Une tribune pour les luttes

CODEDO (COllectif pour une DEpénalisation du Délit d’Outrage) :

10 raisons de dépénaliser le délit d’outrage.

Article mis en ligne le vendredi 24 octobre 2008

Lire l’article au complet sur : http://codedo.blogspot.com/

D’UN POINT DE VUE JURIDIQUE

1) L’injure à un représentant de l‘autorité publique ne devrait pas être punie plus sévérement que l’injure à n’importe quel citoyen.

Qu’est-ce qu’un outrage ? Un outrage est une injure non publique dont la particularité réside dans le fait qu’elle est adressée à une personne dépositaire de l’autorité publique. S’il paraît logique que l’Etat protège ses fonctionnaires, il y a une incroyable disproportion entre la répression de l’injure faite à la personne dépositaire de l’autorité publique (passible de 7.500 € d’amende et de 6 mois de prison, art. 433-5 du CP) et la répression de l’injure adressée à n’importe quel citoyen (passible d’une simple amende prévue pour les contraventions de 1e classe de 38 €, art. 621-2 du CP).
Si l’outrage n’est qu’une injure faite à la personne (c’est presque toujours le cas), il doit devenir une simple contravention punie d’une amende minime. Dans les plaintes pour outrage, c’est l’institution que la loi entend protéger, non la personne, qui passe au second plan. L’outrage est d’ailleurs répertorié dans le chapitre du Code pénal consacré aux atteintes à l’administration publique.

*** La dépénalisation du délit d’outrage n’empêcherait nullement un professeur, un inspecteur du travail ou un policier injurié (par exemple) de porter plainte contre une personne dans le cadre de son travail.

2) L’outrage constitue une rupture d’égalité entre citoyens, en contradiction avec l’article 1 de la Constitution, stipulant que "La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine."

Or, en cas de plainte pour abus d’autorité d’un simple citoyen contre un représentant de l’autorité publique [art. 432 du Code pénal réprimant les atteintes à la liberté individuelle], on sait bien que la plupart des plaignants sont systématiquement déboutés.

3) Une aberration de droit : l’agent constatateur est en même temps la "victime".

Devant un tribunal, c’est parole contre parole. Celle du fonctionnaire assermenté contre celle du citoyen lambda. Se pose donc le problème de la preuve. Et l’on sait que la balance de la Justice penche presque toujours du côté du fonctionnaire assermenté (alors que théoriquement, le rôle du Parquet est de contrôler l’action de la police).

4) Le délit d’outrage constitue un exception française.

Dans de nombreux pays, il a été dépénalisé. (Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis, Argentine, Pérou, Paraguay, etc). Lire à ce sujet l’article du Times paru le 21 juillet 2008 (repris par Courrier International), dans lequel Adam Sage s’étonne de cette "particularité française".

D’UN POINT DE VUE DEONTOLOGIQUE : DES DERIVES INTOLERABLES ET INQUIETANTES

5) L’outrage est très souvent utilisé par les policiers (ou les gendarmes) pour couvrir les violences policières. (L’individu nous a agressés, nous avons été bien obligés de nous défendre…) Lire ce qui est arrivé à Patrick Mohr à Avignon le 24 juillet 2008.


6) L’outrage est utilisé à des fins mercantiles par des policiers qui "arrondissent leurs fins de mois" en se portant partie civile.

De plus en plus de policiers demandent 100 € ou 150 € de dommages-intérêts (tout en ne prenant même pas la peine de se rendre au procès).

7) L’outrage est une infraction pratique pour faire grimper le taux d’élucidation des infractions.

En France, les policiers sont soumis à des politiques de résultat drastiques (notamment depuis le passage de Sarkozy à l’Intérieur et la suppression de la police de proximité) et à la nécessité de "faire du chiffre". Quand on sait que moins de 0,50% des personnes poursuivies pour faits d’outrage sont relaxées, on comprend tout l’intérêt, pour un policier, de déposer une plainte pour outrage. On aurait néanmoins tort de croire que tous les policiers acceptent cet état de fait, comme on pourra le voir sur le site Regardeavue. Le cas de Jean-Pierre Havrin, commissaire de police de Toulouse viré en 2004 par le ministre Sarkozy, est aussi très éloquent.


D’UN POINT DE VUE POLITIQUE


8) L’outrage participe à une pénalisation des rapports sociaux.

Ce n’est pas nous qui le disons, mais la secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, Hélène Franco. Commentant l’inflation des poursuites pour outrage (+80% en dix ans), cette magistrate évoque dans Libération du 19 septembre 2008 (L’outrage, un succès fou) une "tendance à la pénalisation des rapports sociaux". On peut en dire autant du délit de rébellion, qui accompagne souvent le délit d’outrage, notamment auprès des "jeunes des cités".


9) L’outrage constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression.

Comme on l’a vu dans les procès de Romain Dunand (jugé en appel le 22 octobre 2008) et de Maria Vuillet (relaxée le 4 sept/procès en appel en cours), le pouvoir utilise les plaintes pour outrage (mais aussi pour offense au président de la République, comme dans le procès d’Hervé Eon, qui aura lieu à Laval, le 23 octobre 2008) à cette seule fin. Se pose donc ici le problème du respect de la démocratie.

*** Rappelons que M. Sarkozy est le seul président de la Ve République à avoir porté plainte contre un citoyen (à l’exception de Charles de Gaulle, qui l’avait fait à 5 reprises, dans des circonstances il est vrai politiquement "troubles" – guerre d’Algérie).


D’UN POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE

10) Enfin, ainsi que l’a exposé Thierry Lévy dans sa plaidoirie lors du procès de Maria Vuillet, comment peut-on encore poursuivre un citoyen pour outrage dans un pays où le président de la République utilise un langage de charretier et ne se prive pas d’injurier les citoyens ?

*** A ceux qui nous accuseraient d’être de DANGEREUX UTOPISTES, rappelons, parmi la liste des délits "chassés" du Code pénal : l’outrage envers les cultes reconnus par l’Etat, l’offense à la morale religieuse, l’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, et plus près de nous, l’avortement, l’adultère, l’homosexualité, l’outrage aux mœurs par la voie du livre…


En attendant la constitution d’une association-loi 1901 permettant l’adhésion au CODEDO, vous pouvez nous soutenir en achetant la "Lettre au garde des Sceaux pour une dépénalisation du délit d’outrage" de Dunand et Reboux (Après la Lune) ou faisant connaître cet ouvrage autour de vous.

Disponible en librairie (diffusion Belles Lettres) pour le prix modique de 5 € et sur le site Amazon. Pour des ventes militantes groupées, envoyer un courriel à codedo2008 chez gmail.com

Sur le même sujet, toujours aux éditions Après la Lune, la "Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, ministre des Libertés policières" (7 €) et "Portrait physique et mental du policier ordinaire", de Maurice Rajsfus (14 €), l’un des membres fondateurs du CODEDO.

http://codedo.blogspot.com/

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