Une tribune pour les luttes

10ème anniversaire de l’arrestation de Pinochet

La France, pays refuge des Pinochet de ce siècle ?

Article mis en ligne le mercredi 15 octobre 2008

Le 16 octobre prochain marquera le dixième anniversaire de l’arrestation d’Augusto Pinochet à Londres, étape majeure de la justice. A cette occasion Amnesty International France (AIF) renouvelle sa demande à la France de mettre en œuvre et de respecter ses engagements vis-à-vis de la Cour pénale internationale (CPI).


L’affaire Pinochet, emblématique pour la justice internationale

Le coup d’Etat militaire du général Pinochet de 1973 au Chili a rendu la pratique de la torture systématique et la "disparition" une politique d’Etat. Dès lors, Amnesty International (AI) a mené un travail d’enquête et de soutien aux victimes.

AI a été la première organisation non gouvernementale (ONG) internationale à appeler l’attention des gouvernements européens sur la nécessité d’exercer leurs responsabilités dès qu’elle a su qu’Augusto Pinochet allait se rendre en Europe en septembre 1998. Le mois suivant, suite à un mandat d’arrêt international émis par le juge espagnol Baltasar Garzón, le général Pinochet, de passage à Londres, est placé en état d’arrestation puis assigné en résidence surveillée le 16 octobre.
Cette arrestation a marqué une étape clé du travail d’Amnesty International dans sa lutte contre l’impunité et pour l’application d’une justice internationale effective. Tout en rappelant qu’aucune immunité ne protège les anciens chefs d’Etat accusés de crimes, elle a constitué une nouvelle étape dans l’acceptation de la compétence universelle, qui impose de juger les crimes heurtant l’humanité toute entière quel que soit l’endroit où ils ont été commis (génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, torture, disparition forcée…).

Reconnue en droit international avant même la création du Tribunal militaire international de Nuremberg, la compétence universelle est aujourd’hui admise par une grande majorité d’Etats. Cependant, ils sont une minorité à exercer pleinement cette compétence alors même que des suspects notoires se trouvent sur leur territoire. Il reste encore beaucoup à faire, notamment en France.


Timidités françaises

Si la France a ratifié un certain nombre de conventions internationales lui imposant de poursuivre les auteurs de crimes internationaux trouvés sur son territoire, dont le Statut de Rome fondant la CPI, elle n’avance dans cette direction qu’avec une trop grande timidité.

L’Assemblée nationale est actuellement saisie du projet de loi d’adaptation en droit français du Statut de Rome, qui montre comment un Etat peut chercher à limiter la portée de ses engagements internationaux. En effet, le 10 juin dernier, le Sénat a vidé le principe de compétence universelle de l’essentiel de sa substance. Dans ce texte qui concerne les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, le Sénat :

• réserve cette compétence aux personnes « résidant habituellement » dans notre pays. Un tel critère ne permettrait pas d’arrêter en France un nouveau général Pinochet qui éviterait de s’y installer durablement ;

• prive les victimes de la possibilité de provoquer les poursuites en en confiant le monopole au Parquet ;

• subordonne la compétence des juridictions françaises à la condition que les crimes soient punissables dans le pays d’origine de l’auteur, comme si l’universalité des valeurs d’humanité qu’il s’agit de protéger ne se suffisait pas à elle-même.

La Cour pénale internationale ne peut juger que les dossiers les plus graves et les plus emblématiques. Pour tous les autres, les plus nombreux, son Statut l’énonce en toutes lettres : « il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». C’est un principe fondateur du droit pénal international que la France refuse d’appliquer par une législation interne réductrice et donc favorable aux auteurs des crimes internationaux.
De plus en plus d’Etats, en Europe mais aussi sur d’autres continents, ont mis leur législation en conformité avec ce principe. La France fait figure d’exception : avec le texte voté par le Sénat, les Pinochet de ce siècle éviteront de voyager dans des dizaines de pays, mais pourront trouver la tranquillité en France s’ils veillent à ne pas y résider durablement.

Amnesty International France appelle les députés qui vont être saisis de ce projet de loi à permettre à la France de jouer pleinement son rôle dans le nouvel ordre juridique international qui se construit depuis 1998.

http://www.amnesty.fr/

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