Une tribune pour les luttes

Crise financière : La débâcle du capitalisme mondial et prédateur

Prof. C .E. Chitour

Article mis en ligne le vendredi 26 septembre 2008

« Pile, je gagne. Face, les contribuables perdent. »

Paul Krugman dans le New York Times du 15 septembre : Devise des banquiers

Le monde de la finance est entrain de s’écrouler. Le 11 septembre, a vu une panique généralisée , le déport de bilan de Lehman Brithers, le sauvetage de « Freddie", la nationalisation de l’assureur AIG et en définitive l’annonce catastrophe d’un Plan de sauvetage par monsieur Paulson secrétaire d’Etat au trésor, de 700 milliards de dollars, certains parlent de 1300 milliards de dollars.
Pour les démocrates Le plan de sauvetage présenté "n’est pas acceptable" en l’état, a déclaré mardi 23 septembre le président de la commission bancaire du Sénat, le démocrate Chris Dodd. "Ce qu’ils (le gouvernement) nous ont envoyé n’est pas acceptable. Cela ne va pas marcher", a dit Chris Dodd à la presse après avoir auditionné M. Paulson et le président de la réserve fédérale américaine Ben Bernanke. "Ils vont devoir revenir et travailler avec nous", a affirmé M. Dodd "700 milliards de dollars, c’est beaucoup d’argent pour moi, c’est beaucoup d’argent pour les contribuables", a-t-il ajouté.
Les plus hauts dirigeants américains ont imploré mardi le Congrès d’adopter rapidement un plan de sauvetage du système bancaire, alors que les places financières mondiales restaient dominées par l’inquiétude après 10 jours d’une crise sans précédent. Devant l’ONU, le président George W. Bush a assuré que le Congrès allait approuver le plan de sauvetage "avec la rapidité requise". Le président brésilien Luiz Inacio "Lula" da Silva a appelé à "rebâtir" les institutions financières internationales afin qu’elles puissent prévenir les crises à l’avenir. Malgré son ampleur, le plan de sauvetage américain ne lève pas les incertitudes. A l’ONU , Nicolas Sarkozy a invité, mardi 23 septembre, les dirigeants des pays "les plus directement concernés" à se réunir avant la fin de l’année pour tirer "leçons (...) de la crise financière la plus grave qu’ait connue le monde depuis celle des années 1930". (1)

Le G7 soutient "fortement" le plan de sauvetage américain Bruxelles s’est également félicité de la mise en place par Washington de ce plan à 700 milliards de dollars. George W. Bush a défendu une approche "audacieuse", qui va cependant faire passer la dette américaine à environ 11.300 milliards de dollars. La faillite de Lehman Brothers, quatrième banque d’affaires américaine, fragilise un peu plus un secteur en crise depuis plus d’un an. Chacun craint une réaction en chaîne. Par définition, les sociétés financières reposent sur la confiance. Une fois celle-ci ébranlée, les clients deviennent méfiants, exigent des garanties ou placent leur argent ailleurs, accélèrant la chute. C’est ce qui s’est passé avec Bear Stearns, Fannie Mae et Freddie Mac, AIG, Washington Mutual, Lehman, Merrill Lynch... Les rumeurs négatives, de ce fait, accélèrent la descente aux enfers. Difficile à ce jour de cerner l’ampleur des dégâts. Tant que les banques créancières ne communiqueront pas sur le sujet, les seules informations disponibles sont consignées dans le document déposé dimanche soir par les dirigeants de Lehman Brothers aux autorités américaines lors de sa procédure de suspension provisoire de poursuites.(2)

D’une façon synchrone à la Fed, les banques anglaises, japonaises et la BCE on injecté des sommes énormes pour donner confiance aux investisseurs. Ainsi Mardi 16 septembre 2008 : La Banque Centrale Européenne a injecté 165 milliards d’euros pour sauver les banques.. Depuis 8 jours, le montant des injections réalisées par la Banque centrale européenne a lui atteint environ 178 milliards d’euros, et quelque 117 milliards pour la Fed. La Banque d’Angleterre n’est, de son côté, intervenue sur les marchés qu’à hauteur de 86 milliards d’euros, comme la BoJ, et la Banque nationale suisse de 7 milliards. Le montant des injections réalisées par l’ensemble des banques centrales atteint ainsi plus de 470 milliards depuis la mise en faillite de Lehman Brothers au début de la semaine dernière.

Bref retour en arrière pour parler de la précédente crise qui de l’avis des spécialistes est moins brutale que celle déclenchée aux Etats Unis un certain 11 septembre 2008, décidément ce chiffre porte la poisse « Impossible écrit Thomas Wieder d’y échapper. A chaque grande secousse de l’économie mondiale, la question revient sur toutes les lèvres : "Sommes-nous en 1929 ?" Ceux qui la posent ont en tête les mêmes images : hommes attroupés devant Wall Street lors du fameux Jeudi noir ; familles en haillons rassemblées autour d’une soupe populaire ; et puis, bien sûr, ces fermiers de l’Oklahoma chassés de leurs terres et jetés sur les routes, dont Steinbeck a raconté la triste odyssée dans Les Raisins de la colère... Comme le remarquait l’économiste John Kenneth Galbraith (1908-2006), 1929 est l’une des rares années, aux Etats-Unis, dont "chacun se souvient". Au point, ajoutait-il, que la mémoire des Américains s’est longtemps structurée autour de ce sombre millésime ("On est allés en faculté avant 1929, on s’est mariés après 1929, on n’était même pas nés en 1929"). Rien, a priori, ne devait faire de 1929 une année noire. Dans le dernier discours sur l’état de l’Union qu’il prononça avant de quitter la Maison Blanche, le 4 décembre 1928, le président Calvin Coolidge avait déclaré aux membres du Congrès qu’ils pouvaient "considérer le présent avec satisfaction et l’avenir avec optimisme" »(3)

« Au cours des années 1920 poursuit Thomas Wieder, les Etats-Unis se sont en effet considérablement enrichis. Malgré quelques à-coups en 1924 et en 1927, la production industrielle s’est envolée. Or la croissance entretient la confiance. Et celle-ci s’accompagne d’une véritable frénésie spéculative. En 1927, 577 millions d’actions sont échangées à la Bourse de New York ; en 1928, 920 millions. Dans le même temps, les cours grimpent en flèche. Au cours de l’été 1929, certaines valeurs gagnent plus de 25 %. Courant septembre, cependant, le marché commence à s’essouffler. "L’envolée des cours était telle qu’un rien pouvait suffire à inverser la tendance. La faillite de Clarence Hatry, un homme d’affaires londonien à l’honnêteté douteuse, semble avoir joué un rôle déclenchant dans cette époque où la hausse se fragilisait à mesure qu’elle se confirmait", explique Bernard Gazier, professeur d’économie à la Sorbonne Tout bascule le 24 octobre. Ce jeudi, six millions d’actions sont mises en vente. Du jamais vu. Tout au long de la matinée, les prix s’effondrent. La foule se presse autour de Wall Street. Selon un journaliste, on lit sur les regards "une espèce d’incrédulité horrifiée". A midi, on compte déjà onze suicides de spéculateurs ruinés ».(3)
« Au même moment, dans les locaux de la banque J.P. Morgan, en face de la Bourse, une réunion de crise est improvisée en présence d’une demi-douzaine de grands banquiers. Ils décident de soutenir le marché en rachetant massivement des titres stratégiques. L’effet est immédiat. A la fin de la journée, certaines actions sont même en hausse par rapport à la veille. Mais le sursaut n’est qu’éphémère. Le Jeudi noir a définitivement rompu la confiance Lundi 28 octobre, neuf millions de titres sont vendus ; mardi 29, seize millions. Cette fois, les banquiers n’interviennent pas. Plus rien ne peut enrayer le krach. Mi-novembre, l’indice Dow Jones a perdu 51 % de sa valeur depuis septembre. L’effondrement des cours se poursuivra, de façon presque linéaire, pendant plus de trois ans. Le krach de 1929 est donc, avant tout, lié à l’éclatement d’une bulle spéculative. Celle-ci s’est notamment constituée grâce à l’engouement spectaculaire pour les call loans (prêts au jour le jour). ». (3)

"Aucune muraille de Chine ne sépare le fiduciaire du réel, souligne John K. Galbraith dans son étude classique sur La Crise économique de 1929 (Payot, 1970). Le rôle de la catastrophe boursière dans la grande tragédie des années 1930 (...) fut d’une importance indiscutable." La spirale est infernale. La ruine des courtiers accule les banques, dont ils sont les débiteurs, à la faillite - 4 300 établissements ferment entre 1929 et 1931. Des millions d’épargnants perdent leurs économies en un jour. L’effondrement du pouvoir d’achat entraîne une chute de la demande et une contraction de l’activité. Quatre millions d’Américains sont au chômage en 1930, douze millions en 1932. Mais l’ampleur qu’elle prend aux Etats-Unis n’est pas la seule originalité de cette crise. Celle-ci, souligne Bernard Gazier, "se caractérise surtout par sa propagation fulgurante à travers le reste du monde". L’économiste insiste sur "l’effet domino" du krach de Wall Street dans l’épanouissement de la Grande Dépression à partir de 1930-1931. Avec une double conséquence. D’une part, l’abandon progressif de l’étalon-or aboutit à la désintégration du système monétaire mondial. D’autre part Les pays industrialisés recourent à des méthodes protectionnistes (hausse des barrières douanières, quotas, etc.). Pour Bernard Gazier, ce "verrouillage protectionniste" constitue la première différence entre la crise de 1929 et la crise actuelle. La seconde différence, majeure, tient, selon lui, à la place des Etats dans le règlement de la crise. "En 1929, l’Etat n’avait absolument pas les moyens d’intervenir comme il le fait aujourd’hui en injectant des liquidités quand le système menace de s’effondrer. Roosevelt, qui était à la tête d’un Etat fédéral pesant 10 % du PIB, n’a jamais imaginé mener une vraie politique de relance de type keynésien. Aujourd’hui que l’Etat pèse 40 % du PIB, il peut intervenir beaucoup plus facilement. L’Etat doit en effet à la fois punir des spéculateurs et sauver le système. Pour le grand public, c’est incompréhensible." (3)

Déjà en 2007 avec le déclenchement de la crise des subprimes, on s’interrogeait si ce n’est pas une réplique de 1929. « Sommes-nous confrontés à un nouveau jeudi noir ? écrit Danielle Bleitrach La fermeture de trois fonds de la Banque BNP Paris Bas a déclenché un vent à la baisse sur toutes les places boursières. A l’origine de la panique expliquent les commentateurs, il y aurait les « subprimes ». Ces prêts immobiliers accordés aux ménages nord-américains les moins solvables et que leurs débiteurs pourraient de moins en moins honorer. On nous présente la crise comme étant liée au fait que les ménages nord-américains non solvables ont été incités par des prêts à acheter des logements. La baisse du prix des terrains et de l’immobilier n’avantage que ceux qui auraient les moyens d’acheter au comptant, les autres qui à un moment quelconque sont obligés de réaliser leur biens se retrouvent avec un bien moins cher, dont ils doivent continuer à payer les intérêts en hausse. Or les prix ont commencé à redescendre depuis quelques mois. Comme les taux d’intérêt grimpaient, il leur était de plus en plus difficile d’honorer leurs prêts. Plusieurs ménages endettés, qui croyaient faire une bonne affaire, ont cessé de rembourser leurs prêts hypothécaires. Enfin il faut voir que la crise dite des subprimes part des pauvres surendettés, précarisés, au chômage, mais atteint de plus en plus des couches beaucoup aisées de la population . (..) Les subprimes ne sont que le niveau visible de l’iceberg. La crise des liquidités, crise de confiance, n’est pas simplement lié au défaut de paiement des ménages non solvables nord américain, mais c’est tout le système de financement de l’économie par le biais des jeux monétaires, qui est en cause. Nous avons donc une économie de casino qui engendre des phénomènes spéculatifs, mais cette spéculation n’est pas purement virtuelle, elle repose dans tous les cas dans sur un renforcement de l’exploitation, un accroissement monstrueux des inégalités au niveau planétaire (..).Nous sommes non pas seulement dans des crises financières à répétition mais dans une crise systémique ».(4)

Plus dure est la chute après la gloire. Bear Stearns, Lehman Brothers, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley. Depuis vingt ans, ces cinq banques d’affaires américaines faisaient rêver les financiers du monde entier. En raison des profits exceptionnels qu’elles dégageaient et en raison des bonus mirifiques que touchaient les salariés. En 2006, année record, leurs 170 000 employés s’étaient partagés 36 milliards de dollars de primes de fin d’année. Avec des pointes à plus de cent millions de dollars pour quelques-uns des traders stars. Leur puissance et leur opulence se doublaient d’une arrogance sans limites. Mais voilà, en quelques mois, la bande des cinq a disparu, victime de la crise des subprimes et plus généralement des marchés de crédit. Cette déconfiture s’explique facilement lorsqu’on sait que ces banques tiraient l’essentiel de leurs profits des activités de marchés Avec la paralysie observée sur les marchés du crédit à la suite de la crise des subprimes, c’est une bonne partie de leur fonds de commerce qu’elles ont perdu. Fragilisées, elles ont ensuite été victimes de l’action de certains hedge funds qui, en vendant massivement les titres, leur ont fait rendre gorge.

Comme le décrit Michael Shedlock sur le site de Seeking Alpha Financial, ce fut un grand moment de vérité : « Lorsque vous l’entendiez décrire la situation, vous aviez la gorge nouée », raconte le sénateur démocrate de New-York Charles E. Schumer. Ces mesures, au mieux, retarderont l’Armageddon mais qu’ils n’ont pas écarté le danger : « Les interventions gouvernementales ne peuvent jamais empêcher un Armageddon financier. En fait, l’intervention du gouvernement dans les marchés libres garantit l’Armaggedon. L’Armageddon n’a pas été évité, juste retardé, au frais du contribuable. » Ecoutons l’économiste Nouriel Roubini dont la plupart des prévisions se sont révélées exactes Il prédit, selon le journaliste économique Felix Salmon, « des pertes de 2000 milliards de dollars de crédits, la nationalisation de la moitié du système bancaire US, des défauts de paiement, l’accélération de la baisse des prix de l’immobilier, un arrêt brutal de la consommation des ménages, une contagion globale, une récession, que sais-je encore. »(5)

Aujourd’hui, tous les ingrédients d’une récession sont réunis, en particulier aux Etats-Unis. En 2000, l’éclatement de la bulle technologique a provoqué une récession relativement légère. Mais rien ne garantit qu’il en sera de même pour la prochaine récession. En économie, le passé n’est pas un guide pour l’avenir. La crise actuelle des marchés monétaires renforce la perspective d’une récession affectant l’ensemble de l’économie. L’économie n’est pas une science exacte. La morale ce cette débâcle est : « Contribuables : "Payez !" » Quand les banques privées européennes jouent à l’économie-casino, elles gagnent toujours. L’Etat vient au secours de leur gabegie en puisant dans les fonds publics. Par contre quand tout va bien pour elles, ce sont une minorité ; les actionnaires qui empochent la mise ! Joseph Stieglitz prix Nobel d’économie a bien raison de parler de « socialisation des pertes » , mais pas des profits … Pour nous, il faudrait savoir si les 120 milliards de dollars ne vont pas fondre dans cette tourmente.

1.Le plan Paulson n’est "pas acceptable" en l’état, AFP. 23 09 2008.

2.La finance mondiale redoute l’effet domino Challenge.fr. 18 Septembre 2008

3. Thomas Wieder : 24 octobre 1929, tout bascule : Le Monde du 21.09.08

4. Danielle Bleitrach :La crise financière pour les nuls, par une nulle… 11 août 2007

5.D. Schechter Notre 11 septembre financier : http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6879

Prof. C .E. Chitour
Ecole Polytechnique

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Vos commentaires

  • Le 27 septembre 2008 à 01:35, par Christiane En réponse à : Crise financière : La débâcle du capitalisme mondial et prédateur

    Source : Rouge 26 Sept 2008

    La crise économique connaît de nouveaux rebondissements, de nouvelles faillites ayant eu lieu. Utilisant l’argent du contribuable pour combler les pertes, le Trésor américain annonce un plan de 700 milliards de dollars. Mais la crise n’est pas finie.

    Crise financière et crise réelle continuent à cheminer côte à côte, mais de plus en plus étroitement imbriquées. Une fois c’est l’une, une fois c’est l’autre qui prend la vedette. Il y a quinze jours, c’était la crise réelle qui tenait le devant de la scène, avec un monde développé en récession. Désormais, c’est la crise financière qui passe au premier plan. Elle progresse suivant toujours le même axe : l’effet domino, où chaque pièce qui tombe en entraîne une autre à sa suite. Après Fannie et Freddie, les deux géants du refinancement hypothécaire américain, la banque d’affaires Lehman Brothers ; après Lehman, la compagnie d’assurance AIG (qui était, il n’y a pas si longtemps, numéro un mondial) ; après AIG, la banque anglaise HBOS, rachetée en catastrophe par la Lloyds TSB.

    Mais l’effet domino a élargi son cercle et concerne de nouveaux acteurs, qui ne sont plus directement liés au marché hypothécaire américain. La chute de Fannie et Freddie s’explique évidemment par l’effondrement de ce marché. Tel est encore le cas de Lehman, fortement impliqué dans le crédit immobilier aux États-Unis. Les choses changent déjà avec la banque anglaise HBOS, tombée parce qu’elle est le plus gros prêteur immobilier, non pas aux États-Unis, mais en Grande-Bretagne. Le glissement est encore plus net avec AIG, dont le lien au marché hypothécaire n’est qu’indirect.

    Nous en sommes même arrivés à un effet domino qui anticipe son propre mouvement. Une fois un domino tombé, les acteurs de la finance cherchent quel sera le prochain, persuadés qu’il y en aura un. Chaque fois qu’une victime est désignée, la meute de loups l’entoure, l’isole, fixant sur elle des yeux de braise, attendant qu’elle tombe pour la dépecer, tout en se lamentant sur la crise effroyable. La logique de la crise financière est désormais auto-entretenue.

    Le plus grave, c’est qu’à côté de l’effet domino, il y a un effet ping-pong, où sphère financière et économie réelle se renvoient la balle. Tel commence à être le cas de l’économie réelle à la sphère financière, parce que la dégradation de l’activité économique rend insolvables des emprunteurs, même en dehors du marché hypothécaire. Mais tel est surtout le cas de la sphère financière à l’économie réelle. La cascade d’effondrements financiers ne peut qu’accentuer la restriction du crédit bancaire, déjà bien entamée. Et les retombées négatives de ces effondrements vont bien au-delà de ce seul volet. Ainsi, la chute de Lehman a un impact psychologique désastreux, mais elle va également frapper les autres établissements qui lui ont prêté de l’argent, qui ne peuvent plus rentrer dans leurs fonds et seront, de ce fait, soupçonnés à leur tour ; enfin, la liquidation des actifs de Lehman, jetés sur les marchés pour sauver quelques sous, va contribuer à dégrader encore un peu plus les cours.

    Plan d’urgence

    Il ne fait pas de doutes que ce jeu de ping-pong va aggraver la crise réelle commençante. En une dizaine de jours, la probabilité d’une crise mondiale s’est nettement accrue. Mais une autre possibilité est maintenant ouverte : celle d’un effondrement en cascade de l’ensemble du système financier mondial. Jusqu’à présent guère concevable, cette hypothèse a gagné en crédibilité avec les événements récents, tout en n’étant toujours pas la plus probable. La déflagration sera sans doute évitée, mais il est désormais clair que la crise proprement financière est installée pour longtemps.

    Confrontées à la violence du tremblement de terre, les boussoles s’affolent. Et les autorités publiques s’empressent de voler au secours du capital, comme elles l’ont fait avec Fannie et Freddie, puis à nouveau avec AIG. On nous a longuement et doctement expliqué que les marchés s’équilibraient eux-mêmes, et qu’il ne fallait surtout pas intervenir, ni perturber leur fonctionnement. Mais, dès que le système de profit est menacé, les beaux discours sont jetés aux orties, littéralement piétinés, et il ne reste plus que la réalité toute crue de la défense du fric. Et certains de se réjouir de cet interventionnisme, contradiction en actes du libéralisme ambiant. Est-ce là toute la leçon que l’on peut tirer de la catastrophe imminente ? Le système capitaliste lui-même n’a-t-il pas démontré sa nocivité, l’effroyable capacité qu’il a d’entraîner avec lui toute l’humanité aux abîmes ? L’appel à l’État pour couvrir les pertes d’aujourd’hui et garantir les profits de demain change-t-il quoi que ce soit ?

    Manifestement non, c’est une façon de sauver ce qui peut l’être du néolibéralisme. Il n’est pas question de nous contenter d’un tel discours. En réalité, le contraste est saisissant entre la rapidité avec laquelle la crise progresse et le ronron de la gauche « de gouvernement » où, s’il arrive que l’on parle, on parle en tous les cas de tout autre chose. Un sursaut s’impose, la contre-offensive doit s’organiser. Il nous faut un nouveau plan d’urgence, un plan d’urgence face à la crise. ■

    Isaac Johsua

  • Le 2 octobre 2008 à 23:57, par Courant Communiste International En réponse à : Crise financière : La débâcle du capitalisme mondial et prédateur

    Va-t-on revivre un krach comme en 1929 ?
    Le 24 septembre 2008, le président des États-Unis, George W. Bush, a tenu, d’après les commentateurs et journalistes du monde entier, un discours "inhabituel". Son allocution télévisée a en effet annoncé sans détour quels tourments allaient s’abattre sur "le peuple américain" : "Il s’agit d’une période extraordinaire pour l’économie des États-Unis. Depuis quelques semaines, de nombreux Américains éprouvent de l’anxiété au sujet de leur situation financière et de leur avenir. [...] Nous avons observé de grandes fluctuations à la Bourse. De grands établissements financiers sont au bord de l’effondrement, et certains ont fait faillite. Alors que l’incertitude s’accroît, de nombreuses banques ont procédé à un resserrement du crédit. Le marché du crédit est bloqué. Les familles et les entreprises ont plus de difficulté à emprunter de l’argent. Nous sommes au milieu d’une crise financière grave [...] toute notre économie est en danger. [...] Des secteurs clés du système financier des États-Unis risquent de s’effondrer. [...] l’Amérique pourrait sombrer dans la panique financière, et nous assisterions à un scénario désolant. De nouvelles banques feraient faillite, dont certaines dans votre communauté. Le marché boursier s’effondrerait encore plus, ce qui réduirait la valeur de votre compte de retraite. La valeur de votre maison chuterait. Les saisies se multiplieraient. [...] De nombreuses entreprises devraient mettre la clé sous la porte, et des millions d’Américains perdraient leur emploi. Même avec un bon bilan créancier, il vous serait plus difficile d’obtenir les prêts dont vous auriez besoin pour acheter une voiture ou envoyer vos enfants à l’université. Au bout du compte, notre pays pourrait sombrer dans une longue et douloureuse récession".

    L’économie mondiale touchée par un séisme financier
    En réalité, ce n’est pas seulement l’économie américaine qui menace de "sombrer dans une longue et douloureuse récession" mais l’ensemble de l’économie mondiale. Les États-Unis, locomotive de la croissance depuis soixante ans, entraînent cette fois-ci l’économie mondiale vers l’abîme   !

    La liste des organismes financiers en très grande difficulté s’allonge ainsi chaque jour :

    - En février, la huitième banque anglaise, Northern Rock, a dû être nationalisée sous peine de disparition.

    - En mars, Bear Stearns, la cinquième banque de Wall Street, est "sauvée" en étant rachetée par JP Mogan, la troisième banque américaine, via des fonds de la Banque fédérale américaine (la FED).

    - En juillet, Indymac, l’un des plus gros prêteurs hypothécaires américains, est mis sous tutelle des autorités fédérales. Il est alors le plus important établissement bancaire à faire faillite aux États-Unis depuis vingt-quatre ans   ! Mais son record ne tiendra pas longtemps.

    - Début septembre, le jeu de massacre se poursuit. Freddie Mac et Fannie Mae, deux organismes de refinancement hypothécaire pesant près de 850 milliards de dollars à eux deux, évitent la faillite de justesse par un nouveau renflouement de la FED.

    - Quelques jours plus tard seulement, Lehman Brothers, la quatrième banque américaine, se déclare en faillite et cette fois-ci la FED ne la sauvera pas. Le total des dettes de Lehman Brothers s’élevait à 613 milliards de dollars au 31 mai. Record battu   ! La plus grosse faillite d’une banque américaine à ce jour, celle de Continental Illinois en 1984, mettait en jeu une somme seize fois plus modeste (soit 40 milliards de dollars)   ! C’est dire la gravité de la situation.

    - Pour éviter d’être frappée du même sort, Merrill Lynch, autre fleuron américain, a dû accepter son rachat en urgence par Bank of America.

    - Il en a été de même pour HBOS rachetée par sa compatriote et rivale Lloyds TSB (réciproquement deuxième et première banques d’Écosse).

    - AIG (American International Group, l’un des plus grands assureurs mondiaux) a été renfloué de justesse par la Banque centrale américaine. En fait, les finances de l’État américain sont, elles aussi, au plus mal   ; c’est pourquoi la FED avait décidé de ne pas porter secours à Lehman Brothers. Si elle l’a tout de même fait pour AIG, c’est qu’en cas de faillite de cet organisme, la situation devenait totalement incontrôlable.

    - Nouveau record   ! Deux semaines seulement après Lehman Brothers, c’est au tour de Washington Mutual (WaMu), la plus importante caisse d’épargne aux États-Unis, de mettre la clef sous la porte   ! 1

    Inévitablement, les Bourses sont aussi dans la tourmente. Régulièrement, elles s’effondrent de 3, 4 ou 5  %, au fil des faillites. La Bourse de Moscou a même dû fermer ses portes pendant plusieurs jours, mi-septembre, suite à des chutes successives dépassant les 10  %   !

    Vers un nouveau 1929   ?
    Face à cette cascade de mauvaises nouvelles, même les plus grands spécialistes de l’économie s’affolent. Alan Greenspan, l’ancien président de la FED (considéré comme un président "mythique" par ses pairs) a ainsi déclaré sur la chaîne de télévision ABC, le 15 septembre 2008 : "On doit reconnaître qu’il s’agit d’un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle [...] Il n’y a aucun doute, je n’ai rien vu de pareil et ce n’est pas encore fini et cela prendra encore du temps." Plus significative encore fut la déclaration du prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz qui, voulant "calmer les esprits", a affirmé très maladroitement que la crise financière actuelle devrait être moins grave que celle de 1929, même s’il fallait se garder d’un "excès de confiance" : "On peut bien sûr se tromper mais le point de vue général est que nous disposons aujourd’hui d’outils [...] pour éviter une autre Grande dépression 2"   ! Loin de rassurer, cet éminent spécialiste de l’économie, mais pas fin psychologue, a évidemment provoqué l’affolement général. En fait, involontairement, il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : allons-nous vers un nouveau 29, vers une nouvelle "dépression"   ?

    Depuis lors, pour nous rassurer, les économistes se succèdent sur les plateaux télé pour expliquer que si, oui, la crise actuelle et très grave, elle n’a rien à voir avec le krach de 1929 et que, de toute façon, ça finira par repartir. Tous ceux-là n’ont qu’à moitié raison. Lors de la Grande dépression, aux États-Unis, des milliers de banques ont fait faillite, des millions de gens ont perdu leurs économies, le taux de chômage a atteint 25  % et la production industrielle a chuté de près de 60  %. Bref, l’économie s’est comme arrêtée. En fait, à l’époque, les dirigeants des États n’avaient réagit que très tardivement. Pendant de longs mois, ils avaient laissé les marchés livrés à eux-mêmes. Pire, leur seule mesure fut de fermer les frontières aux marchandises étrangères (par le protectionnisme) ce qui avait fini de bloquer le système. Aujourd’hui, le contexte est très différent. La bourgeoisie a appris de ce désastre économique, elle s’est dotée d’organismes internationaux et surveille la crise comme le lait sur le feu. Depuis l’été 2007, les différentes banques centrales (principalement la FED et la Banque centrale européenne - la BCE) ont injecté près de 2000 milliards de dollars pour sauver les établissements en difficulté. Elles sont ainsi parvenues à éviter l’effondrement net et brutal du système financier. L’économie est en train de décélérer très très vite mais ne se bloque pas. Par exemple, en Allemagne, la croissance pour 2009 ne devrait être que de 0,5  % (d’après l’hebdomadaire allemand Der Spiegel du 20 septembre). Mais contrairement à ce que disent tous ces spécialistes et autres docteurs ès-science, la crise actuelle est beaucoup plus grave qu’en 1929. Le marché mondial est totalement saturé. La croissance de ces dernières décennies n’a été possible que par un endettement massif. Le capitalisme croule aujourd’hui sous cette montagne de dettes   ! 3

    Certains politiciens ou hauts responsables de l’économie mondiale nous racontent aujourd’hui qu’il faut "moraliser" le monde de la finance afin de l’empêcher de commettre les excès qui ont provoqué la crise actuelle et de permettre le retour à un "capitalisme sain". Mais ils se gardent de dire (ou ils n’ont pas envie de le voir) que la "croissance" des années passées a justement été permise par ces "excès", c’est-à-dire la fuite en avant du capitalisme dans l’endettement généralisé 4. Ce ne sont pas les "excès des financiers" qui sont les véritables responsables de la crise actuelle   ; ces excès et cette crise de la finance ne font qu’exprimer la crise sans issue, l’impasse historique dans lesquelles se trouve le système capitaliste comme un tout. C’est pour cela qu’il n’y aura pas de véritable "sortie du tunnel". Le capitalisme va continuer de s’enfoncer inexorablement. Le Plan Bush de 700 milliards de dollars, censé "assainir le système financier", sera forcément un échec. Si ce plan est accepté 5, le gouvernement américain va récupérer les créances douteuses pour apurer les comptes des banques et relancer le crédit. A l’annonce de ce plan, soulagées, les Bourses ont battu des records de hausse en une seule journée (9,5  % pour la Bourse de Paris, par exemple). Mais depuis, elles font du yo-yo car, au fond, rien n’est vraiment réglé. Les causes profondes de la crise sont toujours là : le marché est toujours saturé de marchandises invendables et les établissements financiers, les entreprises, les États, les particuliers... croulent toujours sous le poids de leurs dettes.

    Les milliers de milliards de dollars jetés sur les marchés financiers par les différentes banques centrales de la planète n’y changeront rien. Pire, ces injections massives de liquidités signifient un nouvel accroissement des dettes publiques et bancaires. La bourgeoisie est dans l’impasse, elle n’a que des mauvaises solutions à offrir. C’est pourquoi la bourgeoisie américaine hésite tellement à lancer le "plan Bush"   ; elle sait que si dans l’immédiat cela évite la panique, cela revient surtout à préparer de nouveaux soubresauts d’une extrême violence pour demain. Pour George Soros (l’un des financiers les plus célèbres et respectés de la planète), la "possibilité d’un éclatement du système financier existe".

    Une vague de paupérisation sans précédent depuis les années 1930
    Les conditions de vie de la classe ouvrière et de la majorité de la population mondiale vont se dégrader brutalement. Une vague de licenciements va frapper simultanément tous les coins de la planète. Des milliers d’usines vont fermer. D’ici la fin 2008, pour le seul secteur de la finance, 260 000 emplois devraient être supprimés aux États-Unis et en Grande-Bretagne (d’après le quotidien français les Échos, du 26 septembre). Or, un emploi dans la finance génère en moyenne quatre emplois directs   ! L’effondrement des organismes financiers signifie donc le chômage pour des centaines de milliers de familles ouvrières. Les saisies immobilières vont encore augmenter. 2,2 millions d’Américains ont déjà été expulsés de chez eux depuis l’été 2007, 1 million encore devraient se retrouver à la rue d’ici Noël. Et ce phénomène commence à toucher l’Europe, en particulier l’Espagne et la Grande-Bretagne.

    En Angleterre, le nombre de saisies immobilières a augmenté de 48  % au 1er semestre 2008. Depuis un peu plus d’un an, l’inflation a fait son grand retour sur le devant de la scène. Le prix des matières premières et des denrées alimentaires a explosé, ce qui a provoqué des famines et des émeutes dans de très nombreux pays 6. Les centaines de milliards de dollars injectés par la FED et la BCE vont encore accroître ce phénomène. Cela signifie une paupérisation de toute la classe ouvrière : se loger, se nourrir, se déplacer va devenir de plus en plus difficile pour des millions de prolétaires   !

    La bourgeoisie ne manquera pas de présenter la note de sa crise à la classe ouvrière. Au programme : diminution des salaires réels, des aides et des allocations (pour le chômage, la santé...), allongement de l’âge de la retraite, hausse des impôts et multiplication des taxes. D’ailleurs, Georges W. Bush a déjà prévenu : son plan de 700 milliards de dollars sera financé par les "contribuables". Les familles ouvrières devront débourser plusieurs milliers de dollars chacune pour renflouer les banques au moment même où une grande partie d’entre elles n’arrive même plus à se loger   !

    Si la crise actuelle n’a pas l’aspect soudain du krach de 1929, elle va faire subir les mêmes tourments aux exploités du monde entier. La vraie différence avec 1929 ne se situe pas du côté de l’économie capitaliste mais du côté de la combativité et de la conscience de la classe ouvrière. A l’époque, alors qu’il venait de subir l’échec de la Révolution russe de 1917, l’écrasement des révolutions en Allemagne entre 1919 et 1923 et les affres de la contre-révolution stalinienne, le prolétariat mondial était totalement abattu et résigné. Les coups de boutoirs de la crise avaient bien déclenché des mouvements de chômeurs importants aux États-Unis, mais cela n’avait pas été plus loin et le capitalisme avait entraîné l’humanité vers la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, c’est totalement différent. Depuis 1968, la classe ouvrière a soulevé la chape de plomb de la contre-révolution et si les campagnes de 1989 sur la "fin du communisme" lui avaient porté un coup violent, depuis 2003, elle développe sa lutte et sa conscience. La crise économique peut être le terreau fertile sur lequel vont germer la solidarité et la combativité ouvrières   !

    Françoise (27 septembre)

    1) A l’annonce de toutes ces faillites en chaîne, on ne peut qu’être indigné en pensant aux sommes faramineuses empochées ces dernières années par les responsables de ces différents organismes. Par exemple, les dirigeants des cinq premières banques de Wall Street ont touché 3,1 milliards de dollars en 5 ans (Bloomberg). Et aujourd’hui, c’est la classe ouvrière qui subit les conséquences de leur politique. Même si la démesure de leur salaire n’explique pas la crise, elle révèle ce qu’est la bourgeoisie : une classe de gangsters qui a le plus grand mépris pour les ouvriers, les "petites gens"   !

    22) La "Grande dépression" correspond à la crise des années 1930.

    3) Les "créances douteuses" (c’est-à-dire risquant fortement de ne pas être remboursées) se situent aujourd’hui, au niveau mondial, entre 3000 et 40 000 milliards de dollars, suivant les évaluations. L’imprécision de cette fourchette provient du fait que les banques se sont vendus mutuellement ces prêts à risques, à ce point qu’elles ne parviennent plus aujourd’hui à les évaluer réellement   !

    4) Comme l’a dit un journaliste sur le plateau d’une émission de "C dans l’air" sur France 5 : "Les États-Unis ont joué les prolongations grâce au crédit" .

    5) A l’heure où nous mettons sous presse, les discussions entre le gouvernement et le congrès sont toujours en cours.

    6) Lire "Crise alimentaire : les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme".

  • Le 3 octobre 2008 à 10:44, par Christiane En réponse à : Crise financière : La débâcle du capitalisme mondial et prédateur

    Une privatisation des fonds publics

    Par Laurent Lévy, 30 septembre

    On n’entend plus que ce mot là : « nationalisations ». Les Belges, nous dit-on, auraient nationalisé une grande banque, à l’imitation de ce qu’aurait fait le gouvernement des États-Unis. Ce mot, sorti par la porte du vocabulaire politique d’une gauche devenue sociale-libérale depuis 1983 revient ainsi par la fenêtre dans celui de la droite néo-libérale. Mais comme il se doit, c’est au prix d’un pervertissement complet de son sens.
    Article

    Si les nationalisations ont trop souvent pris la forme de simples étatisations, leur vocation dans les politiques de gauche était de restituer à la collectivité nationale les moyens matériels, industriels ou financiers de la production et de l’organisation économique. Il s’agissait d’orienter l’économie dans un sens qui lui permette d’échapper à l’emprise du capital. La nationalisation, autrement dit, était un moyen de socialiser, de collectiviser certains secteurs de l’économie, pour déterminer de nouvelles logiques de production et de distribution.

    De substituer à celle du profit, celle de l’intérêt public. De mettre en cause la domination privée de l’économie, le pouvoir de l’argent, le règne d’une jungle où les puissants se nourrissent aux dépens des petits.

    Les nationalisations devaient ainsi concerner des secteurs sains, puissants, riches de l’économie, pour que cette richesse, cette puissance, cette santé économique cessent d’être orientées dans l’intérêt des boursicoteurs de tout poil, et puissent servir de levier à d’audacieuses politiques sociales et démocratiques, dans l’intérêt du plus grand nombre.

    Il ne s’agit pas ici d’embellir le principe de ces nationalisations, ni de surestimer le potentiel qu’elles pouvaient représenter, non plus que les conceptions politiques générales qui y avaient présidé. La vérité est d’ailleurs qu’un tel programme n’a jamais été vraiment réalisé, faute sans doute d’un courage politique suffisant, faute par le gouvernement de la gauche, de 1981 à 1983 d’avoir su, voulu, cherché à s’appuyer sur un mouvement populaire actif, et sur une démocratisation radicale des secteurs économiques ainsi nationalisés.

    Mais cela n’autorise pas à y assimiler la tentative de sauvetage d’un système financier prédateur par le renflouement sur le dos des contribuables – et donc au préjudice de toute politique sociale – des caisses des spéculateurs.

    Les opérations en cours dans divers pays capitalistes n’ont rien à voir avec ce que l’on pourrait appeler des nationalisations : non seulement il n’est pas question de remettre à la collectivité les pôles les plus forts de l’économie, mais bien au contraire, on demande à la collectivité de mettre la main au portefeuille pour fournir des béquilles à un système bancaire et financier affaibli par la logique même de leur fonctionnement naturel ; de lui donner, en somme, un souffle nouveau pour pouvoir reprendre le cours de son règne sans partage sur le monde et sur la vie des plus humbles.

    Loin de donner à un secteur public développé les moyens sur lesquels le capital assoit sa domination, il s’agit de donner au capital les moyens de la poursuivre. Ce n’est pas à la nationalisation des banques que l’on assiste, mais à la privatisation des fonds publics.

    Collectif les mots sont importants

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