Une tribune pour les luttes

Aimez vous la censure ?

par William FERRARI

Article mis en ligne le samedi 20 mars 2004

Depuis un an Miguel BENASAYAG fait une chronique tous les matins à 8 h 30 sur France Culture. Trois à quatre minutes pour aborder une connaissance sur un fait ou sur la logique d’une réalité, une interrogation sur les causes et les certitudes, des comparaisons sur des actes en évitant les abstractions imaginaires, bref une chronique de la seule réalité de notre monde et sa complexité. C’est une voix qui a l’expérience du cœur et du corps, le logos pour rationalité, la pratique pour éthique. Combien de personnes, anonymes, sans grades, ont pu prendre repère et faire sienne cette compréhension qui refuse la fausseté des apparences sensibles. Le regard de Miguel BENASAYAG, non pas porté sur la vie mais impliqué dans la vie, échappe à la manipulation des pouvoir justement par ce refus des fausses normes, celles que les dominants créent et entretiennent jour après jour, ces "normes" imaginaires auxquelles les émotions passives des dominés se rattachent et nourrissent la morbidité des puissants.

Il y a des époques où la confrontation se déroule dans un cycle joyeux, non pas que l’affrontement soit forcément une bonne chose mais les protagonistes s’investissent avec une dynamique qui fait sens, c’est à dire que les actes portent en eux la norme de référence, une joie qui fait vérité, qui mène les corps au bord du vide sans que la peur coupe les ailes du désir.

Toute résistance sait qu’elle est partagée par cette joie commune qui permet de décider et de nommer l’injustice et combattre l’oppresseur. Dans notre époque triste, et donc des idées tristes, le désir est remplacé par le souhait qui n’a point d’ailes mais s’évapore et disparaît comme l’image d’un nuage. La convention qui accepte une certaine contestation de forme donne ses règles : imaginer ce qui est souhaitable et bannir le désir des actes véritables. Cette convention n’est que l’expression de l’attracteur affectif de tristesse, alimenté par ce qu’il faut bien appeler lâcheté. La lâcheté c’est de prétexter la vacuité d’un acte de résistance par un calcul utilitaire de perte ou de gain, toujours relatif à l’individu/ monde.

La lâcheté c’est la certitude du pire jusqu’à souhaiter son avènement : "cela devait arriver, il est allé trop loin...". Une énonciation de justice et une dénonciation du cynisme sont par définition ce qui n’est pas déjà là et la réfutation de ce qui avait pris la forme de la norme. Vouloir un monde complet où la contradiction ne doit se résoudre que par l’extension totale de cette complétude qui " lèverait le voile ", c’est " souiller son esprit d’une affreuse superstition ".

De ce monde là est exclue la joie qui vient toujours en plus de ce qui est "déplié" et transparent, d’où l’on doit tirer une sémantique d’une syntaxe parfaite. Miguel BENASAYAG est "le plus" d’une réalité qui nous est présentée saturée et totalisante. Cette parole éthique qui construit le beau et l’esthétique de la résistance n’a plus eu sa place auprès de ceux qui baissent les yeux et "échouent à comprendre ce qu’ils font éveillés".

Miguel BENASAYAG à été viré de France Culture aujourd’hui.

William FERRARI. Marseille le 18 mars 2004.

Le téléphone de France Culture : 08 92 68 10 99

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