Une tribune pour les luttes

Centre de rétention du Mesnil-Amelot, le 29 octobre 2008

Paroles de détenus parce qu’ils n’ont pas les papiers qu’il faut...

Ne les oubions pas ! Fermeture des centres de rétention.

Article mis en ligne le vendredi 31 octobre 2008

Nous essayons d’abord d’appeler les cabines du centre de rétention de Cité. Ce sont des policiers qui répondent aux cabines… Nous essayons ensuite Bobigny, les numéros que nous avons ne correspondent plus aux cabines du centre de rétention. Finalement, nous appelons au Mesnil-Amelot. Le retenu qui décroche est d’abord très méfiant. Il veut savoir qui on est, si on fait partie d’une association, si on est journaliste. On lui explique qu’on est juste là pour recueillir leurs témoignages sur la vie dans le centre et le diffuser au maximum. Finalement il nous parle. Puis des retenus se passent successivement le téléphone.

"Il y a beaucoup de monde ici. De différentes couleurs : des noirs, des chinois, des pakistanais, des arabes. Y a de tout. On est très nombreux, on est ici juste à cause des papiers. Les jugements, ça finit pas, on n’arrive pas à s’en sortir. Moi ça fait à peu près 2 semaines que je suis là. C’est la première fois que je suis en rétention. Je me suis fait arrêter sur la route en rentrant du boulot. Ma femme, elle est seule à l’hôtel avec mon bébé de 4 mois. Je sais même pas comment il va manger. On est beaucoup de pères de famille ici et des jeunes célibataires aussi. A part mon avocat j’ai pas de visite. Ici c’est trop loin pour ma femme, elle connaît pas la route et le bébé est trop petit. Et il fait trop froid ici.
Moi je suis un père de famille et je suis enfermé ici à cause des papiers. Pour le jugement, ma femme a déposé tous les papiers qui montrent que je suis un père de famille. Elle a aussi déposé une demande d’asile qui est en cours. Il y a eu un jugement, deux jugements et je suis toujours ici.
Il y a des gens qui refusent l’expulsion et ils reviennent au centre. Il y a un gars il a refusé l’expulsion, il a fait des jugements et des jugements et il est là. Il y en d’autres qui refusent mais ils partent. Il y en a qui sortent aussi.
On est là comme des détenus. Les gendarmes ils font leur travail, ils sont pas très violents, c’est leur travail. Je vais vous passer quelqu’un d’autre."

Un deuxième retenu.
"Moi je viens d’arriver aujourd’hui. C’est un truc dégueulasse ici. Il y a des gens qui dorment sur des matelas par terre, les toilettes sont cassées. Avant j’étais au centre de Lyon St Exupéry, ça allait. Ici c’est vraiment dégueulasse.
Depuis ce matin j’ai rien mangé. J’ai du acheter un sandwich à la machine. Ce midi j’étais au tribunal à Créteil et ils m’ont rien donné à manger là bas. Vraiment c’est dégueulasse, les matelas sont déchirés, les douches sont sales... C’est pour ça que les gendarmes ne nous laissent pas les téléphones avec les appareils photos et les caméras, c’est pour pas qu’on filme tout ça."

Il nous passe un 3ème retenu.
"Obligé ici tu payes pour manger car à la cantine tu manges pas assez et c’est des trucs dégueulasses. Moi je suis en France depuis 2 ans. J’ai déjà fait 15 jours en centre de rétention, ici, en 2006. C’était mieux, et aussi j’y suis allé en 2007. Ca fait 3 jours que je suis là, peut être que je vais sortir demain car je passe en jugement et moi j’ai une femme française et un bébé.
Moi je vais peut être sortir mais le problème c’est pour les autres. C’est vrai moi je suis marié et j’ai une famille mais il y en a d’autres aussi qui sont mariés et demain ils sont au bled. C’est comme ça, on peut pas changer la loi.
Les gendarmes sont gentils, je vais rien dire sur eux mais on n’a pas assez à manger. Franchement les gens s’énervent pas.
Ici on a une carte, comme une pièce d’identité avec nom, prénom, chambre et ton N° de personnalité.
Comme il fait froid on peut pas sortir mais à l’intérieur aussi il fait froid, y a pas de chauffage, pas de radiateurs. Au centre de Plaisir, il fait chaud, c’est propre, y a des radiateurs. J’y suis allé en 2007. A chaque fois je suis libéré."

Un 4ème retenu vient nous parler.
"Franchement à l’intérieur on souffre. Y a pas de soins, y a pas de médicaments. Y a des galères dedans. Vous dehors, vous pouvez dire qu’il y a des gens qui souffrent ici.
Moi j’ai travaillé ici pendant plus de 6 ans, mes patrons voulaient que je sorte, mais je suis passé en jugement et je ne suis pas sorti. Ca fait 9 jours que je suis ici et je suis passé 3 fois en jugement. On ne sait pas ce qu’on va devenir. Si quelqu’un vient à l’intérieur, il va pleurer quand il va voir ce qu’il se passe.
Ici il fait froid et pour les douches c’est galère. Les gendarmes nous obligent à aller dans nos chambres à partir de 8 h même si on ne veut pas dormir.
Moi j’ai bossé pendant presque 7 ans, je peux pas rentrer au bled comme ça ! J’ai trop d’idées de suicide dans ma tête, je sais pas comment m’en sortir, j’avais jamais galéré comme ça. Mais franchement ton coup de téléphone m’a fait plaisir, ce soir je vais pouvoir dormir. Je te repasse quelqu’un."

Le 3ème retenu, celui qui est arrivé au centre le matin même veut nous reparler. Il veut savoir pourquoi sur les cartes d’identification que chacun doit avoir sur lui au centre, il est en général écrit APRF alors que sur la sienne il est écrit ITF. Nous lui expliquons la signification de ces sigles. Il nous raconte un peu son parcours, originaire de Lyon, il a été condamné effectivement à 3 ans d’interdiction du territoire français en 2007, a fait 5 mois de prison puis est allé en rétention et à sa sortie est allé en Belgique. Comme là bas il ne connaissait personne il a préféré revenir en France et il s’est fait arrêté le 24 octobre. L’an dernier, en 2007, il s’était également fait arrêter un 24 octobre. Il nous passe un autre retenu.

5ème retenu
"Franchement ici c’est pas la joie. C’est très dur. Moi je suis malade, j’ai mal aux yeux mais y a pas de médicaments, ils nous donnent toujours les mêmes. Ici il fait trop froid, c’est dur. Je vois pas de chauffage, même pas dans les chambres. Dans ce qu’on nous donne à manger la date est périmée. On est en prison.
Ca fait 2 semaines que je suis ici et je suis allé deux fois au tribunal. Là bas on te regarde même pas, on te donne 15 jours, c’est trop dur.
Moi je ne vois pas clair, je vois flou. Il y a un médecin, il me donne toujours le même truc. Je m’assois et ils me mettent des gouttes dans les yeux. Ils voient pas ce que j’ai. Ici si tu es malade tu crèves. Tout ce que tu as on te donne toujours du doliprane.
On nous traite vraiment comme des prisonniers. Si on est venu ici c’est pour pouvoir aider notre famille. On fait pas de mal. Moi j’ai été arrêté sur un chantier où je travaillais. Dans mon dossier ils ont écrit que je fumais de la drogue alors que je ne bois pas et ne fume pas. Ils m’ont très mal traité. on ne peut pas réagir, si on parle, ils vont nous frapper. Nous on n’a pas la bouche pour parler et si ils savent qu’on parle ça va aggraver notre cas."
Nous lui demandons si les cabines téléphoniques sont surveillées par des caméras.
"Je sais pas, ils font tout très discrètement. Il y a des caméras dans la cour et partout. On est comme des prisonniers. Dans le centre ils sont gentils mais cela ne change rien, on est quand même là. De toute façon tu es obligé d’accepter, s’ils te frappent, il n’y a personne. On ne peut pas donner de preuve. J’ai vu la Cimade, ils m’ont expliqué. Quand on me donne un papier, je vais les voir, ils me disent c’est la loi. On sait que nous on n’a pas de papiers, qu’on n’est pas en règle, mais ne nous traitez pas comme des prisonniers."

Fermeturetention chez yahoo.fr

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Vos commentaires

  • Le 6 décembre 2008 à 08:20, par Kim Lê En réponse à : Paroles de détenus parce qu’ils n’ont pas les papiers qu’il faut...

    La France, mon futrur époux en arrivant en 1987, m’avait dit, la France et La Suisse pays des droits de l’homme.!!!
    et Bien, les droits sont aux abonnés absents, quandt à l’homme ??? Il y a Le prince, sa cour, ses préfets, sa police casquée bottée qui ne protège pas le citoyen mais regarde dans ses slips dès qu’il y a interpellation, et après eux le déluge !!!
    Nous sommes des individus qui à force d’accepter le Pouvoir de Paris ou de Versailles, comme sous Le roi Soleil (dont le petit fils a payé cher le prix) continuons à être broyés, d’ici que nous retournions à l’état de serfs. D’ailleurs combien de vendeuses de livreurs etc... sont corvéables et taillaibles à merci ??? Et combien de suicide ?? ça ne portera pas bonheur à celle qui exécute les commandements du Prince. Laissez vivre les gens, avec sous sans papier, un peu d’air !!!

    Aparté avec la Suisse : La croix rouge, mais en dehors de quelques personnes dévouées dans certaines directions, c’est une mascarade, aussi une multinationale, combien d’aide malades travaillent pour elle anonymement, à un salaire inférieur au smic suisse, et jetables comme du kleenex ??? Les requérants d’asile sont dans des centres de rétention, l’Office fédéral est à Berne, entouré de Miradors de caméras... ces étrangers. Bien fait officiellement 2 millions, et s’ils n’étaient pas là La suisse plongerait dans une catastrophe économique. toutes ces petites gens font vivre le pays et leur pays en plus.
    Kim lucide

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