de flics ici sont des fils d’immigrés. Ils essayent de nous amadouer pour qu’on reste tranquille. Quand ils viennent me parler en arabe, je leur réponds d’aller se faire foutre. S’ils n’ont trouvé rien d’autres comme métier, qu’ils aillent se faire foutre.

Aujourd’hui je me suis pris la tête ave un flic à propos de la télé. Je lui ai demandé de changer de chaîne. La télé est en hauteur. Elle est entourée de grillage et de plexi-glass. On n’y a pas accès. Lui m’a répondu : « Mais pourquoi tu veux changer de chaîne ? Tu ne peux pas regarder qu’une seule chaîne ? »

La Cimade travaille avec les flics. Pour moi c’est la même chose. Quand les nouveaux arrivent, ils demandent s’ils ont un avocat, s’ils ont fait une demande d’asile, etc… Mais ils bougent tous dans le même système. Ils ne peuvent rien faire pour nous. Ils ne sont pas là pour nous défendre ni nous aider à sortir.

Aujourd’hui trois personnes du consulat algérien sont venus pour nous reconnaître. On est le seul pays à envoyer trois consuls. Ils m’ont parlé en arabe, mais je leur ai dit que je ne comprenais pas. Ils ont insisté mais je leur ai répondu que je ne comprenais pas leur charabia.

De toute façon, ils font ce qu’ils veulent, ils ne font que des conneries. Ils ont délivré des laissez passer pour des marocains et des tunisiens.

Un mec pour refuser d’embarquer a eu une idée incroyable. Il s’est chié dessus. Il s’est tout étalé sur lui-même. Ils n’ont pas pu l’expulser. Ils l’ont ramené au centre. Le lendemain, ils sont venus le rechercher. Ils l’ont attaché avec du Scotch et ils l’ont enroulé dans du film plastique.

Ils l’ont pris et ils l’ont expulsé comme ça. S’ils m’expulsent, je ferai tout pour revenir. »

Vincennes Cra 1

Mercredi 9 avril 2008

« Ce week-end, quelqu’un s’est fait frapper à l’infirmerie. Il avait subi une opération à la jambe. Il devait suivre un traitement. Mais l’infirmière ne l’a pas cru. Elle n’était pas d’accord. Elle a appelé les policiers à l’aide d’un bouton sous le bureau. Ils sont arrivé à une douzaine. J’étais avec le monsieur dans l’infirmerie pour traduire. J’ai essayé d’expliquer à la police que le monsieur n’avait rien fait mais il m’ont attrapé et malmené. Ils ont pris le monsieur. Ils l’ont isolé comme en garde-à-vue. Il est sorti trois heures plus tard.

Une brigade est venue relever la première. Il s’est plaint auprès d’eux que la précédente brigade l’avait frappé. Ils l’ont jeté. Ils lui ont dit d’aller se plaindre à la Cimade. Un autre gars traduisait à ce moment au monsieur. Finalement ils sont partis et je me suis endormi.

Je me réveille à 4h30 du matin. Je me lève. Je regarde par la fenêtre. Je vois des policiers qui prennent le traducteur et qui l’emmènent. Ils l’ont transféré dans l’autre centre. On a essayé de s’interposer mais ils ont appelé les CRS.

Quand à 5h30 on a voulu faire notre prière dans un des couloirs du CRA 1, les CRS sont entrés en force. On leur a dit que s’ils ne voulaient pas qu’on fasse la prière ici, on pouvait changer de place. Ils ont lancé des bombes lacrymogènes. Ceux qui, dans les chambres, dormaient encore, ont presque étouffé.

Face à ça, des gars ont allumé un feu dans le centre mais ce ne sont pas les pompiers qui sont intervenus. Ils nous ont envoyé des CRS.

Au CRA 2, des gens sont encore en grève de la faim. J’ai fait la grève de la faim il y a une vingtaine de jours. On était 94 personnes. On a tous arrêté. Parmi nous, une personne est restée 14 jours sans manger. Les flics l’ont frappé. Il a porté plainte auprès de la Cimade. On reste en contact avec l’autre centre. Quand ils transfèrent l’un d’entre nous, on peut se téléphoner. Il y a aussi un coin auquel on a accès où on peut se voir et se parler.

Après avoir déchiré leur carte, certains n’ont pas pu laver leur vêtement. Ils n’ont pas pu avoir de savons. Ils font ce qu’ils veulent de nous.

Il n’y a pas de problème entre nous. Même si on ne parle pas la même langue, on est tous unis. On décide ensemble.

Nous avons manifesté samedi vers 17 h., pendant que vous étiez dehors. On s’est rassemblé, on a crié L-I-B-E-R-T-É. On a aussi crié des choses contre Sarkozy. Mais on ne pouvait pas vous voir. Ils ont mis une bâche verte depuis une vingtaine de jours pour qu’on ne puisse plus voir à l’extérieur. »

Fermeturetention chez yahoo.fr

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