Une tribune pour les luttes

RESF

Communiqué de presse du 23 juin au sujet des événements de Vincennes

+ Communiqué suite aux mises-en-cause du député UMP Patrick Lefebvre.

Article mis en ligne le lundi 23 juin 2008

http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?rubrique213

Au sujet des événements de Vincennes

Il y a trois jours, le ministre Hortefeux paradait : presque 30 000 d’expulsions depuis 12 mois, 80% de plus que l’année dernière à la même époque. Des chiffres incontestablement gonflés (incluant les départs de touristes ayant dépassé la date de validité de leur visa ou les retours « volontaires » de Roumains ou de Bulgares expulsés avec un pécule du montant du prix de leur retour en autocar) mais qui en disent long : le respect des droits humains est bien menacé quand un responsable politique croit utile à sa gloire de gonfler les chiffres des mauvais traitements qu’il inflige à une fraction de la population !

La réalité n’a pas tardé à se manifester. Le décès le 21 juin d’un tunisien de 41 ans dans les murs de la prison administrative pour étrangers de Vincennes a été l’étincelle qui a allumé l’incendie, au sens propre comme figuré. Le soir même un premier départ de feu se produisait. Dimanche vers 15 heures, il semble que plusieurs foyers se soient déclarés, que les policiers sur place auraient été incapables de contenir (les extincteurs auraient été vides). Les internés administratifs étaient alors rassemblés dans la cour, gazés disent certains, parqués derrières des barrières. 17 d’entre eux, intoxiqués par la fumée ont été hospitalisés, quatorze selon la police auraient disparu, les autres ont été transférés en car et en train vers les prisons administratives de Palaiseau, Lille et Nîmes. Les deux centres de rétention de Vincennes sont entièrement détruits.

Ces événements d’une extrême gravité étaient parfaitement prévisibles, d’autant qu’ils se sont déjà produits dans des pays européens poursuivant les mêmes objectifs : Incendies des centre de rétention de Yarl’s Wood en Grande-Bretagne (2002), de Schipol-Oost aux Pays-Bas (2005).

Voilà des mois que la tension monte dans la majorité des prisons administratives pour étrangers. Vincennes avait déjà été partiellement détruit par un incendie puis, au moment des fêtes de fin d’année, une vague de révolte partie du Mesnil-Amelot avait gagné Vincennes. Mais, en réalité, c’est quotidiennement que les tensions et les incidents très violents y ont lieu, spécialement à Vincennes qui, avec 280 places, constitue le CRA le plus important de France. Encore plus qu’ailleurs, les incidents y sont quotidiens : automutilations, tentatives de suicide, grèves de la faim, bagarres pour un rien, incidents parfois très violents avec la police, se produisent chaque jour. Le sénateur de Paris Jean Desessard, un familier des lieux d’enfermement, disait en sortant de Vincennes il y a une quinzaine de jours, n’avoir jamais perçu une tension pareille.

Le stakhanovisme du ministre en matière d’expulsions, ses objectifs chiffrés, à l’unité près, imposés à toute la chaîne administrative et policière (dont la rétention est l’avant dernière étape) engendrent une tension extrême des personnels débordés, parfois conduits à prendre des libertés avec les procédures et contraints à des gestes qui heurtent leur conscience. A l’inverse, cette chasse à l’homme génère la terreur chez les sans papiers en liberté et le désespoir chez ceux qui sont pris. Les gestes comme ceux d’hier à Vincennes sont inévitables. Ils se reproduiront si la même politique se poursuit.

Car le véritable scandale n’est pas que quelques centaines d’hommes désespérés aient incendié leur prison. Il est dans leur internement administratif, prélude à leur expulsion. La peine qui les attend, leur bannissement, est pire que la prison. Ils ont été arrêtés à l’improviste, enfermés. Ils ont perdu leur travail, ils perdront leur logement, la totalité des biens qu’ils avaient accumulés, certains perdront leur conjoint et leurs enfants. Ils seront déposés menottés, dans la tenue dans laquelle ils ont été arrêtés, sur le tarmac d’un aéroport où personne ne les attend. Une expulsion est une humiliation dont personne ne se remet. Certains finissent mendiants, fous ou suicidés.

L’explication aux événements d’hier à Vincennes est là, dans le désespoir total de chacun des enfermés et dans la concentration du malheur dans une centaine de cellules.

Ils se reproduiront, sous une forme ou sous une autre, en France et en Europe puisque la directive de la honte adoptée la semaine dernière à Strasbourg rend légale la rétention de 18 mois, l’interdiction de séjour de 5 ans des expulsés, la possibilité d’enfermer et d’expulser des enfants. Vincennes en pire, plus longtemps et en famille.

Ce qui s’est produit hier signe la faillite de la politique de M. Sarkozy en matière d’immigration. Nous sommes d’une certaine façon à la croisée des chemins. Soit une nouvelle politique est définie, qui prenne en compte les intérêts des pays dont viennent les immigrés, l’aide qu’ils apportent à leur développement, les besoins aussi de main d’œuvre des pays riches vieillissants, la richesse véritable que constitue le brassage des cultures et des populations, etc,. Une politique réfléchie et concertée. Ou alors, à l’inverse les apprentis sorciers qui ont enclenché la course infernale aux records d’expulsions et de mauvais traitements s’entêtent, rebâtissent Vincennes en plus grand et en plus monstrueux et les choses finiront très mal. Pour les sans papiers, pour les immigrés… mais aussi pour tous les autres, tous ceux qui ne marcheront pas droit.

lundi 23 juin 2008.


Communiqué RESF suite aux mises-en-cause du député UMP Patrick Lefebvre

23 juin 2008

Dans un communiqué de l’AFP, le député Frédéric Lefebvre met en cause la présence de manifestants, dont des militants du RESF, devant le centre de rétention de Vincennes au moment où le feu prenait dans cette prison administrative pour étrangers. Il condamne l’action de collectifs comme RESF qui se livrent à « des provocations (…) au risque de mettre en danger des étrangers retenus ». Et voilà Monsieur Lefebvre, héritier du siège de député des Hauts-de-Seine de M. Sarkozy, institué meilleur défenseur des étrangers retenus !

Le discours serait d’un comique vulgaire s’il ne visait à masquer une réalité dramatique : le sort réservé aux sans papiers par la politique du gouvernement que soutient M. Lefebvre qui les condamne à la terreur tant qu’ils sont libres, au désespoir complet quand ils sont internés et en attente de leur bannissement.

Un exemple pour parler clair : avant-hier, samedi a été expulsé vers la Côte d’Ivoire le père d’un enfant français âgé de 11 ans, déjà orphelin de sa mère. On en reparlera. Mais quand les centres de rétention sont pleins d’hommes et de femmes qui vivent de tels drames, certains moins lourds, d’autres pires encore, comment ne pas comprendre leurs gestes de désespoir, le plus souvent d’ailleurs retournés contre eux-mêmes, auto-mutilations ou tentatives de suicide. Ces désespérés n’ont assurément pas besoin de la présence de quelques militants pour être poussés à bout.

Au-delà de sa sottise, la réaction du parlementaire par héritage manifeste un regret : celui que les persécutions infligées aux sans papiers ne restent pas confinées dans le secret des commissariats, des préfectures et des centres de rétention. L’action de militants du RESF qui sont en réalité des enseignants, des parents d’élèves, de simples citoyens qui ne veulent pas laisser faire n’importe quoi, est effectivement un obstacle à la politique de brute voulue par M. Lefebvre et consorts. Il est inquiétant qu’un député se fasse le partisan de l’opacité sur les conditions des étrangers dont il se prétend le défenseur.

Ajoutons, pour en terminer, que son appel aux poursuites judiciaire contre le RESF reflète une volonté répressive. La police recherche, paraît-il, les « coupables » d’incendie volontaire. L’UMP qui n’hésite pas à ratisser large en matière de poursuites judiciaires quand il ne s’agit pas de ses membres, voudrait y inclure le réseau. C’est le coup classique du pyromane qui crie au feu et dénonce des innocents. Les responsables de l’incendie de Vincennes sont ceux que sert M. Lefebvre avec tant de reconnaissance : MM. Hortefeux et Sarkozy. Se défausser de ses responsabilités sur autrui ne sert à rien. A moins qu’il ne veuille refaire, à la nano échelle d’un Lefebvre, le coup de l’incendie du Reichstag ?

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