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Réseau d’éducation sans frontières

Les cages de la République !

Les 10000 cartes à Carla

Article mis en ligne le vendredi 18 juillet 2008

Cet été sera le premier passé à l’Elysée par Carla Sarkozy, femme de gauche d’un président très à droite, qui rêve de pulvériser des records d’expulsion en masse d’étrangers sans papiers. Hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, africains, latinos, asiatiques, est-européens, malades, demandeurs d’asile, femmes en danger, tout est bon à sa fringale expulsionniste. En 2007, presque 40 000 personnes sont passées par les prisons administratives pour étrangers, dont 240 enfants, certains tout petits. Beslan le petit garçon de 4 ans, auteur du dessin de la carte postale que nous dédions à Madame Sarkozy, a été enfermé à Lyon en janvier et février 2008 avec ses parents et sa petite sœur. Son séjour à la prison pour étrangers St-Exupéry a inspiré le dessin suivant au Petit Prince martyrisé par la république sarkozienne.

C’est un fait, terrifiant : ce dessin n’est pas celui d’un enfant traumatisé lors de guerres du passé, ni dans un des conflits qui déchirent aujourd’hui des contrées lointaines. Il est celui d’un enfant de 4 ans enfermé en janvier 2008 dans une prison administrative française, gardée par la police française, sur instruction précise et chiffrée de préfets, de ministres et d’un président de la république française.

Nous ne voulons pas croire que de tels faits laisseront indifférente Madame Sarkozy, femme qui se dit épidermiquement de gauche, mère d’un enfant un peu plus âgé que Beslan.

Nous invitons toutes celles et tous ceux qui le jugent utile à adresser cette carte postale à Madame Sarkozy avec quelques mots de commentaire au palais de l’Elysée .


La carte, visible sur le site http://www.educationsansfrontieres.org/, téléchargeable en haute définition. peut aussi et surtout être commandée à RESF Rhône 22 rue du Chariot d’or, 69004 LYON.
_ Commande par paquet de 100 cartes minimum ou multiples, 10 € les cent, chèque à l’ordre de ResfRhone ; Envoyer également un mèl à resflyon chez aol.com.

SuyLe courrier à destination de l’Elysée est dispensé du timbrage.


Ci-dessous un texte d’un des soutiens de la famille de Beslan qui dit les circonstances dans lesquelles le dessin a été produit .

LES CAGES DE LA REPUBLIQUE

Beslan a 4 ans. Beslan est arrivé en France en 2006 avec ses parents et sa petite soeur. Malgré les refus successifs de l’OFPRA de leur accorder l’asile qui les mettrait à l’abri de la répression russe en Tchétchénie, ils sont restés dans notre pays. Ils avaient foi en l’Europe démocratique et en la Patrie des Droits de l’Homme. Après une courte tentative infructueuse de refuge en Belgique, ils sont revenus et ont été arrêtés en France, puis enfermés (pardon, retenus !!) au centre de rétention administrative de la zone aéroportuaire Saint-Exupéry (Lyon).

Comme tous les petits garçons de son âge, Beslan a besoin pour grandir de développer ses rapports aux autres et aux objets qui l’entourent. Pour accompagner cette découverte de la réalité de l’espace et de l’humanité du temps, notre époque dite moderne et innovante n’a pas encore trouvé mieux que l’école maternelle de la République et quelques outils simples (feuilles de papier, crayons de couleurs, peintures, cubes, aquarium, bouts de ficelles). Dans le CRA de Saint-Ex, enclos grillagé au milieu d’une zone technique à deux pas du tarmac qui attend les expulsés (pardon, les reconduits !!), c’est la classe maternelle qui manquait le plus à Beslan, dont on l’avait privé en obligeant ses parents à l’errance hexagonale.

A défaut de structure scolaire, des lots de feuilles et de couleurs permettaient à Beslan d’occuper par le dessin l’aridité de ses journées dans la morne cellule vidéosurveillée où ils étaient confinés « en famille ». A défaut de petits copains de maternelle, Beslan dessinait ses rêves de petit garçon. Pas le rêve au sens d’une projection de ses désirs. Plutôt de ces rêves nocturnes faits de vide ou d’étouffement, grilles de lecture d’un quotidien qui nous dépasse.

Grille. C’est malheureusement le mot. De tous les dessins de Beslan accumulés pendant les 27 jours de rétention de la petite famille, il en est un qui bouleverse et révulse. Deux adultes et deux enfants dans une cage. Grisaille. Dans un angle de la grille, une caméra. Noire. Hors de la cage, en haut à droite, un soleil. Orange sanguine. Sous la cage, une bande verte. Comme une envie de pelouse. Nul besoin de commentaire composé. Le dessin parle de lui-même.

Noirceur du nid-cage. Lumières colorées d’une terre d’accueil.

La caméra est omniprésente. Dans le dessin comme dans la « vraie » vie offerte à ces enfants par MM Sarkozy et Hortefeux sous tant de regards détournés. La caméra, reflet du temps de l’indiscrétion numérique, outil de surveillance et de médiation obligée avec les gardiens. Une caméra entre Beslan et le soleil.

Dans ces centres insipides et ternes, on perd facilement tout espoir et envies. Enfin pas tout à fait. Certaines envies ne vous oublient pas. Pendant leurs sorties quotidiennes à l’air « libre » d’une cour grillagée, le Papa de Beslan devait approcher de la caméra une feuille tracée d’un malhabile « TOILET » lorsqu’un enfant était pris de ces besoins pressants qu’on leur apprend à maîtriser. Une caméra les avait en permanence à l’oeil électronique. La caméra entre Beslan et le soleil.

Le dessin bouleverse par la révélation des images qui peuvent hanter un si petit Beslan. Mais le dessin révulse surtout par l’inhumanité révélée de ceux qui, cyniques et arrogants sous couvert de bonne conscience imbécile, nous entraînent petit à petit dans le chaos en détricotant tranquillement des décennies de laborieuses conquêtes morales.

L’institutionnalisation de la plus petite parcelle d’inhumanité est le début de la pire des barbaries. L’inhumanité qu’on formalise par des décrets qu’on oblige ensuite des fonctionnaires à appliquer. Pendant ce temps, l’Europe aseptisée légifère et interdit la fessée. Mettre un enfant en cage est inhumain.

La famille de Beslan est toujours sans papiers. Malgré le réseau de solidarité qui les protège et leur a trouvé une école, ils vivent dans la terreur permanente d’être repris. De retourner dans une cage de MM Sarkozy et Hortefeux.

Mettre un enfant en cage est inhumain.

Beslan a 4 ans.

Philippe Vuaillat / Juin 2008


Sur Mille Bâbords article 8887

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