Une tribune pour les luttes

Coupable… pour l’exemple ?

Une décision judiciaire difficile à comprendre !

Article mis en ligne le samedi 19 avril 2008

Toulon, le 18 avril 2008

Depuis fin mars 2008, de nombreux lycéens varois manifestent, protestant, comme des milliers d’autres en France, contre la suppression massive de postes d’enseignants.

Jeudi 3 avril, la police entreprend de libérer les accès de plusieurs lycées de l’agglomération toulonnaise. Afin de stabiliser des poubelles entassées devant l’entrée du lycée Bonaparte, Jason, jeune majeur, élève de terminale ES du lycée, tente de les attacher à une grille à l’aide d’une chaîne. Mais lorsqu’un policier tire une extrémité, Jason lâche l’autre et la chute de la chaîne contusionne le fonctionnaire de police – il bénéficiera d’une ITT de 24 heures. Jason, interpellé, passe 24 heures en garde à vue, avant d’être inculpé de « violences volontaires envers une personne dépositaire de l’autorité publique ».

L’affaire est passée aujourd’hui, 18 avril, devant le tribunal correctionnel de Toulon présidé par Madame Bloch. Les débats n’ont pas permis d’établir le caractère volontaire des faits reprochés à Jason – le policier lui-même n’a pu se prononcer sur ce point. Au cours de sa plaidoirie, Maître Bochnakian devait rappeler que des avocats avaient eu récemment recours à des enchaînements pour protester contre la réforme de la carte judiciaire.

Cependant, le tribunal, suivant les réquisitions du substitut, devait déclarer Jason coupable, avec ajournement de la peine au 3 octobre 2008, décision accompagnée de 500 euros de dommages et intérêts et de 300 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Décision difficile à comprendre !

A la sortie du tribunal, les lycéens, qui ont toujours manifesté pacifiquement et qui se sont comportés de façon tout à fait raisonnable pendant l’audience, ne cachaient pas leur incrédulité devant la condamnation de leur camarade – condamnation qui figurera à son casier judiciaire – alors qu’aucune peine n’a été prononcée. Réaction partagée par les différents syndicats (*) qui avaient apporté leur soutien aux lycéens.

Faut-il voir dans cette décision du tribunal une tentative d’intimidation du mouvement lycéen ? S’il en était ainsi, il faudrait craindre que cette décision « anecdotique » n’ait un effet opposé et, loin d’apaiser les esprits, ne soit perçue comme une injustice.

(*) FSU, CGT Educ’Action, FNEC-FP-FO, SUD Education, Sgen-CFDT, UNSA Education, UNI, UNEF.

http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2645


Compte-rendu du jugement de Jason, élève de Bonaparte.

Nous étions environ 80 personnes devant le tribunal : élèves, parents, profs et syndicalistes hors éduc.

Je rappelle les faits :
Jason a été arrêté devant le lycée Bonaparte alors qu’il tentait de fixer des chaînes autour des poubelles pour maintenir un barrage devant Bonaparte. Un policier placé plus bas devant les escaliers de Bonaparte a tiré la chaîne, Jason et d’autres camarades présents tenaient l’autre bout. Au final les lycéens ont lâché, le policier est tombé et a été frappé par la chaîne.

Les forces de l’ordre ont interpellé 4 lycéens : 3 mineurs ont été relâchés en fin de journée, Jason, qui est majeur, a lui tout de même passé plus de 24 heures en garde à vue.

Outre le fait qu’on considère Jason comme un véritable délinquant alors qu’il ne s’agissait que d’un accident dans un contexte de mobilisation des lycéens, le jugement prononcé aujourd’hui est des plus iniques.

Après un long temps d’attente, les résultats des délibérations sont tombées à 14 heures :
- Jason est reconnu coupable de violence volontaire sur un agent de la force de l’ordre
- il y aura une inscription au casier judiciaire
- il devra payer 800 euros d’amende ( 500 + 300 euro de frais)
- quant à la peine elle-même, elle ne sera prononcée que le 3 octobre pour "voir" si Jason réussit son bac, comment se passe son inscription à la fac, s’il ne fait pas de bêtises dans les manifs qui vont arriver ...

Lamentable ! il est mis à l’épreuve et doit prouver que c’est un gentil lycéen qui réussit.

Il y aura un communiqué commun des fédés de l’éduc rapidement. Les journalistes étaient bien présents et la presse devrait bien relayer les choses : eux aussi étaient stupéfaits d’une part que cette histoire aille si loin, d’autres part qu’un tel jugement soit prononcé.

Des incidents dans les manifs, il y en a eu d’autres, l’avocat de Jason a d’ailleurs rappelé que les magistrats eux-mêmes s’étaient enchaînés pour protester contre la réforme Dati. Il y a forcément des bousculades et un peu de tension lors des mobilisations, il ne s’agit bien évidemment pas de faire de la provocation et d’agresser les forces de l’ordre : ce n’était d’ailleurs pas le cas dans cette affaire. Au final tout a été monté en épingle et un lycéen se retrouve dans une situation très difficile.

L’avocat de la LDH continue de suivre l’affaire et la question de l’appel du jugement se pose ainsi que d’autres ...

Je sais que beaucoup de collègues auraient voulu être présents mais n’ont pas pu venir au tribunal, d’autres rassemblés depuis 8 heures du matin ont dû partir vers midi sans savoir ... j’ai donc pensé qu’un petit compte-rendu s’imposait ! De plus, il est important de faire connaître cette histoire à nos collègues : les lycéens manifestent pour sauver nos postes, leur lutte c’est bien évidemment la nôtre.

Le mardi de la rentrée, une manif lycénne aura lieu à Toulon (départ 10 heures, Place de la Liberté) : le S2 appelle les collègues soit à se mettre en grève pour rejoindre les lycéens, soit à venir les soutenir s’ils sont libres cette matinée-là.

Ul faut se préparer pour la rentrée !

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