Une tribune pour les luttes

Paroles de sans-papiers détenus en camp de rétention :

Dernières nouvelles du camp de rétention de Vincennes, le lundi 16 juin 2008

Et on veut porter la détention des sans-papiers à 18 mois : battons-nous contre la Directive de la Honte !

Article mis en ligne le jeudi 19 juin 2008

Grèves de la faim à répétition, affrontements avec la police, automutilation ou tentatives de suicide. Pas un jour sans son lot de drames dans les camps pour étrangers de Vincennes. "Dès que les bureaux de la Cimade ferment, les policiers commencent à insulter les gens et à leur casser la gueule", explique un retenu...

CRA 2 :

« Quand je suis arrivé il y a une semaine et demi, on a essayé de faire une grève pour essayer de faire connaître les conditions de vie ici. Quand on veut faire un mouvement on arrive pas à faire bloc, les différences de nationalité posent problème, par exemple les russes et puis quelques arabes disent qu’ils suivent pas. C’est même pas par rapport à la communication, on essaye de prendre un représentant de chaque pays pour faire savoir ce qu’on veut faire.

Ils m’ont arrêté à la gare du Nord, c’était un contrôle d’identité, les policiers étaient 4, ils arrêtaient que les gens de couleurs, arabes, noirs. Ils étaient en civil. Je les ai remarqués, ils étaient avec une fourgonnette marquée « police », les gens autour se rendaient pas compte, donc ils réagissaient pas. J’ai passé une journée à Cité en garde à vue. J’ai demandé à voir un médecin, la policière m’a répondu « vous n’avez pas besoin de médecin, vous êtes sportif ». C’était la première fois que j’étais arrêté donc je savais pas que c’était illégal, c’est après le procès verbal que j’ai eu un avocat et je me suis rendu compte.

Ici c’est invivable, on voit de tout, il y a des mecs qui ont rien à faire là. Par exemple il y a un mec qui a été opéré du cerveau, il avait des cicatrices, il a été arrêté en pleine convalescence deux jours après être sorti de l’hôpital où il était resté un mois et demi, il doit se faire encore opérer le 20 juin. Sa tête continue à enfler ici. Ça fait cinq jours qu’il est dans le CRA. Il y a pleins de cas comme ça, il y a un gars qui a mal aux dents, son visage est enflé, il dort pas la nuit, il a vu un dentiste il y a une semaine, qui lui a dit que pour le moment il pouvait pas lui arracher ses dents et après il est revenu au centre, ils lui donnent des calmants mais c’est vraiment le minimum parce que depuis ça désenfle pas.
On a pas le droit de faire entrer de la bouffe, comme quoi ça pourrait nous empoisonner alors qu’ils nous donnent des rasoirs bic, c’est quand même beaucoup plus dangereux ! Ils nous foutent des distributeurs : c’est un gros marché, un buisness. Il n’y a à vendre que des choses pour le goûter, chocolat, coca, c’est que de la confiserie. Même en prison les mecs ont le droit qu’on leur ramène des paquets de clopes. Ils vendent ici les clopes et la nourriture au même prix qu’à l’extérieur.

Je pense que GEPSA , qui s’occupe ici de la bouffe de la cantine, s’occupe aussi de ces machines.
L’OMI [Office des Migrations Internationales] dit qu’on peut leur faire acheter des choses, du tabac cartes téléphoniques, ça marche mais on peut pas commander de la nourriture.

C’est l’enfer la nuit il y a plein de moustiques, les murs sont couverts de sang des moustiques écrasés.

Il y a des tentatives de suicide tous les jours, peut être trois par jour. Un mec qui devait prendre son vol a avalé une lame, il s’est coupé sur le ventre. C’est d’abord les policiers qui sont venu le voir, je les ai vu lui mettre des baffes [la communication a coupé] »

CRA1

« Il y a des tentatives de suicide très souvent, presque tous les jours.
Quand quelqu’un s’évanouit, ils viennent le prendre et l’emmènent à l’hôpital, et puis très souvent on entend que la personne a été expulsée, elle s’en va sans s’en rendre compte. Vendredi dernier c’est arrivé à un jeune malien, le lendemain un frère nous a appelé et nous a dit qu’il était dans son pays d’origine, il est arrivé là bas sans chaussures.
Quand quelqu’un fait une tentative de suicide, les policiers le mettent dans un drap ou sur un brancard, ils minimisent l’acte, ils disent qu’il a bus seulement du shampoing, « c’est rien ».

Tout le monde est pas pareil dans le centre, on arrive pas à faire un mouvement parce que bon nombre de gens sont pas motivés, ils ont peur des représailles, moi je leur dit qu’on peut pas sanctionner un groupe si ya pas de chef. Il y en a qui peuvent pas bien parler le français et pour faire une grève et écrire des revendications c’est difficile. On est obligé de fermer les yeux et la bouche, je trouve ça aberrant. On discute tout le temps entre noirs africains, on sait que derrière il y a des gens qui nous soutiennent et on en est très content mais il faut aussi se battre soi même. On voudrait que nos pays d’origine savent nos conditions de détention, et pas rétention (parce qu’avec ce mot ils masquent nos conditions de prisonniers), et se mobilisent devant les ambassades françaises.

La manifestation de samedi a été très bien, on a entendu leurs voix. Les retenus ont crié et secoué la grille qui se trouve près de l’accueil et d’où on entend à l’extérieur. Un responsable a essayé de nous faire taire, il en a attrapé deux, les meneurs, mais ils se sont dégagés.

Les mobilisations à l’extérieur sont nécessaires, ça nous incite beaucoup à faire des actions, à dénoncer les choses. Et vouloir la fermeture.
J’ai entendu pendant une visite les policiers parler entre eux de 17 travestis arrivés au CRA 2.

Ici c’est l’angoisse totale, quand on a son voisin de chambre qui se fait réveiller à 4h du matin emmené sans chaussures, attaché, bâillonné.
On nous envoie à la justice comme si on était de très grands criminels, menottés, dans un fourgon avec des cages à l’intérieur, on nous enferme dedans. Je suis rentré 3 fois dans ce fourgon pour aller au tribunal, à chaque fois que j’y rentre je dis au policier « Nous sommes traités comme du bétail », le policier rigole. En cas d’accident, on peut pas être sauvé.
Le combat doit continuer ! »
fermeturetention chez yahoo.fr


Le camp de rétention de Vincennes ressemble de plus en plus à Guantanamo.

Jeudi 5 juin 2008

CRA Vincennes 2 :

Ce midi dans le réfectoire, des retenus ont refusé de manger parce que la nourriture est dégeulasse. Les flics sont alors venus avec des casques et ont tapé plusieurs personnes. Ils ont arrêté les caméras pour faire ça.

Deux personnes sont en ce moment en isolement et menottées.

On a écrit un texte qu’on va donner au chef de brigade, et puis on va le photocopier pour le donner aussi à la Cimade et aux flics.

On a arrêté la grève de la faim avant hier, mais on va sûrement reprendre ce soir.

On a des contacts avec le CRA 1, on sait qu’ils sont en grève de la faim depuis deux jours.

Dès que les bureaux de la Cimade ferment, les policiers commencent à insulter les gens et à leur casser la gueule.

Deux personnes ont avalé des lames de rasoir aujourd’hui et sont parties à l’hopital.

CRA Vincennes 1 :

On est en grève de la faim depuis trois jours environ.

On est une grosse majorité à faire la grève. On a écrit un texte et on a envie de le communiquer aux journalistes, si les gens à l’extérieur ne savent pas qu’on fait la grève ça sert à rien.


2-3-4 juin

Ébullition à Vincennes

À Vincennes, semaine après semaine, la tension est extrêmement haute, entre des retenus qui manifestent scandant "Liberté !", et des policiers qui interviennent massivement, à répétition. Journal de bord de lundi à mercredi.

Lundi 2 juin :

● CRA 2

Un retenu X est victime de violences policières lors de son transfert au JLD. A priori, il serait frappé lors de son extraction de la fourgonnette de la police pour être remis au CRA 2.

Mardi 3 juin :

● CRA 1

Monsieur M veut aller à l’infirmerie. En y allant, il a un accrochage avec un autre retenu. L’affaire s’arrange entre eux et M. M va à l’infirmerie. Alors qu’il était en visite médical, 4-5 policiers rentrent dans l’infirmerie et commencent à l’accuser d’être agressif et de mal parler aux autres retenus. La bagarre éclate. M. M reçoit plusieurs coups par les policiers et est placé en chambre d’isolement.

Quelques heures après, il sort de la chambre d’isolement et simule un malaise afin d’être amené à l’hôpital, ce qui est fait. À l’hôpital, il obtient un certificat médical attestant ses blessures.

● CRA 2

1) Les retenus du CRA 2 se mettent en grève de la faim en raison de la façon d’être très mal traités et de la mauvaise qualité de la nourriture au CRA. Plus précisément, ils estiment que :

• ils sont traités comme moins que rien, • que la nourriture n’est pas suffisante, • qu’elle est de très mauvaise qualité • qu’elle n’est pas hallal.

2) Le retenu X qui a fait l’objet de violences policières dépose plainte.

3) Une tentative de suicide au CRA 2.

Mercredi 4 juin :

● CRA 1

1) En arrivant au CRA 1, M. M nous informe qu’il veut déposer plainte. Il va chercher son certificat médical. Quand il revient, les policiers demandent de les suivre. Ils l’amène dans les locaux de la gestion. Le policier qui l’a frappé, présente ses excuses et dit l’avoir frappé sans faire exprès. Il lui demande de ne pas déposer plainte pour ne pas lui causer des ennuis.

M. M revient au CRA 1 et dépose plainte pour violences. Ensuite, il est transféré à la zone « travesti » du CRA 2.

2) Une personne fait un tentative de suicide et est amené à l’hôpital.

3) En même temps au CRA 1, les retenus se rassemblent devant la porte du centre et scandent « LIBERTE ». Dans un premier temps, nous avons cru qu’il s’agissait d’une libération. Les policiers arrivent en masse et la tension monte d’un cran. Les retenus reclame de voir la CIMADE.

Les policiers réussissent de fermer les portes. Les portes du CRA 1 restent fermées pendant presque une heure et les policiers parlent avec les retenus dans le réfectoire.

Les choses se tassent un peu.

L’histoire qui a été l’élément déclencheur, est la suivante :

Le mardi soir (3 juin) vers minuit, les retenus font leur prière au deuxième étage du CRA 1, au hall qui donne à la cour. Deux policiers montent à l’étage, l’un ouvre la porte, crache par terre et dit « vous me casser les couilles avec votre prière ». Ils s’en vont.

Cinq-dix minutes après, alors que les retenus venaient de finir leur prière, les deux policiers amène un nouveau retenu dans sa chambre. M. L les suit, commence à discuter avec le policier qui les a insulté et lui demande si ça lui plairait que l’étranger l’insulte pendant que lui faisait ça prière. Le policier lui répond qu’il n’a pas le droit d’être en France, ni le droit de faire sa prière ici en France. Il lui donne une baffe, lui marche sur le pied (pied qui est blessé pour une autre raison) et le pousse. L’autre policier essaie de calmer la situation. Les retenus viennent et éloignent le retenu.

Le chef du centre vient dans le CRA 1 et demande de voir celui qui faisait office d’imam pendant la prière. Il demande au policier qui les a insulté de s’excuser. Les retenus ne veulent pas d’excuses et veulent s’adresser à la justice.

Dépôt de plainte par M. L et quatre témoignages.

Les retenus se sont mis en grève de la faim en dressant une liste avec de noms, prénoms et signature. Leurs protestations/revendications sont les suivantes :

• insultes des policiers envers la religion. • les maltraitances et les provocations • l’absence de médecins et les horaires d’ouverture de l’infirmerie qui ne sont pas suffisants. • agressions de policiers envers les retenus. • la force et la violence quand ils viennent chercher quelqu’un pour l’amener à l’aéroport. • la nourriture est mauvaise, viande périmé, pas Hallal • absence de responsable à qui ils peuvent parler. • stopper la maltraitance et être traité comme des humains.

« Nous allons continuer de faire grève et de mettre tous les moyens pour s’en sortir. Nous demandons de parler avec la personne qui peux décider. »

Les retenus se plaignent collectivement pour les insultes dont ils ont fait l’objet.

[Source : RESF]

Le quotidien des sans-papiers

Contact :fermeturetention chez yahoo.fr

http://www.educationsansfrontieres.org/


Uni(e)s contre une immigration jetable (Collectifs de sans-papiers / RESF / UCIJ)

Mobilisation contre la directive de la honte

NON à l’emprisonnement des migrants

Pour une Europe ouverte et solidaire !

L’Europe depuis plusieurs années adopte des politiques toujours plus fermées et plus répressives en matière d’immigration. Un nouveau projet de directive sur la détention et l’expulsion des personnes étrangères vient d’être adopté par les 27 Etats membres de l’Union Européenne. Il est soumis au vote du Parlement européen le 18 juin à Strasbourg.

L’Europe ne doit pas céder à l’élan xénophobe qui la menace : ce projet de directive préfigure l’installation en Europe d’un modèle permettant l’enfermement généralisé des étrangers sans-papiers et des demandeurs d’asile dans des camps.

Cette directive constitue une nouvelle étape grave dans l’affaiblissement des garanties démocratiques. Elle prévoit en effet :

- un enfermement des étrangers pouvant atteindre dix-huit mois, pour le seul fait d’avoir franchi des frontières et de vouloir vivre en Europe. Cet emprisonnement sera décidé arbitrairement par l’administration sans aucun jugement et sans possibilité de se défendre.

- la détention et l’éloignement des personnes vulnérables (femmes enceintes, personnes âgées, victimes de torture,…) et des mineurs qu’ils soient ou non accompagnés, au mépris du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Plus grave encore, le texte permet la détention et l’expulsion forcée des mineurs isolés vers un pays tiers (autre que leur pays d’origine) où ils n’ont ni famille ni tuteur légal.

- une systématisation de l’interdiction du territoire de l’UE pendant cinq ans pour les personnes expulsées, ce qui revient à les exclure et les criminaliser. Cette durée peut même être allongée si l’administration estime qu’il y a menace grave à l’ordre public.

- le renvoi des étrangers vers les pays par lesquels ils n’ont fait que transiter, sans qu’ils aient un lien réel avec ces pays.

- la suppression de l’obligation pour les Etats membres de fournir l’aide juridictionnelle gratuite.

Refusons la directive de la honte !

Manifestation samedi 14 juin 2008 à 14h
Carrefour de l’Odéon à Paris

http://www.contreimmigrationjetable.org/

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